État espagnol

État espagnol : Le pouvoir ébranlé par la désobéissance catalane

Le 9 novembre, 2,3 millions de Catalan·e·s ont participé au vote symbolique sur l’indépendance de la Catalogne. 80,7 % des personnes ont répondu oui à la double question sur la création d’un Etat catalan et son indépendance. Le bruit de la gifle reçue par le gouvernement de Mariano Rajoy résonne encore dans toute l’Europe.

 

 

Certes, la consultation n’était pas un « vrai » vote sur l’indépendance, le Tribunal constitutionnel, actionné par le gouvernement du Parti populaire (PP), l’ayant interdit. N’empêche : cette participation démocratique fut un véritable exercice de désobéissance civique à grande échelle. Mariano Rajoy, droit dans les bottes de son espagnolisme centralisateur, n’en est pas sorti indemne et son régime non plus. Quant au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), il a surtout fait honneur au dernier adjectif de son appellation, de moins en moins contrôlée, déclarant que le référendum était «illégal» et que la question de la souveraineté était du seul ressort du peuple espagnol.

Alors que la royauté essaie de sauver les meubles à travers l’abdication du monarque Juan Carlos 1er et son remplacement par son fils Felipe VI, le gouvernement de l’Etat central, qui avait mis à profit la crise économique pour tenter d’imposer une stratégie de recentralisation, devra revoir sa copie. L’évocation de la première partie de l’article 2 de la Constitution sur « l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols», pas plus que le statut élargi d’autonomie concédé en 2006 à la Catalogne, n’ont suffi pour freiner la volonté du peuple catalan d’affirmer son droit de choisir.

 

La lutte pour un réel droit à l’autodétermination ne peut que faire sauter le carcan constitutionnel. L’heure d’un véritable référendum viendra. Mais comme l’explique Marti Caussa, membre du Processus constituant (Procés constituent en Catalunya) : «Le droit à décider est sans doute la question politique la plus importante, tant en Catalogne que dans l’État espagnol. Mais pour des millions de personnes, les problèmes les plus urgents ne se limitent pas à cela: le chômage, le travail précaire, les bas salaires, la réduction des allocations de retraite, les expulsions de logement, la détérioration et la privatisation du système de santé, les coupes dans l’enseignement, la quasi-disparition des aides à la dépendance, etc.» (Viento Sur, 14.9.2014). Or, pour l’instant, se sont des forces relativement faibles qui font le lien entre ces deux questions dans le mouvement indépendantiste. C’est ce handicap qui permet à la droite catalaniste, qui a organisé la consultation, d’arriver à masquer ses propres responsabilités dans la politique d’austérité et les attaques sociales, toutes mises sur le dos de Madrid.

 

Daniel Süri