Tchétchénie: contre la sale guerre, solidarité citoyenne

Tchétchénie

Contre la guerre: solidarité citoyenne


La prise d’otages réalisée en plein Moscou par un commando tchétchène révèle le désespoir d’une population martyre, victime de la sale guerre menée par la Russie.



«Nous avons prouvé qu’il est impossible de mettre la Russie à genoux» a déclaré Poutine suite à l’assaut contre les preneurs d’otages tchétchènes. Les dégâts collatéraux: 119 morts parmi les otages, tous dus au gaz ou à l’action des fusils des forces spéciales plus l’exécution des 50 preneurs d’otages. Poutine a considéré que les risques encourus par les malheureux otages étaient peu de chose et que l’essentiel était de profiter de l’occasion pour réaffirmer sa volonté de gagner la guerre en Tchétchénie.



Poutine a conclu son intervention télévisée de samedi soir en affirmant que les terroristes «n’ont pas d’avenir. Alors que nous, oui!». Le destin de Poutine est ainsi désormais lié consubstantiellement à la guerre en Tchétchénie. Arrivé au pouvoir pour «buter» les Tchétchènes, il ne peut le garder qu’en montrant sa force. Lundi, les militaires russes en Ingouchie ont fait le siège des camps de réfugiés. On redoute des exactions en tous genres dans le Caucase. Poutine les a justifiées samedi: les Tchétchènes sont des «ordures armées».

Un commando du désepoir


L’action du commando était folle. La population de Moscou n’est pas responsable de la guerre en Tchétchénie. La stratégie du commando a révélé une incapacité à trouver des moyens de désolidariser la population russe de son pouvoir. La résistance tchétchène est divisée. Le président Maskhadov, qui avait interdit tout acte militaire contre les Russes en dehors du territoire tchétchène, la contrôle mal.



Cette action révèle le désespoir tchétchène. Isolé, ce peuple ne reçoit plus de soutien extérieur que de pays islamistes. Il vient d’être lâché par la Géorgie. L’arrivée, en mai dernier, de 200 instructeurs militaires étatsuniens en Géorgie avait pour but de former l’armée géorgienne à la lutte contre les terroristes qui se cacheraient parmi les réfugiés tchétchènes dans la vallée du Pankisi. Les travaux pratiques ont commencé en septembre et la Géorgie envisage désormais d’extrader plusieurs réfugiés tchétchènes vers la Russie. Les services secrets étatsuniens utiliseraient des satellites pour localiser Maskhadov, qui se cache avec les combattants dans les montagnes du Caucase et livreraient les renseignements aux Russes. Bush tente-t-il, une nouvelle fois, d’obtenir un soutien russe à la guerre en Irak contre son soutien à la guerre en Tchétchénie?



Dans ces conditions, Maskhadov est de plus en plus dépendant de ceux qui ont de l’argent au sein de la résistance: des wahhabites financés par l’argent saoudien.

Pas d’issue militaire


Malgré son issue tragique, l’action du commando a montré que la résistance tchétchène est loin d’être vaincue. Le pouvoir russe cache la situation dans le Caucase. Mais il n’y pas d’issue militaire à ce conflit. Ni du côté russe, ni du côté tchétchène. Seule une solution politique peut permettre à la région de retrouver la paix. Elle suppose un cessez-le-feu, un retrait des troupes russes et la reconnaissance du droit des Tchétchènes à décider de leur destin.



La politique occidentale (étasunienne comme française) de soutien à la politique impériale de Poutine et à la prétendue opération antiterroriste en Tchétchénie consolide les forces que les grandes puissances déclarent vouloir combattre: les islamistes radicaux. Malgré tout, la société tchétchène reste une société diverse (et très complexe) dans laquelle l’influence des wahhabites (branche de l’Islam liée à la monarchie saoudienne) est loin d’être majoritaire. Mais les grandes puissances soutiennent fondamentalement le pouvoir fort de Moscou. Il est gage de stabilité internationale, et en Russie il permet la reconstruction capitaliste de l’économie.



Les mouvements de solidarité citoyens et syndicaux avec le peuple tchétchène sont absolument décisifs. Nous nous mobiliserons plus que jamais pour apporter un soutien démocratique et laïque au peuple tchétchène, pour protéger les réfugiés et pour qu’émerge une solution politique.



Xavier Rousselin
article paru dans l’hebdomadaire Rouge,

Titre et intertitres de notre rédaction
Rouge 1990 31/10/2002