Chômage - Révision inique: mesures cantonales en danger

Chômage – Révision inique: mesures cantonales en danger


Le 24 novembre, les électeurs-trices voteront sur la 3ème révision de l’assurance chômage (LACI). Cette dernière péjore gravement les conditions de vie des chômeurs-euses, mais aussi celles des travailleurs-euses. Elle propose d’augmenter la période de cotisation pour toucher des prestations de 6 à 12 mois et diminue les indemnités journalières de 520 à 400. Elle sort ainsi des statistiques un nombre important de demandeurs d’emploi qui devront, pour survivre, soit accepter plus vite un travail précaire, soit recourir à la solidarité familiale ou à l’assistance publique.



L’une ou l’autre de ces issues est préjudiciable pour l’ensemble de la société. Accepter un travail précaire, signifie baisse de revenus et déqualification professionnelle, insécurité quant à l’avenir et péjoration globale des conditions de travail de l’ensemble des salarié-e-s. Recourir à la solidarité familiale équivaut à une diminution des ressources et une paupérisation des familles. S’adresser à l’assistance publique c’est vivre au seuil de la pauvreté et représente pour les cantons une hausse des charges sociales.



Par ailleurs, la 3ème révision de l’assurance chômage aura, si elle est acceptée, de fortes répercussions sur les mesures déployées par certains cantons pour suppléer aux carences de la loi actuelle. En effet, ceux-ci devront adapter leurs lois en vigueur à la 3ème révision de l’assurance chômage. Ces adaptations ne se feront pas sans douleur. Il est certain que les milieux bourgeois et patronaux en profiteront pour réduire la portée des mesures cantonales à peau de chagrin. Les syndicats et milieux alternatifs auront fort à faire pour les maintenir. Genève serait particulièrement touché.

Mesures cantonales âprement négociées


Dès la première révision de la loi sur l’assurance chômage début 1983, le Canton de Genève, sous pression des syndicats, a institué des occupations temporaires dans le secteur public ou subventionné octroyant aux chômeurs-euses en fin de droit un travail salarié permettant de recourir une nouvelle fois aux indemnités fédérales. A chaque révision de l’assurance chômage, ces mesures cantonales ont dû être âprement renégociées. Aujourd’hui, une loi cantonale prévoit trois mesures:

  • Un emploi temporaire dans le secteur public ou subventionné de 12 mois pour les chômeurs en fin de droit et de 6 mois pour les personnes à la recherche d’un emploi après avoir exercé une activité indépendante.
  • Une allocation de retour à l’emploi visant à encourager financièrement les entreprises à mettre des places de travail à disposition des chômeurs en fin de droit.
  • Un stage professionnel de réinsertion du jeune chômeur âgé de moins de 25 ans d’au minimum 12 mois leur permettant d’acquérir des compétences professionnelles tout en recevant un salaire soumis à cotisation. Au terme du contrat de travail, le jeune chômeur, s’il n’a pas trouvé d’emploi, bénéficie d’un nouveau droit aux prestations fédérales.

Lecture biaisée


En 2001, les milieux bourgeois et patronaux ont fortement critiqué les mesures cantonales en leur reprochant d’être un «oreiller de paresse» cause du taux élevé de chômage à Genève. Ils brandissaient alors un rapport d’étude de l’Observatoire Universitaire de l’Emploi sur les «raisons de la différence entre le taux de chômage genevoise et suisse» prouvant, selon eux, leurs critiques. Or, les milieux bourgeois et patronaux ont retenu du rapport que ce qui les arrangeait. Pourtant, celle-ci est claire: l’évolution du rapport entre le taux de chômage genevois et suisse met en évidence que l’explication des disparités cantonales ne peut être réduite à un facteur unique comme certains voudraient le laisser entendre. […] Il est évident que si ces programmes d’emplois temporaires mis en place par le canton de Genève sont susceptibles de prolonger la durée du chômage et d’accroître par ce biais le taux de chômage, ils ne peuvent à eux seuls justifier la totalité de l’écart observé. Il faut rappeler en effet que ces mesures n’ont été introduites à Genève qu’en 1983 à une époque où les disparités cantonales étaient déjà bien établies. De ce point de vue, il est frappant d’observer qu’en 1980, alors même que ces mesures n’avaient pas été adoptées à Genève, le taux en vigueur était 3,5 fois plus élevé que le taux en vigueur dans l’ensemble du pays.1



Cette lecture biaisée du rapport de l’Observatoire Universitaire de l’Emploi relayée par une presse complaisante, a jeté un discrédit certain sur les mesures cantonales. D’ailleurs, le Conseiller d’Etat, Carlo Lamprecht, a saisi l’occasion pour annoncer vouloir revoir à la baisse la portée de ces mesures. L’acceptation de la 3ème révision de l’assurance chômage lui faciliterait la tâche, car il pourrait choisir de revoir la loi cantonale sous prétexte de l’adapter à la nouvelle loi fédérale, et donner satisfaction à l’administration fédérale qui voit d’un mauvais œil les mesures cantonales. Dans ce cas là, la polémique malsaine occasionnée par les milieux bourgeois et patronaux à la publication du rapport de l’Observatoire Universitaire de l’Emploi, reprendrait de plus belle.

NON massif à la révision de la LACI pour préserver les mesures cantonales


A Genève, en particulier, il est donc indispensable de refuser la 3ème révision de l’assurance chômage. Un refus en masse démontrera au Conseil d’Etat la volonté des travailleurs et des chômeurs à défendre et à améliorer les prestations de l’assurance chômage, ainsi que les prestations cantonales s’y rattachant.



Nicole Lavanchy

  1. Yves Flückiger, Synthèse des principaux résultats de l’étude «les raisons de la différence entre le taux de chômage genevois et suisse». Observatoire universitaire de l’emploi, Genève, 2001.