Deux 8 mai

Deux 8 mai : Nous sommes un seul monde

A l’occasion de la célébration de la Libération, un certain nombre de personnalités ont signé le manifeste ci-dessous (manifest-achter-mai.ch), rappelant aussi, à la même date, le massacre colonial de Sétif et la nécessité de renoncer à toute arrogance occidentale et nationaliste dans la situation actuelle (réd)

Le 8 mai 2015, nous célébrerons le 70e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale sur le continent européen. La capitulation du régime nazi dans la ville française de Reims signifiait aussi la libération de la Suisse du danger fasciste. Le soutien matériel apporté au régime nazi et le refoulement de dizaines de milliers de réfugiés sont d’autant plus honteux au regard du sacrifice des soldats soviétiques, américains, britanniques, mais aussi indiens et africains et de par­ti­san·e·s italiens, français et espagnols pour notre pays. Toute arrogance nationaliste se trouverait donc ici déplacée.

A Sétif, au nord de l’Algérie, la chute du fascisme a également été célébrée le 8 mai 1945 – avec des drapeaux français et algériens. Comme les manifestants arabes n’étaient pas prêts à se défaire des leurs, des troupes françaises et des civils, avec parmi eux d’anciens sympathisants du régime de Vichy, ont assassiné entre 15 000 et 45 000 personnes. Parmi les victimes musulmanes se trouvaient des soldats qui avaient lutté aux côtés de la France libre contre les nazis. Sétif est devenu le symbole du mouvement de libération de l’Algérie – mouvement qualifié de «terroriste» par les autorités françaises dans les années 50.

La libération de l’Europe n’a donc pas dissuadé les pouvoirs coloniaux d’assujettir des peuples colonisés. Toute arrogance occidentale serait donc ici déplacée. Il faut au contraire saisir l’opportunité de la coïncidence entre les célébrations européennes de la libération et un massacre européen perpétré contre un mouvement de libération arabe : il s’agit de questionner la politique d’exclusion et de tensions menée aussi par des gouvernements contre le monde arabo-musulman. Si la crédibilité de l’Occident en Afrique du Nord et au Proche-Orient est remise en cause, c’est aussi en raison des tragédies qui ont eu lieu à Sétif, mais également en Palestine, en Irak et ailleurs dans le monde.

Si le fascisme nous a enseigné quelque chose, c’est que l’exclusion de minorités conduit à une perte de liberté pour tous. De même, une politique sécuritaire qui se nourrit d’un discours guerrier est une menace pour la paix. Quand nous aurons pris conscience que nous sommes UN SEUL monde, alors seulement nous pourrons résoudre ses problèmes et réduire les tensions. La politique étrangère de la Suisse doit avoir pour tâche principale de renforcer ces deux acquis de 1945 : l’ONU et l’interdiction de la guerre. En font partie : renoncer à exporter du matériel de guerre et mener une politique d’asile humaine et ouverte envers les réfugiés fuyant les conflits.

Ceux qui veulent rendre un hommage à la paix et à la liberté le 8 mai 2015 doivent avoir une pensée pour Reims et Sétif ! 

 

 

Premiers signataires

Samir (cinéaste), Jean Ziegler (Professeur émérite Unige), Maja Wicki (philosophe), Josef Lang (historien), Yahya Hassan Bajwa (Maître de conférences), Jean Batou (Professeur Unil), Shelley Berlowitz (Voix juive pour la démocratie et la justice en Israël/Palestine, JVJP), Guy Bollag (JVJP), Susan Boos (Journaliste à la WoZ), Robert Cramer (Conseiller aux Etats), Daniela Fischer (secrétaire du GSoA), Lena Frank (Coprésidente des Jeunes verts), Amanda Gavilanes (Secrétaire du GSsA), Balthasar Glättli (Conseiller national), Sébastien Guex (Professeur Unil), Amira Hafner-Al-Jabaji (Spécialiste de l’Islam), Hans-Ulrich Jost (Professeur émérite Unil), Irene Kälin (Députée au Grand Conseil AG), Marie-Josée Kuhn (Rédactrice en chef de Work), Pedro Lenz (Ecrivain), Andreas Lustenberger (Coprésident des Jeunes verts), Ueli Mäder (Professeur Uni BS), Anne-Catherine Ménétrey (anc. Conseillère nationale), Fabian Molina (Président de la Jeunesse socialiste suisse), Ilias Panchard (Coprésident des Jeunes verts), Luc Recordon (Conseiller aux Etats), Rahel Ruch (Responsable de campagne), Regula Rytz (Conseillère nationale, coprésidente des Verts suisses), Annemarie Sancar (anc. Présidente de la ville de Berne), Hasim Sancar (Député au Grand Conseil Berne), Tobia Schneebli (Conseiller municipal Genève), Carlo Sommaruga (Conseiller national), Jakob Tanner (Professeur Uni ZH), Adèle Thorens (Conseillère nationale, coprésidente des Verts suisses), Daniel Vischer (Conseiller national), Yves Wegelin (Journaliste à la WoZ), Cédric Wermuth (Conseiller national)