Bâle au service de ses habitants ou des «global leaders» de la planète?

Dans le cadre du sommet ministériel de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), 1200 dé-légué·e·s de 57 Etats se sont réunis à Bâle les 4 et 5 décembre passé. Une manifestation a eu lieu pour protester contre cette rencontre des plus grandes puissances impérialistes du monde, ainsi que contre la transformation de Bâle en ville d’accueil pour les grands sommets internationaux. 

 

Rues barricadées, lignes de trams supprimées, policiers en Robocop, bruits d’hélicoptères, patrouilles de vedettes militaires sur le Rhin : la ville de Bâle ressemblait à une forteresse pendant la tenue du Conseil ministériel de l’OSCE. Mille policiers de partout en Suisse et 3600 soldats, dont le nombre aurait pu être porté à 5000 en cas de besoin, ont été mobilisés pour garantir la sécurité des nombreux dé­légué·e·s et ministres présents à Bâle. Près de six kilomètres de grillage ont été déployés pour barricader des rues. Le soir du 4 décembre, alors que les ministres dînaient au restaurant historique Safran-Zunft, toute la vieille ville était bloquée et les ha­bi­tant·e·s des maisons avoisinantes étaient sommés de baisser leurs stores, faute de quoi la police se réservait le droit d’inspecter leurs appartements. Des tireurs d’élite étaient positionnés sur les toits et l’espace aérien de la ville était interdit et surveillé par des drones de l’armée. 

 

 

Bâle se prosterne devant les puissants

 

En assurant le bon déroulement du sommet ministériel de l’OSCE, Bâle-Ville a prouvé au monde qu’elle est capable d’accueillir des grandes conférences internationales. En effet, la ville aspire à se profiler comme centre d’accueil de tels évènements. Sur le site du canton de Bâle-Ville, on pouvait lire : lors de cette rencontre ministérielle «le monde entier aura les yeux rivés sur la ville du coude du Rhin. Bâle saisit cette opportunité pour se présenter à l’opinion internationale comme une ville de congrès, de manifestations et de culture des plus attractives»

Dans ce but, en plus des mesures de sécurité, une campagne de promotion a été mise sur pied afin de réserver un accueil chaleureux aux par­ti­ci­pant·e·s du sommet : comptoirs d’accueil avec chocolats et broches, drapeaux «OSCE welcome» disséminés dans les rues et lettres de bienvenues adressées aux dé­lé­gué·e·s. Avec un budget de 7,4 millions, dont le canton de Bâle-Ville a fourni 2,8 millions, l’accueil a été un succès pour les autorités; de même, les ministres de nombreux pays ont félicité la Suisse et remercié spécialement Bâle pour l’accueil chaleureux  qui leur a permis de se sentir à l’aise et bienvenus.

 

 

L’opposition est dans la rue

 

Tout le monde n’a pas approuvé la mise sous haute surveillance et la promotion de Bâle comme ville de congrès internationaux. Durant les semaines qui ont précédé la tenue de la Conférence de l’OSCE, de nombeux tags ont orné les murs de la ville, avec des messages comme : «Refugees welcome. OSCE go home» ou : «C’est nous qui aménageons la ville. Pas les puissants».

Pour protester contre ce sommet et contre l’intention de Bâle de tout faire pour se montrer sous «son meilleur jour» à l’opinion internationale, la Coalition contre l’OSCE a appelé à une manifestation. Plus de 600 personnes, dont des membres de solidaritéS, ont manifesté contre les manœuvres diplomatiques des grandes puissances, de même que contre le dispositif sécuritaire et la spéculation immobilière qu’encouragent cette nouvelle vocation de la ville. Sur la banderole de tête, on pouvait lire : «Les va-t-en-guerre veulent promouvoir la paix? Abolir le capitalisme. Attaquer l’OSCE».

 

 

Une manifestation unitaire militante

 

La manifestation a été organisée par des groupes de la gauche radicale de Bâle, Zurich et Berne, notamment Revolutionärer Aufbau, Revolutionäre Jugend Zürich (RJZ), Revolutionäre Jugendgruppe Bern (RJG), Bündnis alle gegen Rechts (BagR) et le Mouvement pour le socialisme (MPS). La gauche institutionnelle de la Suisse alémanique, notamment le PS et les Verts, étaient absents. Seul un député de Basta !, parti de la gauche parlementaire bâloise, marchait en tête de la manifestation. En effet, il en avait demandé l’autorisation, sans pour autant partager les revendications des ma­ni­festant·e·s. Il s’agissait pour lui de permettre ce défilé afin de garantir la liberté d’expression.

Des messages variés étaient portés sur les banderoles : «Contre les interventions militaires. Pour l’auto-détermination des peuples»; «Votre paix tue»; «Va-t-en-guerre capitalistes dégagez!». Des porte-paroles ont expliqué qu’ils ne partagent pas la définition de la démocratie et de la stabilité des ministres réunis à Bâle.

 

 

Défendre le droit à la ville pour ses habitants

 

La manifestation autorisée s’est terminée à la Klaraplatz, où un impressionnant dispositif policier avait bloqué la rue pour empêcher toute tentative de continuer en direction du centre de congrès, alors même que la plupart des délégations avaient déjà quitté la ville. Au moment de la dissolution, une confrontation s’est déclenchée entre une partie des manifestant·e·s et la police. Celle-ci n’a pas hésité à tirer immédiatement un grand nombre de balles à caoutchouc et des gaz lacrymogènes dans la foule. 

Afin de rendre Bâle moins attractive pour les sommets internationaux des puissants, de même que pour la spéculation immobilière qu’ils encouragent, il faudra des mobilisations beaucoup plus larges, notamment de la part des ha­bi­tant·e·s et des locataires, pour une politique de l’urbanisme et du logement qui soit véritablement au service de la population.

 

Mirjam Brunner