Interventions militaires réactionnaires au Yémen

Fin Mars 2015, neuf pays arabes et le Pakistan ont commencé une intervention militaire massive contre le Yémen, sous le leadership de l’Arabie Saoudite, au prétexte de s’opposer à la milice confessionnelle des Houthis (d’obédience zaïdite, un courant minoritaire du chiisme); cette dernière a pris le contrôle total de la capitale Sanaa en janvier 2015 et elle s’étend maintenant vers le sud du pays. 

Les forces houthistes seraient soutenues par la République Islamique d’Iran (RII) et recevraient l’assistance de ses relais dans la région, dont le Hezbollah, qui aurait fourni une aide militaire logistique. La RII n’a en effet cessé d’intervenir dans la région (Syrie, Liban, Irak et Yémen) pour étendre son influence politique.

 

 

Le labyrinthe yéménite

 

Le gouvernement yéménite du Président Abed Rabbo Mansour Hadi, proche de l’Arabie Saoudite, pays dans lequel il réside maintenant, et des monarchies du Golfe, a été défait par les avancées des forces militaires houthistes, alliées pour la circonstance à leur ancien ennemi, l’ex-dictateur Ali Abdullah Saleh. Ce dernier les avait combattues et accusées, de 2004 à 2009, d’être inféodés à la RII. Il est aussi l’ex-allié des monarchies du Golfe et des Etats-Unis, avant d’avoir été poussé vers la sortie par une solution négociée sous la houlette de Riyad et de Washington, en 2011, après le début d’un soulèvement populaire dans le pays. 

La recomposition politique plébiscitée par l’Arabie Saoudite et les USA maintenait le régime en place en y incluant quelques forces, dont le mouvement Al-Islah, composé de la branche yéménite des Frères musulmans, de salafistes et de leaders tribaux du nord. Mais Saleh continue de bénéficier de l’allégeance d’une partie significative de l’appareil de sécurité et de l’armée. Les conquêtes territoriales des houthistes ont été ainsi facilitées par la faiblesse de l’État, depuis le soulèvement de 2011, et par les problèmes sociaux et économiques profonds qui affectent le Yémen, Etat le plus pauvre de la région.  

Parallèlement, quatre provinces du sud du pays, dont celle de Aden, ont décidé de refuser les ordres venant de la capitale Sanaa, adressés aux unités militaires et aux forces de sécurité de ces régions. De son côté, le président Obama a autorisé la fourniture de soutien logistique et de renseignements pour appuyer les opérations militaires du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), tandis qu’une cellule commune de planification avec l’Arabie saoudite a été mise en place.

 

 

Une intervention
contre-révolutionnaire

 

La campagne militaire menée par l’Arabie Saoudite a reçu le soutien des gouvernements occidentaux impérialistes, de la Turquie, et d’une grande majorité des régimes arabes de la région. Les interventions de la monarchie réactionnaire des Saoud au Yémen ne sont pas nouvelles. Dans les années 1960 déjà, elle avait appuyé par tous les moyens les forces royalistes du Yémen Nord contre la révolution yéménite, soutenue alors par le régime de Nasser. 

L’Arabie Saoudite avec l’appui des monarchies du Golfe est intervenue dans les divers processus révolutionnaires de la région pour les combattre par tous les moyens, soutenant les anciens régimes (Tunisie et Egypte) ou les forces confessionnelles les plus réactionnaires (Syrie). De son côté, le Qatar se singularisait en appuyant un autre secteur de la contre-révolution, porté par les Frères Musulmans. 

Ces divergences sont à nouveau dépassées dans le cadre de l’intervention au Yémen, où l’on voit toutes ces forces contre-­révolutionnaires coopérer dans le soutien à la campagne militaire contre les houthistes. Cela rappelle que les oppositions tactiques entre l’Arabie Saoudite et le Qatar peuvent être surmontées facilement quand leurs intérêts communs sont menacés, comme ce fut le cas lors de l’intervention militaire des armées du CCG au Bahreïn, en mars 2011, pour écraser un soulèvement populaire contre un régime ami.   

Cette intervention militaire, soi-disant pour «secourir un pays voisin et ses autorités légitimes», a bien sûr d’autres objectifs : défendre la sphère d’influence des monarchies du Golfe, particulièrement de l’Arabie Saoudite, et empêcher les houthistes d’atteindre Aden et Bab el-Mandeb qui, avec le détroit d’Ormuz, constituent un point de passage névralgique du pétrole (près de trois millions de barils de brut par jour) et du gaz du Golfe. 

 

 

Une guerre contre le terrorisme ?

 

Depuis le 11 Septembre, le Yémen était devenu un maillon central de la « guerre contre le terrorisme » pour les forces spéciales états-uniennes qui y étaient stationnées, coordonnant les actions contre Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) (notamment le déploiement des drones). Or, les USA viennent d’évacuer leur base d’Al-Anad, suite à l’avancée des houthistes vers Aden. 

Cette campagne militaire se fait aussi dans le cadre d’une guerre d’influence régionale avec la RII. Cette intervention se déroule sur fond d’une baisse d’hégémonie relative de l’impérialisme US depuis 2003, permettant aux sous-impérialismes régionaux de jouer un plus grand rôle et de jouir d’une autonomie croissante.  

Cette campagne militaire n’a donc évidemment pas pour objectif de défendre l’auto-détermination du peuple yéménite, et de lui permettre de reprendre les objectifs du soulèvement populaire initié en 2011, bien au contraire. Les premières victimes des bombardements de cette coalition contre-révolutionnaire ne sont-ils pas les nombreux civils yéménites ?

Les organisations progressistes du monde entier doivent s’opposer à cette intervention militaire menée par une coalition contre-­révolutionnaire régionale, appuyée par les régimes occidentaux, de même qu’aux intrigues de la RII, qui appuie le coup de force militaire houthiste avec l’aide de l’ancien dictateur Saleh. Aucune de ces deux forces ne soutient la volonté de changements politiques et sociaux portés par les classes populaires du Yémen et de la région. 

 

Joe Daher