Brésil: victoire de Lula, les banquiers frémissent
Brésil
Victoire de Lula: les banquiers frémissent
Un tremblement de terre vient de secouer le premier pays dAmérique latine, suite aux élections brésiliennes. Avec 61,4% des suffrages,.le candidat du Parti des Travailleurs (PT), Luiz Inacio Lula da Silva, plus connu sous le nom de Lula, a écrasé le candidat du gouvernement sortant, José Serra. Cest la première fois quun parti fondé sur les travailleurs remporte des élections nationales en Amérique latine depuis la victoire de Salvador Allende au Chili en 1970.
Cet événement intervient dans le contexte de crise économique qui frappe lArgentine et lUruguay, à la frontière sud du Brésil. Sur sa frontière est, le Paraguay connaît une montée généralisée des conflits sociaux. Au nord-ouest, la Colombie est secouée par une guerre civile, tandis quau nord, le Venezuela a subi plusieurs tentatives de coups dEtat de droite. Le Parti des Travailleurs est issu des luttes ouvrières qui ont joué un rôle décisif dans le renversement de la dictature militaire qui a dominé le Brésil, du milieu des années 60 à la fin des années 70.
Développement du PT
Lula sest affirmé comme le leader des grèves des métallurgistes de la ceinture industrielle de Sao Paulo. Le PT marquait ainsi une rupture décisive avec la tradition du Brésil et de plusieurs pays dAmérique latine de voter pour des généraux-politiciens populistes ou pour de riches carriéristes, qui leur promettaient des miettes tout en sefforçant de renforcer le capitalisme local. Le PT a ainsi crû jusquà rassembler des centaines de milliers de travailleurs, dont un bon nombre avaient risqué leur vie en défiant lancien régime.
Dimanche 3 novembre, cétait la quatrième fois que Lula briguait la présidence du pays. A chaque fois, lensemble de la classe dominante avait tout fait pour larrêter. Les médias avaient diffusé des histoires rocambolesques sur sa vie personnelle. Les détenteurs de richesses avaient organisé la fuite massive des capitaux, provoquant la peur dune crise économique, tout en affirmant que tout cela était de la faute de Lula parce quil avait dénoncé les injustices grossières de lune des sociétés les plus inégalitaires du monde.
Durant les élections dil y a 4 ans, le président sortant actuel, Cardoso, avait affirmé que si Lula triomphait, la monnaie serait dévaluée. Après la défaite de Lula, Cardoso avait dévalué la monnaie avec le soutien des institutions financières internationales comme le FMI. Cette fois-ci, les riches, les sociétés multinationales au Brésil et les Etats-Unis ont tenté le même truc.
Largent a fui le pays et la valeur de la monnaie a chuté. Au lieu de paniquer les gens et de les pousser à voter contre Lula, cela a accru leur mécontentement à légard de Cardoso et de son gouvernement. Le sentiment domine que le Brésil est riche, que les multinationales nen font quà leur tête depuis trop longtemps et que le temps du changement est venu. Malheureusement, cela a aussi conduit Lula et ses conseillers à renoncer aux mesures les plus radicales quils sétaient engagé à prendre.
Compromis impossible?
Ils ont tenté de stopper lhémorragie en faisant des gestes conciliants en direction de ceux qui spéculaient sur les marchés financiers. Lula a choisi un riche businessman appartenant à un parti néolibéral comme vice-président. Il a aussi affirmé quil acceptait le programme conclu récemment entre Cardoso et le FMI.
La figure clé de la campagne électorale de Lula a dit: «Lula a changé. Cest la réalité qui ly a conduit. Nous avons ouvert les portes à la bourse de Sao Paulo parce que notre projet est pour tout le Brésil.» Lula et ses conseillers proclament quils peuvent concilier les intérêts des riches et des pauvres. Une large section parmi les riches veut un Brésil capitaliste indépendant, qui ne soit pas subordonné aux Etats-Unis.
Les conseillers de Lula ont souligné, que même le gouvernement de Cardoso nétait pas enthousiaste par rapport à la zone de Libre-Echange des Amériques, poussé par les Etats-Unis. Ils préfèrent un bloc économique plus indépendant, fondé sur les grandes entreprises du Brésil, de lArgentine, de lUruguay et du Paraguay.
Cest faire limpasse sur le profond clivage qui divise le Brésil, entre ceux qui vivent dans des appartements luxueux climatisés et ceux qui sentassent dans des bidonvilles en expansion constante.
Chris HARMAN
Notre traduction daprès le Socialist Worker du 2 novembre