Balades citoyennes pour la justice fiscale

Le 25 octobre à Genève et le 5 novembre à Montreux, nous avons rendu visite à deux bénéficiaires de forfaits fiscaux, Gennady Timchenko et Traudl Engelhorn, pour les inviter à payer des impôts sur leur revenu et leur fortune comme les autres contribuables. Notre action avait pour but de les sensibiliser à la solidarité fiscale, certes insuffisante, à laquelle ils échappent, mais aussi de leur amener des documents les aidant dans leur démarche. En leur fournissant un guide fiscal ainsi qu’une déclaration d’impôt vierge, notre « brigade d’utilité fiscale » pare à leur possible ignorance sur le sujet.

Mais nos actions ont également permis de mettre en lumière le profil des bénéficiaires de forfaits fiscaux. Ainsi l’oligarque russe, Gennady Timchenko, puissant homme d’affaires, avec une fortune estimée à 13,4 milliards de dollars et 61e fortune mondiale (selon Forbes), fondateur de la société de trading pétrolier Gunvor, a notamment fait fortune grâce au démantèlement de l’Etat russe avec son grand ami, Vladimir Poutine. C’est à ce genre de grand prédateur capitaliste que nous faisons des cadeaux fiscaux. Il est temps que cela cesse !

 

 

De l’insulte à l’idéologie de classe

 

Suite à l’action du 25 octobre à Genève, un florilège de réactions incongrues, pour ne pas dire insultantes, a vu le jour sur les réseaux sociaux. Quand certains nous demandaient quand nous ferions une « nuit de cristal » des riches, d’autres nous traitaient de voyoux ou de cloportes. Au-délà de l’évidente décomplexion dont les représentant·e·s de la droite et des millieux patronaux ont fait preuve, le phénomène a de quoi interroger. 

Pour quelles raisons notre action, pourtant relativement bon enfant, a-t-elle suscité de si fortes réactions à droite ? Nous assistons à un réflexe de classe. Que des milieux de la gauche radicale puissent être au courant de forfaits fiscaux secrétement négociés entre l’Etat et un oligarque Russe, par l’intermédiaire d’un très illustre avocat, la bourgeoisie s’en indigne. Ainsi les représentants des milieux bancaires, qui ont tout intérêt d’avoir un système de forfait fiscal, voient d’un très mauvais œil que l’on s’immisce dans leur business. Ces réactions sont donc une preuve supplémentaire qu’il s’agit bel et bien d’un des instruments de domination des riches sur les autres.

Cependant, cet aspect est loin de pouvoir expliquer la force avec laquelle les représentant-es des milieux bourgeois s’accrochent à un système si ouvertement injuste. Maintenir les forfaits fiscaux, c’est maintenir la logique de concurrence fiscale au service des intérêts de la bourgeoisie. En effet, cette course à celui qui sera le plus « attractif » pour une minorité d’ultrariches très mobiles est un puissant levier de chantage pour vider les caisses des Etats et démanteler les services publics. Messieurs Dal Busco et Broulis le martèlent dans le cadre de la 3e réforme de l’imposition des entreprises : il vaut mieux perdre des centaines de millions de recettes fiscales que de perdre en compétitivité. Ce subterfuge idéologique ne doit pas nous tromper. Dire non aux forfaits fiscaux, c’est un premier pas vers un système fiscal assurant une certaine redistribution des richesses. 

 

Pablo Cruchon