Assurances sociales

Assurances sociales : Travailler plus pour cotiser plus

Le Conseil fédéral vient de publier son message relatif à la « Prévoyance vieillesse 2020 » à l’intention du parlement, qui en débattra bientôt. Le conseiller fédéral « socialiste » Alain Berset fait campagne pour cette contre-réforme, jugée pondérée.

En septembre dernier, dans une résolution, les Jeunes socialistes demandaient avec angoisse «dans quelle mesure des conseillers fédéraux comme Alain Berset sont acceptables pour le PS». Le PS et l’USS ayant accepté d’entrer en matière sur le projet « Prévoyance vieillesse 2020 », la réponse est donc «dans une très très large mesure, comme d’habitude». Les sifflets adressés à Berset lors du congrès d’Unia en 2012 laisseront place aux tactiques parlementaires – d’autant plus finement élaborées qu’elles sont rarement couronnées de succès – pour «améliorer le projet et renforcer l’AVS», selon le titre du communiqué de l’USS.

La droite, pour sa part, comme l’annonce déjà economiesuisse, tentera de scinder le paquet, condition à son avis nécessaire pour durcir encore l’ensemble de la contre-réforme. C’est sur ce point qu’elle a focalisé le débat ces temps. Car bien que, comme le dit son père putatif «ce paquet contient de nombreuses mesures réclamées depuis des années par les milieux bourgeois» (A. Berset à la NZZ, le 21.11), lesdits milieux sont d’avis qu’il faut pousser plus loin l’avantage. Par exemple sur l’âge de la retraite, qui passe du statut d’« âge de la retraite » à celui d’« âge de référence ». Le sens de ce changement ? Un an ferme pour les femmes !

 

 

Retraite à 65 ans pour les femmes, et ensuite ?

 

Estimant que l’évolution démographique et les prévisions économiques nécessitent une augmentation d’un an de l’âge de la retraite des femmes, le Conseil fédéral noie cette égalisation par le bas de l’âge de référence dans quelques concessions en matière de prévoyance professionnelle. Ainsi la déduction de coordination LPP sera supprimée, ce qui permettra de cotiser sur l’ensemble du salaire et le seuil d’accès à la prévoyance professionnelle sera un peu abaissé, ce qui bénéficiera un peu aux bas salaires. Mais le Conseil fédéral se dévoile lorsqu’il explique : «Combiné avec la suppression de la déduction de coordination et le relèvement de l’âge de référence à 65 ans, l’abaissement du seuil d’accès aura un impact très positif sur les rentes de vieillesse du 2e pilier des femmes concernées». Autrement dit, plus vous cotisez davantage et plus longtemps, meilleures seront vos rentes ! La Palice n’aurait pas dit autre chose, mais il aurait peut-être hésité à qualifier cela d’amélioration…

Il n’y a pas que les femmes qui sont concernées par l’entourloupe de l’âge de référence, même si le traitement qui leur est réservé – niant les inégalités nombreuses qui les frappent en mettant tout le monde au même tarif – est particulièrement malhonnête. Car le gouvernement le dit sans fard : «L’objectif visé par l’harmonisation de l’âge de référence à 65 ans est en premier lieu de porter l’âge moyen de la sortie du marché du travail à 65 ans», alors qu’il est actuellement de 64,1 ans pour les hommes et de 62,6 ans pour les femmes. Ce sont les possibilités de flexibilisation de la retraite, toutes liées à une réduction des rentes, qui doivent venir combler la différence entre l’âge de référence et l’âge réel de sortie du travail, femmes et hommes confondus. Car, le Conseil fédéral doit l’avouer, «la politique des entreprises à l’égard des travailleurs âgés reste en effet lacunaire». En facilitant les retraites partielles et progressives, qui viendraient en déduction des indemnités de chômage, le gouvernement vise à faire porter aux individus les conséquences d’un marché du travail fermé aux seniors et d’une politique des entreprises qui leur est hostile.

 

 

Prévoyance professionnelle : taux de conversion
à la baisse

 

Parmi les nombreux changements prévus, la baisse du taux de conversion dans les caisses de pensions, de 6,8 % actuellement à 6 % en 4 ans, n’est guère novatrice. Refusée massivement en mars 2010, elle est accompagnée d’un « susucre » : le maintien des prestations par le biais de l’augmentation de l’avoir de vieillesse due au fait que désormais l’entièreté du salaire est assurée. Le conditionnel quant au résultat final est de mise, s’agissant de la prévoyance professionnelle et de son système de capitalisation. Entre le moment de l’entrée en vigueur de la LPP (1985) et aujourd’hui, les rentes promises par la capitalisation pour une durée complète de cotisation ont effet baissé de 30 % environ…

Il y aura d’autres points à décortiquer dans ce mégaprojet. Que ce soit sur l’augmentation du financement de l’AVS par la TVA, le mécanisme de « stabilisation » de l’AVS augmentant les cotisations et diminuant les rentes, la réduction des contributions de la Confédération, etc. Contrairement aux son­dé·e·s de Pro Senectute (voir ci-dessus), nous prendrons le temps de la réflexion critique suivrons le débat parlementaire.

 

Daniel Süri

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Sondage Pro Senectute

La grosse ficelle

 

Quelques jours après l’annonce de l’adoption du message du Conseil fédéral sur la contre-­réforme «Prévoyance vieillesse 2020», Pro Senectute publiait les résultats d’un sondage effectué par ses soins par le célèbre institut gfs de Berne. Et, miracle de la vox populi, le sondage confirmait à la fois le choix tactique du Conseil fédéral de présenter un paquet de propositions liées et le contenu des principales propositions.

On était donc tombé sur un éventail de citoyen·ne·s hautement politisés, à la pointe de l’actualité, quand bien même le message du Conseil fédéral accompagnant le projet (280 pages!) n’était pas encore publié. Financée à hauteur de 50 millions annuels par les pouvoirs publics, Pro Senectute fait peut-être figure de précurseure: la commande de sondages par le gouvernement à l’appui de sa politique n’étant pas encore entrée dans les mœurs helvétiques, ce sont des organismes parapublics qui s’en chargeraient désormais?