Ecopop, un texte raciste?

Courriel du 11 décembre 2014

 

 

Chers Amis,

 

Je proteste vigoureusement contre l’usage répété du mot « raciste » que vous faites à propos de l’initiative EcoPop, récemment refusée par le peuple. Autant je ne supporte pas le racisme, autant je ne supporte pas que l’on utilise le mot n’importe comment.

Le racisme – faut-il le rappeler ? – est une idée ou une théorie selon laquelle une ou des races seraient supérieures à d’autres. Le sujet est suffisamment explosif pour que l’on utilise le mot avec précision.

Or on ne trouve pas le moindre indice de racisme dans le texte d’EcoPop. Ni même implicitement, indirectement ou involontairement de la part des initiant·e·s. Ceux-ci sont pour la plupart des scientifiques; plusieurs sont biologistes. Et on sait que la biologie détient l’argument massue contre le racisme, en apportant la preuve qu’il n’y a aucune supériorité quelconque d’une race sur une autre. On pourrait même être le pire des protectionnistes, sans être pour autant raciste.

Attention donc à l’utilisation trop légère du mot. Cela ressemble à l’« injure à la mode » que l’on ressort lorsqu’on a besoin d’un terme polémique. L’expression publique de propos racistes est punissable, bien heureusement. Alors, l’accusation erronée de racisme pourrait être considérée comme une diffamation.

L’initiative EcoPop pouvait être accusée d’idéaliste, de naïve, de trop radicale, d’inapplicable, bref, de beaucoup de défauts, raison pour laquelle je n’ai pas voté en sa faveur. Mais raciste, certainement pas.

A utiliser trop largement le mot « racisme », il perd toute sa force lorsqu’il doit être utilisé à bon escient.

Je souhaite que cette lettre de lecteur soit publiée dans le journal solidaritéS. A vous de voir.

 

Avec mes meilleures salutations,

 

Alain Rouget

Plan-les-Ouates

 

 

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Ecopop, un texte raciste?

Nous publions ci-dessus le courrier
que nous a adressé Alain Rouget,
qui s’alarme de notre usage, selon lui inapproprié, du terme « raciste » pour qualifier l’initiative EcoPop.
Il nous semble cependant que deux aspects de cette initiative ont bien une connotation raciste. 

 

Tout d’abord, l’exigence d’affecter 10 % au moins de l’aide suisse au développement à la politique de planification familiale du Sud constitue une intervention néo­coloniale des pays dominants dans la politique démographique des pays dominés. Pourtant, on sait pertinemment que la réduction du taux de natalité dépend avant tout de l’élévation du niveau de vie, mais aussi de l’amélioration de la protection sociale et de l’éducation, qui impliqueraient de toutes autres mesures de la part des pays impérialistes : l’annulation de la dette, la restitution des ressources naturelles indûment appropriées, la suppression des droits de propriété intellectuelle, la renonciation au libre-échange, etc. 

Ensuite, le fait de lier mécaniquement l’augmentation de l’empreinte écologique de la Suisse à celle de l’accroissement de sa population résidente, provoquée par l’immigration, fait peu de cas des modes de production et des formes de consommation dont l’économie capitaliste de ce pays est responsable, que ce soit sur son territoire ou à l’étranger, qui le rendent comptable d’une lourde dette écologique à l’égard du Sud. En revanche, il tend à accuser les im­mi­grant·e·s d’être les principaux coupables de l’accroissement de l’empreinte écologique de la Suisse, et les populations extra-européennes, dont la croissante démographique ne serait pas assez « contrôlée », de celle de l’humanité.

Evidemment, bien des partisan·ne·s de cette initiative n’en ont pas perçu la logique implicitement raciste. C’est même la raison pour laquelle nous avons particulièrement mis le doigt sur ce travers.

 

Bien cordialement,

 

Jean Batou