Marche mondiale des femmes: appel à la justice en Birmanie

Marche mondiale des femmes: appel à la justice en Birmanie



Le 27 septembre, la MMF lançait cet appel urgent concernant les femmes Shan de Birmanie, victimes de viols, de tortures et d’assassinats par l’armée birmane. Nous reproduisons ici cet appel. Sa version anglophone ainsi que les adresses à qui envoyer celle-ci figurent sur notre site. L’horreur n’a pas de limite, nous condamnons ces actes brutaux et vous engageons à le faire individuellement aussi.


Début septembre, Sergio Viera de Mello qui succèdait à Mary Robinson déclarait que «Les priorités sont évidentes. Il y a des problématiques telles que la protection des populations civiles lors de conflits, la lutte contre le racisme et les maux qui en découlent, les droits des femmes.»


Colère et indignation


Nous sommes indigné-e-s par l’utilisation généralisée et systématique du viol comme arme de guerre par le régime militaire birman. Les courageuses femmes du Réseau d’action des femmes du Shan (RAFS) ainsi que des membres de la Fondation des droits humains du Shan (FDHS) ont recueilli une foule de renseignements faisant état de ces crimes, publiés dans un document intitulé Licence to Rape (violer en toute impunité). Ce document a porté à l’attention du public une situation que les communautés touchées par ces actes de terreur n’évoquaient jusqu’à maintenant qu’à demi-mot, par peur des représailles. Les renseignements contenus dans Licence to Rape viennent confirmer irréfutablement les déclarations faites par les centaines de femmes et de filles qui ont été victimes des tactiques de terreur du Conseil d’Etat pour la paix et le développement (CEPD), qui utilise le viol comme arme de guerre dans sa campagne de répression contre les citoyen-ne-s de l’Etat de Shan.



Selon le rapport, qui porte sur 173 agressions sexuelles, 83% des viols ont été commis par des officiers, dans la plupart des cas devant leurs troupes. Les viols étaient souvent accompagnés d’une extrême brutalité et de torture, menant dans 25% des cas à la mort de la victime. 61% des viols ont été commis en bandes, et certaines femmes ont été détenues et violées à répétition pendant des périodes pouvant aller jusqu’à quatre mois. Il n’est arrivé qu’une seule fois qu’un commandant sévisse à l’endroit d’un agresseur et le punisse de ses actes. Tous ces crimes ont eu lieu dans des bases militaires et aux endroits où les populations ont été déplacées de force, et ont été commis en toute impunité. Licence to Rape fournit une plateforme permettant de condamner la violente junte militaire qui est au pouvoir en Birmanie et prépare le terrain pour une coopération et une intervention internationales dans ce but. Les membres du RAFS et du FDHS, de même que les survivantes de ces crimes haineux, ont fait preuve d’un grand courage en rendant publiques ces agressions. Or, toutes les personnes qui ont participé à la préparation et à la publication du rapport font dorénavant l’objet de menaces et d’intimidation. Mais ces personnes ne se laisseront pas réduire au silence. Nous demandons maintenant l’appui de la communauté internationale pour que ces délits soient reconnus et pour aider à mettre un terme à ces crimes odieux. Nous ne pouvons rester indifférent-e-s pendant que le CEPD, qui prétend ouvrer à la paix, à la démocratie et à la réconciliation, continue de s’acharner à faire taire les personnes qui dénoncent les atrocités du régime au moyen de tactiques d’intimidation brutales et souvent par l’élimination pure et simple des opposant-e-s. Nous ne pouvons rester inactifs-ves pendant que le régime persiste à commettre ces atrocités. Le rapport indique que le nombre de viols connus commis par l’armée birmane en 2001 constitue une augmentation radicale par rapport aux chiffres de 1996. Notre silence fait leur force, et notre inaction rendent ces actes possibles. Nous demandons instamment au CEPD:



  • de décréter immédiatement un cessez-le-feu national afin de mettre un frein à la militarisation et aux campagnes anti-insurrectionnelles qui sévissent dans les Etats ethniques;

  • d’entreprendre un dialogue tripartite sur l’avenir politique du pays avec des représentant-e-s des communautés ethniques non birmanes ainsi qu’avec l’opposition démocratique;

  • de faire cesser la violence sexuelle exercée contre les femmes issues des communautés ethniques et de mettre fin au climat d’impunité.



Action Femmes Solidaires




Appel international


Nous lançons un appel à la communauté internationale:



  • pour qu’elle fasse connaître son indignation devant les faits rapportés dans le rapport;

  • pour qu’elle demande au secrétaire général de l’ONU d’employer ses bons offices, en demandant à son envoyé spécial, le diplomate Razali Ismail, au Haut Commissariat aux droits de l’homme ainsi qu’aux rapporteur-e-s spéciaux sur la situation des droits de l’homme en Birmanie et sur l’élimination de la violence contre les femmes de faire enquête sur le contenu du rapport et les faits qui y sont révélés.

Nous faisons appel à la communauté internationale et aux institutions internationales pour qu’elles suspendent tout soutien financier et toute autre forme d’aide au CEPD jusqu’à ce que des mesures concrètes soient prises en vue de l’établissement de la paix et de la démocratie en Birmanie.


Nous demandons au gouvernement royal de Thaïlande de prendre des mesures en vue de protéger les victimes de viol qui se sont réfugiées de l’autre côté de la frontière. À l’intérieur de l’État de Shan, les survivantes n’ont nulle part où aller pour obtenir de l’aide sur le plan médical ou social, et encore moins de l’aide juridique. De plus, les femmes qui se sont réfugiées en Thaïlande se sont vu refuser toute forme d’aide humanitaire, et leur sécurité ainsi que leur vie sont constamment menacées.


Par conséquent, nous demandons instamment au gouvernement royal de Thaïlande:



  • de permettre aux civils de l’Etat de Shan en quête d’asile de traverser la frontière vers la Thaïlande pour qu’ils puissent rejoindre les camps de réfugiés et entrer en contact avec le HCR;

  • de permettre aux survivantes de viol d’avoir accès aux services fournis par les organisations humanitaires internationales, en particulier les services psychosociaux et médicaux;

  • de ne pas rapatrier les femmes du Shan directement en Birmanie, où sévit le régime militaire, et de faire preuve d’une grande prudence en ce qui a trait à la déportation de migrants en provenance du Shan, car nombre d’entre sont de vrais réfugiés;

  • de suspendre son programme de rapatriement jusqu’à ce qu’un organisme indépendant évalue la sécurité des réfugiés et de permettre à la communauté internationale ainsi qu’aux agences de l’ONU, en particulier le HCNUR et l’OIM, de participer à toutes les discussions, négociations et/ou programmes de rapatriement touchant les migrants birmans. Ces discussions doivent porter sur les causes premières de l’exode de travailleurs migrants;

  • d’assurer la sécurité des personnes qui ont participé à la préparation et à la publication de Licence to Rape. Nous vous demandons de vous joindre à notre démarche collective en vue de protéger les victimes de viols, de traduire les coupables en justice et d’empêcher ces actes de terreur de se poursuivre impunément.