Droits syndicaux et justice de classe

 

PROVIDENCE 

Lundi 16 janvier s’est ouvert le procès des secrétaires syndicaux qui ont accompagné la grève de la Providence à Neuchâtel. Entretien avec leur avocat Christian Dandrès.

 

Pour quels motifs ces collègues sont-ils déférés au tribunal?

 

CD: En 2012, les sa­la­rié·e·s de cet hôpital ont fait grève pour défendre la CCT Santé 21 qui les protégeait depuis dix ans. Elle avait été dénoncée unilatéralement par l’employeur, dans le cadre des pourparlers liés à la reprise de l’hôpital par le groupe Genolier (GSMN). Pour combattre la grève, l’employeur et GSMN ont mobilisé d’importantes ressources politiques, médiatiques et juridiques. Suivant les conseils des syndicats patronaux – la FER a publié des recommandations pour casser les grèves – l’employeur et GSMN ont tenté de criminaliser les grévistes et les syndicats, avec des plaintes pour diffamation et violation de domicile contre des tracts et le piquet de grève. Celles-ci ont permis d’évacuer les grévistes et de porter un coup décisif à la lutte. Deux ans après, la Providence et GSMN maintiennent leurs plaintes, font le procès du syndicalisme et veulent faire un exemple.

 

 

Au niveau syndical quels sont les enjeux?

 

A Neuchâtel, la Providence et GSMN ont réussi à instaurer un vide conventionnel. Les sa­la­rié·e·s sont soumis à un règlement d’entreprise sur lequel ils n’ont pas de prise. L’employeur dicte sa loi et elle est sévère. Les tra­vail­leurs·euses ne sont pas autorisés à parler de leurs conditions de travail et à exercer leur liberté syndicale dans l’entreprise. En outre, ce coup de force menace toujours la CCT Santé 21 et les 5000 em­ployé·e·s des établissements hospitaliers et EMS du canton, publics ou privés. Le Conseil d’Etat rend cette menace d’autant plus sérieuse qu’il soutient toujours la Providence, deux ans après la dénonciation de la CCT, alors qu’elle ne remplit pas les conditions pour figurer sur la liste hospitalière, en ne respectant pas le contenu de la CCT.

Ailleurs en Suisse, l’action de la Providence et de GSMN inquiète. Ce dernier est un groupe puissant en forte croissance qui a récemment acquis plusieurs cliniques. Les syndicats craignent que l’attitude à Neuchâtel de GSMN soit un tournant dans le secteur de la santé jusqu’alors plutôt épargné par la sous-enchère salariale et en termes de conditions de travail. A. Pelizzari (CGAS) et D. Lampart (USS) en ont témoigné devant le juge. Cela explique la solidarité dont ont bénéficié les grévistes dans plusieurs cantons.

 

 

Et la suite?

Le verdict tombera en février. 


EDIPRESSE

Ce 8 janvier, s’est ouvert à la Chambre patrimoniale du Canton de Vaud, le procès concernant un licenciement antisyndical chez feu Edipress. Retour sur l’affaire.

 

En 2009, notre camarade Hans Oppliger, alors imprimeur chez Edipresse, se fait licencier dans le cadre d’un licenciement collectif pour raison économique bien que l’imprimerie soit dans les chiffres noirs. Pour comprendre cette décision dans un contexte économique sain, il faut se rappeler qu’à cette période, Tamedia rachetait petit-à-petit Edipresse. En effet, un accord de vente négocié fixait une vente en trois étapes. Alors que les deux premières étapes prévoyaient des montants fixes pour l’achat des actions, permettant à Tamedia de racheter 51 % des actions de l’entreprise indépendamment de leur cote en bourse, la vente des 49 % restant était liée à la valeur boursière du titre au moment de la transaction. Ainsi, la décision de licencier plus de 100 tra­vail­leurs·euses répondait en fait à des impératifs d’optimisation des profits. En annonçant restructuration et licenciements, les marchés friands de ce genre de drame ont répondu présent en faisant grimper la valeur boursière des actions, offrant ainsi une vente fructueuse aux propriétaires !

Conscients de cette manœuvre honteuse, Hans Oppliger et ses camarades ont tenté d’organiser une lutte collective. Après deux mobilisations  importantes, le mouvement s’est néanmoins affaibli et la grève n’a pas eu lieu. La réponse de la direction fut claire : maintien des licenciements y compris celui des trois syndicalistes exerçant des mandats électifs pour le syndicat ! En s’inscrivant dans une longue tradition patronale, la direction a décidé de profiter de ce licenciement collectif pour « décapiter » le syndicat dans l’entreprise. 

Notre camarade Hans Oppliger se bat depuis lors contre son licenciement clairement antisyndical. En effet, outre le fait qu’il ait assumé le mandat syndical à la caisse de pension d’Edipresse, Hans Oppliger avait été le président de la Commission du personnel de l’industrie graphique. En 2005, alors qu’il négociait la nouvelle CCT de la branche, Hans réussi à imposer un article qui prévoit une procédure spéciale pour les licenciements des syndicalistes ayant un mandat électif. Cette mesure de protection des dé­lé­gué·e·s syndicaux, arrachée en négociation, a également été complétement piétinée !

Notre camarade conteste donc le licenciement qu’il considère comme abusif et illégal. Il demande notamment de considérer son licenciement comme nul et non avenu et exige sa réintégration immédiate à son poste !

Après plus de 5 ans de procédures, le procès a enfin pu débuter et les enjeux sont importants. Dans un pays où le licenciement de syndicalistes devient de plus en plus répandu, si notre camarade réussit à gagner ce procès, la jurisprudence pourrait évoluer favorablement et offrir un socle sur lequel appuyer les futures luttes. Après les licenciements « antigrèves » de Gate Gourmet et de la Providence, une victoire juridique serait bienvenue. Souhaitons à Hans bonne chance et plein de courage, et manifestons-lui notre soutien ! 

 

Pablo Cruchon