Solidarité avec le peuple kurde et avec le HDP

Le samedi 3 octobre prochain, solidaritéS et le HDP organisent un meeting commun à Genève pour marquer leur engagement mutuel à défendre la paix, la justice sociale et la démocratie réelle, à la veille des élections nationales du 18 octobre en Suisse et du 1er novembre en Turquie. A cette occasion, nous aurons le plaisir de recevoir à Genève Osman Baydemir, ex-maire de Diyarbakir et député du HDP (Parti démocratique des peuples).

Nous nous sommes entretenus avec Mehmet Ilkhan, président du Centre kurde des droits de l’Homme de Genève, pour mieux comprendre les causes de l’offensive en cours de l’armée, de la police et des nationalistes turcs contre le processus de paix.

Nous étions plein d’espoir après la victoire du HDP aux élections du 7 juin dernier. Cela semble loin aujourd’hui, alors que la Turquie s’enfonce dans la guerre. A ton avis, comment en sommes-nous arrivés là?

 

Mehmet Ilkhan  L’état de guerre actuel est le résultat de toute une série de décisions politiques prises par le pouvoir en place depuis le début de l’année. Le 28 février dernier, un accord (dit de Dolmabahçe) conclu après plusieurs mois de négociations entre le HDP et le gouvernement était rendu public. Une semaine plus tard, Erdogan, qui avait pourtant suivi de près les négociations, reniait cet accord, allant même jusqu’à déclarer que «le problème Kurde n’existait pas».

Conséquence : dès le début du mois d’avril, les pourparlers entre Abdullah Öcalan et la délégation de HDP ont été interrompus. Öcalan a été privé de toute visite depuis, y compris de sa famille.

Pendant la campagne électorale, plusieurs locaux du HDP ont été saccagés systématiquement de façon organisée. Le but politique d’Erdogan et de l’AKP était d’empêcher le HDP de dépasser le quorum de 10 % afin de continuer à gouverner le pays tout seul. Le fait que, le 7 juin dernier, le HDP a dépassé largement ce seuil en obtenant 13 % des voix, a effectivement privé l’AKP et Erdogan des pleins pouvoirs.

Au lendemain des élections, Erdogan avait déjà pris la décision de faire à nouveau la guerre au peuple kurde. Le terrible massacre des jeunes socialistes partis à Suruc (région frontalière de Kobani) pour se solidariser avec les ha­bitant·e·s de Kobani, puis la mort de deux policiers turcs, lui en ont donné le prétexte. L’Etat turc a ainsi commencé à bombarder  intensivement les zones de défense des combattants du PKK.

C’est toujours autour de ce plan de guerre que, durant 45 jours de négociations, toute possibilité de coalition a été écartée, par Erdogan plus que par le gouvernement, et que les élections anticipées ont été fixées au 1er novembre.

L’AKP et Erdogan espèrent profiter de ce contexte de guerre pour gagner les suffrages des ultra-­nationalistes et faire passer le HDP en-dessous de la barre du quorum. Une visée qu’il a clairement énoncée avec son vice-Premier ministre Akdogan, en n’hésitant pas à mettre en rapport le résultat des élections du 7 juin avec la guerre actuelle Si vous nous aviez donné 400 élus le 7juin, nous n’en serions pas là»).

 

 

A la lumière de ce que tu viens denous dire, comment évalues-­­tu les chances de victoire du HDP aux prochaines élections?

 

Le HDP sortira renforcé des élections. La politique de défense de la paix, des droits démocratiques, éthiques, écologiques, défendue par ce parti, continue à sensibiliser des millions de gens.

Néanmoins, la répression de l’Etat turc comme l’emprisonnement des membres du HDP, le massacre du peuple kurde, et le fait de priver les gens des conditions élémentaires d’un vote démocratique, vont se poursuivre. Il est en effet évident que l’AKP et Erdogan tenteront le tout pour le tout pour garder le pouvoir.

 

 

Le peuple Kurde mène des combats sur plusieurs fronts. Peux-tu nous parler de la situation actuelle et des développements possibles?

 

Comme vous le savez, le Kurdistan est colonisé et partagé par l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie. Jusqu’à nos jours, un Kurdistan uni et libre n’a jamais existé, alors que nous sommes quelques 40 millions de Kurdes.

Depuis quelques années, le Kurdistan syrien (Rojava) connaît une autonomie sans précédent et lutte dans des conditions très difficiles (agression par les forces militaires soutenues par la Turquie, l’Arabie Sahoudite, le Qatar…). Une résistance historique s’organise chaque jour avec beaucoup de détermination et d’engagement.

Du côté du Kurdistan du Nord, la guerre a repris avec l’Etat turc depuis deux mois. A l’heure où nous parlons, plusieurs villes kurdes comme Cizre, Yuksekova, Hakkari, Sirnak, Varto sont coupées du monde et assiégées par l’armée turque. Ces deux derniers mois, il y a eu plus de 6000 arrestations, et plus de 20 000 déportations. Des dizaines de jeunes Kurdes (dont un nouveau-né et plusieurs enfants) ont été assassinés par les forces de l’Etat.

Tout ce que le peuple kurde demande, c’est de bénéficier, à l’instar des autres peuples, des droits naturels à une vie démocratique.

Les Kurdes luttent pour vivre libres, égaux et en paix là où vivaient leurs ancêtres, en harmonie avec les autres peuples de la région. Ils revendiquent un véritable fédéralisme démocratique en Turquie. A Rojava, Arabes, Turkmènes, Assyriens, Arméniens et Kurdes vivent ensemble et libres.

 

 

Une dernière question. Quels appels à la solidarité aimerais-tu faire aux forces progressistes de l’Occident?

 

Je m’exprime ici au nom du Centre kurde des droits de l’Homme. L’exigence principale du peuple kurde et de tous les autres peuples de la région c’est la paix. Il faut que les guerres cessent. Pour cela, les Etats qui en sont les premiers responsables doivent être constamment dénoncés ici en Occident. De ce fait, je fais appel à toutes les forces politiques, syndicales, humanistes, féministes, écologistes… afin qu’elles développent la solidarité avec de tels objectifs par tous les moyens. L’émancipation des peuples suppose la solidarité de tous les peuples entre eux.   

Propos recueillis pour notre rédaction par  Gazi Sahin