Prévoyance vieillesse 2020

Prévoyance vieillesse 2020 : Un NON franc et sans concession

A l’appel des Unions syndicales des cantons de Vaud, Genève et Fribourg, se tiendra à Lausanne le 30 mai prochain une manifestation romande d’opposition au projet de réforme du système des retraites du Conseiller fédéral Alain Berset, avec le soutien des partis de la gauche de la gauche et d’une frange du PS et des Verts, représentés par leurs sections genevoises. Une mobilisation romande organisée à défaut de pouvoir conduire la résistance à l’échelle nationale, face aux tergiversations de l’USS et à la valse des ni oui, ni non des partis de la gauche gouvernementale.

 

Amorcé en 2010 suite au refus de la 11e révision de l’AVS par les chambres fédérales, le projet prévoyance vieillesse 2020 à en effet vu les oppositions s’éroder au fil du temps. En juin 2013, l’USS affirmait ainsi s’opposer à un nouveau « saccage » des rentes, comparant le projet à la modification de la loi sur la prévoyance professionnelle tentée en 2008 et vaincue par référendum. Fin 2013, elle annonçait finalement que le processus « Prévoyance vieillesse 2020 » prenait la bonne direction, tout en soulignant que le projet restait insatisfaisant sur le fond, en privilégiant l’investissement dans le système de capitalisation par tête représenté par le 2e pilier, au détriment d’un renforcement du système de cotisation solidaire figuré par l’AVS. Alors qu’elle s’était jusque-là opposée aux discours catastrophistes visant à légitimer un démantèlement des retraites, en mars 2014 l’USS a affirmé reconnaître que l’allongement de la durée de vie rendait nécessaire l’accroissement du financement des retraites, et déclarait ainsi soutenir la hausse de la TVA dans le but de renflouer les caisses de l’AVS. Du côté des Verts et du PS, on joue sur les mêmes euphémismes, en saluant en préambule la volonté de réformer le système de retraite de manière globale, tout en regrettant l’absence du renforcement de l’AVS du projet et en se déclarant incapables d’accepter un projet qui élèverait l’âge de la retraite des femmes, sans leur donner en même temps l’égalité salariale. 

Aussi bien du côté syndical que politique, l’unique préoccupation aujourd’hui affichée par les  directions est celle de maintenir le niveau des rentes face à la baisse programmée du taux de conversion. Témoin de cette posture défaitiste, la menace d’un référendum reste la grande absente de ces positionnements, qui n’offrent pour seule réponse au projet Berset que l’initiative « AVSplus » dont le texte appelle à une augmentation des rentes AVS de 10 %. Un oreiller de paresse, non plus présenté comme une alternative, mais comme une compensation pour s’abstenir de mener une offensive large, contre un projet dont le cœur est pourtant résolument antisocial (renforcement du système de capitalisation par tête pour nourrir des fonds de pension privés, renchérissement du coût des cotisations pour des prestations similaires, augmentation d’un impôt non proportionné au revenu) et dont l’acceptation aboutirait à l’introduction d’un mécanisme de frein à l’endettement. En conséquence, cela  remettrait en cause l’adaptation bisannuelle des rentes AVS à l’évolution des salaires et des prix ! 

 

Le sens imprimé par le projet Berset répond à une logique d’individualisation des retraites qui tend vers leur privatisation; une riposte de gauche doit passer par une opposition franche, et sans équivoque, qui peut se traduire par la voie du référendum contre le plan Berset. Mais elle doit surtout viser à la bataille pour la fusion de l’AVS et du 2e pilier dans un système de répartition avec fond de réserve, avec maintien des avantages acquis, qui permettraient comme nous l’avons montré de garantir de bien meilleures prestations pour l’écrasante majorité de la population. Dans ce contexte, la mobilisation romande du 30 mai représente une étape nécessaire pour faire entendre la voix des militant·e·s qui se sont exprimés le 23 octobre dernier lors du congrès de l’USS et ont fait adopter le principe d’une opposition globale au projet de réforme et d’une mobilisation à la mesure des enjeux en présence. Une occasion de poser le débat sur la place public et ainsi de contraindre les organisations à adopter un positionnement clair, nécessaire à la constitution d’un front large, pour balayer le paquet Berset d’un non franc, et sans concession. Elle est aussi une étape importante pour faire entendre notre proposition bien concrète visant, comme le soulignait à juste titre Michel Ducommun, à «introduire une véritable solidarité», à «réaliser l’objectif d’une rente égale à 80% du dernier salaire», et «à  éliminer des inégalités entre les tra­vail­leurs·euses». Nous avons du pain sur la planche, il est temps de nous y atteler ! 

 

Audrey Schmid