Vivre sous terre comme des rats: des migrants ont dit non!

Le collectif Stop Bunkers – composé de réfugiés obligés de vivre dans des abris de la protection civile (PCi) – mène depuis plus de 6 mois une lutte acharnée contre ce logement indigne et inhumain. 

Nonobstant, l’Hospice général a ouvert deux abris PCi supplémentaires début juin, et annoncé la mise en fonction de deux autres au cours de l’été. Trop c’est trop, qui plus est à la veille du ramadan, les mi­grant·e·s concernés par ces transferts ont définitivement refusé d’être enterrés.

Seuls des hommes célibataires sont envoyés dans les abris PCi. Ainsi, l’arrivée de nouvelles familles demandeuses d’asile et devant être logées à Genève est à l’origine du choix de l’Hospice général de déplacer 90 ré­si­dents du Foyer des Tattes pour « faire de la place ». Parmi eux, certains ont déjà été plusieurs semaines dans ces bunkers. Si l’essentiel des personnes concernées sont des re­qué­rants déboutés, attendant le renvoi forcé vers leur pays d’origine, ce n’est pas le cas de tous.

L’argument de l’Etat pour remiser les migrants sous terre repose sur l’absence d’alternative. Or, à Genève, bon nombre de bâtiments, en particulier des bureaux, sont vides. De plus, le manque de place ne légitimera jamais la décision de placer des êtres humains (quels que soient leurs papiers) dans des lieux insalubres, déclarés néfastes pour la santé, où aucune intimité n’est possible, sans cuisine ni structure décente d’accueil.

Lundi 15 juin dans la cour centrale des Tattes, une quarantaine d’hommes ont refusé d’être transféré, rapidement soutenus par trois mouvements : Solidarité Tattes, Sans Retour et solidaritéS. La police n’a pas tardé à expulser tout ce monde, qui a trouvé refuge dans la Maison des Arts du Grütli, où entre 30 et 50 personnes dorment et habitent depuis lors.

 

 

No Bunkers – Collectif d’occupation du Grütli

 

Un long couloir au deuxième étage du Grütli, voilà la nouvelle chambre d’environ 40 migrants. Chaque nuit, entre 3 et 5 personnes des mouvements de soutien y dorment aussi. La journée, de petits repas sont organisés le matin et à midi, avant le grand repas du soir pouvant aller jusqu’à 150 couverts. Une table de baby-foot sur le parvis est le centre de l’attention, et des assemblées générales ont lieu matin et soir afin de faire le point sur les nouvelles informations. Cette vaste organisation, qui par ailleurs gère les appels aux rassemblements et les négociations tant avec la Ville que le Canton de Genève, a finalement pris un nom : No Bunkers – Collectif d’occupation du Grütli.

Le Grütli étant un bâtiment qui appartient à la Ville de Genève, le Conseil administratif a été directement concerné par l’occupation du lieu. Il a cherché activement une autre solution de logement pour la période estivale et a rappelé au Canton que la caserne des Vernets, presque vide, serait une solution à long terme idéale. De son côté, le Conseil municipal de Genève a refusé l’expulsion manu militari des mi­grants et des mi­li­tant·e·s hors du Grütli et soutient un relogement digne des ré­fugié·e·s. Enfin, une motion a été déposée au Grand Conseil, adressée au Conseil d’Etat, pour exiger la cessation du logement en abri PCi.

 

 

L’Etat doit trouver une solution humainement digne

 

Durant la première semaine de la mobilisation, le Conseil d’Etat a fait la sourde oreille, jusqu’à ce que même la Ville de Genève le rappelle à ses devoirs. Depuis, une discussion s’est engagée entre les conseillers d’Etat MM. Poggia et Hodgers et le collectif No Bunkers, pour décider d'un lieu pour loger les mi­grant·e·s en attendant de nouvelles constructions en dur de l’Hospice. Par ailleurs, le collectif exige la sortie des bunkers des autres ré­si­dent·e·s en abri PCi. Pour cela, diverses propositions ont été faites au Conseil d’Etat, qui prétend les passer en revue sérieusement.

Lors des négociations, le collectif a également dénoncé les répressions policières qui ont eu lieu à l’encontre des ré­fugié·e·s. Plusieurs d’entre eux, qui parfois n’avaient jamais dormi au Grütli mais seulement exprimé leur solidarité au mouvement, ont été arrêtés plusieurs heures et mis sous pression pour que cesse leur soutien. Enfin, le collectif a obtenu de M. Poggia qu’il s’engage à ce que les mi­grants qui ont refusé les transferts vers des abris PCi recouvrent leur accès aux prestations minimales d’aide d’urgence, droit constitutionnel, dont ils ont été scandaleusement privé.

A l’heure actuelle, le déménagement des habitants du Grütli a été annoncé vers un lieu qui les accueillera jusqu’à la fin de l’été, en attendant une offre à plus longue durée de la part du Canton. D’ores et déjà, une première victoire peut être fêtée : les migrant·e·s qui se sont opposés aux transferts vers les bunkers n’iront pas dormir sous terre. Le collectif No Bunkers aura réussi à dénoncer largement l’inhumanité des abris PCi (et plus largement des conditions de vie réservées aux re­qué­rant·e·s d’asile en Suisse) ce qui, espérons-le, permettra de faire sortir les autres ré­fugiés de ces lieux et assurer leur fermeture définitive. 

 

Aude Martenot & Giulia Willig