Élections anticipées en grèce

Élections anticipées en grèce : Un sérieux défi pour Syriza

A la veille du scrutin, les gouvernements européens et les marchés financiers sonnent le tocsin pour menacer la Grèce et le monde des pires tourments au cas où la gauche anti-austérité gagnerait le 25 janvier. Nous appelons au contraire à soutenir la lutte du peuple grec qui est aussi la nôtre, pour laquelle ces élections sont l’occasion de dire non à la politique de régression sociale défendue par la droite et la social-démocratie européennes (Réd.). 

La campagne sera courte et dense, comme souvent en Grèce. Le weekend dernier les principales forces politiques se sont mises en ordre de bataille. La seule vraie nouveauté est la création d’un parti politique par l’ancien Premier ministre, George Papandreou. Son Mouvement des Socialistes Démocrates entre ainsi en concurrence directe avec le Pasok de son père, moribond et crédité de 3 à 4 %. C’est un prétendant supplémentaire dans l’espace politique encombré du centre-gauche, avec le Pasok, le Potami – créé par le journaliste vedette Theodorakis sur une ligne proche de celle de Beppe Grillo (9 % dans les sondages), et la Gauche démocratique (ΔHMAP, moins de 2 %) qui n’a pas pu s’entendre avec Syriza.

 

 

La peur, dernière défense de Samaras

 

Si la Grèce va aux élections, c’est aussi en partie à cause de la stratégie jusqu’au-boutiste du Premier ministre Samaras et de ses proches qui contrôlent, pour l’instant, le grand parti de droite – la Nouvelle démocratie. Il représente une ligne dure, nationaliste et autoritaire au sein du parti, espère limiter l’étendue de sa défaite et incarner la première force d’opposition en cas de victoire de Syriza, ce qui lui permettrait de rester à la tête de sa formation. 

Quant à Aube Dorée, si l’organisation néonazie est affaiblie par l’emprisonnement de ses leaders depuis fin 2013 pour constitution d’une organisation criminelle, elle obtient tout de même plus de 6 % d’intentions de vote. La rhétorique dure de Samaras vise à drainer ces élec­teurs·trices.

 

 

La question des alliances

 

Au-delà de l’hostilité des médias dominants et des milieux d’affaires, Syriza doit faire face à ses propres faiblesses organisationnelles et politiques. En effet, de nombreux problèmes demeurent pour coordonner la campagne, composer les listes de can­di­dat·e·s, réduire la polyphonie de ses re­pré­sentant·e·s dans les médias, mobiliser les mi­li­tant·e·s de la base et motiver les sympa­thisant·e·s.

La question des alliances illustre bien la situation interne du parti. Les négociations entre Syriza et la Gauche démocratique ont été caractéristiques de la complexité des rapports de force internes. En effet, pour Syriza, l’enjeu est d’enclencher une dynamique de rassemblement large tout en évitant de se compromettre avec ceux qui ont pris part aux gouvernements d’austérité depuis 2010. La Gauche démocratique est une formation sociale-libérale issue d’une scission en 2010 au sein de la principale composante de Syriza. Aux élections législatives de 2012, elle a obtenu 6 % des voix et a participé au gouvernement de Samaras jusqu’à l’été 2012, prenant part à la mise en œuvre des mesures d’austérité. Depuis son départ du gouvernement et la chute de sa popularité, elle cherche à se rapprocher de Syriza.

Alexis Tsipras et l’équipe dirigeante autour de lui ont été favorables à ce rapprochement. Et si de nombreuses réactions de la base et de l’aile gauche du parti ont empêché la concrétisation d’un accord pré-électoral, le texte voté par le comité central, sur lequel l’aile gauche s’est abstenu, laisse une certaine marge de manœuvre à Tsipras pour inclure sur ses listes des can­di­dat·e·s issus du Pasok qui ont pris leur distance avec la politique de leur ancien parti. De plus, pour forcer l’aile gauche à accepter sa stratégie, la majorité Tsipras a convoqué un congrès extraordinaire le weekend dernier, qui a été écourté parce qu’un compromis avait été atteint au comité central de la veille. Des centaines de mi­li­tant·e·s n’ont donc pas pu s’exprimer.

Autour de cette question des alliances, il y a le risque que Syriza évolue vers « le parti d’un chef », coupé de sa base. Une dérive centralisatrice au détriment des processus de prise de décision collectifs et démocratiques, dénoncée par des membres du courant majoritaire et de l’aile gauche, comme Stathis Kouvelakis. Pour l’instant, Tsipras et sa garde rapprochée doivent composer avec les organes collectifs.

 

 

Un défi électoral 

 

Si la première place semble acquise, l’étendue de la victoire de Syriza sera décisive pour le rapport de force postélectoral. L’enjeu principal est de se rapprocher le plus possible de la majorité absolue de 151 députés (sur 300), soit au moins de 35 % des suffrages exprimés (Syriza en a obtenu 27 % aux européennes de 2014). Cela dépendra du nombre de partis qui franchiront le seuil des 3 % qui permettent d’élire des dé­puté·e·s. Moins ils seront nombreux, plus Syriza sera en mesure d’arracher la majorité au parlement.

Il est néanmoins beaucoup plus probable que Syriza doive former un gouvernement en s’alliant avec d’autres formations parlementaires. Dans ce cas, le choix des alliés risque d’être délicat. Syriza s’adressera d’abord au Parti communiste qui refusera, comme il le fait depuis des années, se bornant à une opposition frontale au parti de Tsipras. Les autres alliés potentiels, souverainistes anti-austéritaires de droite (Grecs indépendants) ou centristes libéraux (Pasok, Potami ou Gauche démocratique) sont embarrassants, et gouverner avec eux risque de s’avérer très compliqué.

En cas de victoire, le vrai défi pour Syriza commencera au lendemain des élections et consistera à tenter d’appliquer son programme envers et contre tous : médias, opposition, milieux d’affaires, establishment européen, créanciers, néonazis, etc. 

 

Niκoς Smyrnaios

Docteur en science de l’information et de la communication, il écrit notamment pour le site ephemeron.eu, d’où nous avons extrait l’original de cet article. 

Texte condensé et adapté par notre rédaction.