Mouvement de grève sur le chantier du CEVA

Mouvement de grève sur le chantier du CEVA : Les travailleurs obtiennent gain de cause

Alors que les travaux du gros œuvre sont en voie d’achèvement  sur le chantier du CEVA (liaison par rail de la gare Cornavin avec les Eaux-Vives et Annemasse), la population réalise que les entreprises choisies pour ce chantier public du siècle ont tablé sur une sous-­enchère systématique des conditions de travail pour se voir adjuger des soumissions tout en réalisant de juteux profits.

Les licenciements annoncés en juin dernier par la société Eaux-Vives Infra SA (EVI), filiale du géant français Vinci, lèvent un coin de voile sur ces pratiques détestables, qu’il s’agit de combattre fermement à l’avenir.

 

 

Des licenciements révélateurs

 

A la fin mai, cette entreprise décidait de se séparer brutalement de 206 travailleurs sans respecter les délais d’annonce légaux ni engager de négociations en vue d’un plan social. Devant les protestations des travailleurs et du syndicat UNIA, EVI va finalement proposer un train de mesures, pourtant inacceptables : une indemnité dérisoire pour les licenciements secs du personnel fixe (moins d’un mois de salaire pour la majorité) ; rien pour le personnel affecté à d’autre sites, en dépit d’importantes baisses de salaires ; et rien surtout pour le personnel intérimaire (plus de 40 % des salariés concernés).

Les 18, 19 et 20 août, à l’occasion de trois assemblées générales, le personnel du chantier d’EVI a massivement rejeté ces propositions, réclamant de véritables négociations d’ici le 25 août. Sans réponse concluante de la partie patronale, les salariés appuyés par leur syndicat ont donc décidé de débrayer le 26 août, et de reconduire cet arrêt de travail le lendemain. Le 27 août, avec le soutien déterminé des élu·e·s d’Ensemble à gauche, une motion a été adoptée par le Grand Conseil genevois, invitant l’entreprise EVI à négocier sérieusement.

Cette lutte a surtout mis en lumière une réalité inquiétante, en particulier sur un chantier public sur lequel on pourrait s’attendre à ce que les entreprises soumissionnaires s’engagent au respect d’un cahier des charges strict en matière de conditions d’embauche, de travail et de licenciement. Or, la présence de plus de 40 % d’intérimaires, depuis plus de deux ans (!), sur le chantier d’EVI, indique bien que cette entreprise comptait ne rien leur devoir à la fin des travaux, une façon de détourner la loi et la convention collective, pour miser sur la précarisation absolue de la main d’œuvre.

 

 

Au-delà d’une grève victorieuse

 

Les travaux du CEVA ne sont pas seulement soumissionnés par l’Etat. Ils sont censés aussi être surveillés par une Cellule d’accompagnement tripartite des travaux (CATTC), qui semble pourtant avoir accepté que les intérimaires soient plafonnés à 30 % de l’effectif d’un chantier, ce qui est déjà scandaleux, laissant en réalité, comme on l’a vu, cette proportion dépasser les 40 %. Ces pratiques semblent donc avoir été généralisées pour le gros œuvre, et il faudra s’assurer qu’elles ne se perpétuent pas pour le second œuvre dans les mois à venir.

Le débrayage des 26 et 27 août montre que la solidarité ouvrière paye. En effet, l’employeur a tout fait pour jouer sur la division entre licenciés secs, reclassés et intérimaires, ceci afin de réduire les indemnités versées. Or, en résistant au coude à coude, les travailleurs d’EVI ont fini par obtenir gain de cause. Plusieurs salariés concernés nous ont expliqué que, plus que les conditions matérielles de ces licenciements, c’était le manque total de respect de l’employeur à leur égard qui avait mis le feu aux poudres. Une visite aux toilettes, aux vestiaires ou au « coin repas » du chantier nous a permis de comprendre un peu de quoi ils parlaient…

Bien que les détails du plan social n’aient pas été rendus publics, il a été accepté par l’assemblée des salariés. D’après les informations que nous avons pu obtenir, il prévoit des compensations très nettement supérieures, et ceci, pour l’ensemble des travailleurs.

Jean Batou