Ultralibéralisme électrique

Ultralibéralisme électrique : Renversons la vapeur!

Cet octobre, le Conseil fédéral a mis en consultation un arrêté visant à l’« ouverture totale » du marché électrique. C’est le deuxième étage de fusée de la Loi sur l’approvisionnement de l’électricité (LAPEL).

En 2007, cinq ans après le refus populaire à 53 % de la Loi sur le Marché de l’Electricité (LME) à la suite du référendum que nous avions porté, les Chambres avaient voté cette LAPEL, qui entamait la libéralisation en ouvrant le marché aux gros consommateurs soutirant plus de 100 MWh par an.

PSS et Verts avaient voté la loi au nom du « moindre mal » et de modestes mesures de promotion des renouvelables – à gauche les seuls élu·e·s fédéraux à s’opposer à cette libéralisation-privatisation furent les trois conseillers nationaux de solidaritéS et du POP.

 

 

Une surcouche parasitaire imposée au secteur électrique

 

Les mesures visant en 2007 à désamorcer le référendum contre cette LME-bis, comprenaient un référendum possible sur la deuxième étape de la libéralisation censée se déployer en 2014. Or la catastrophe de Fukushima et la mise en place de la « Stratégie énergétique 2050 » de pseudo-sortie du nucléaire ont conduit le Conseil fédéral à reporter l’application du dogme néolibéral au secteur électrique.

Aujourd’hui, en parallèle aux décisions visant à incarner la prétendue «sortie du nucléaire» par des autorisations d’exploitation potentiellement illimitées de réacteurs existants, le Conseil fédéral a mis fin au gel de la libéralisation et lance sa consultation des cantons, partis et milieux intéressés jusqu’en janvier 2015, avec en perspective une entrée en vigueur en 2018.

Celle-ci ouvrira le marché au niveau de chaque ménage, qui deviendra cible d’une surenchère d’offres commerciales au motif, selon le gouvernement et son « Rapport explicatif » que :

«Selon la théorie économique, la formation des prix par les mécanismes de marché garantit un meilleur approvisionnement, pour autant que la concurrence se développe et fonctionne. […] La valeur économique des biens détermine alors leur prix. […] Il s’agit d’un effet de régulation important de l’économie de marché. Les consommateurs finaux bénéficient de l’ouverture de marché, puisqu’ils peuvent choisir librement leur fournisseur et qu’ils obtiennent ainsi des offres à prix plus avantageux…» (p.11-12)

 

Les bénéficiaires de la « concurrence » en matière de caisses-maladie ont pu mesurer le poids de cette rhétorique. Le rapport du gouvernement ne fournit pas une ligne d’analyse des problèmes de mise en œuvre de cette « libéralisation » qui exigera l’imposition d’une floraison réglementaire, administrative et bureaucratique incroyable pour « construire » ledit marché, théorique et abstrait, comme « surcouche » parasitaire sur la base de l’industrie de production et de distribution d’électricité.

 

 

Défense de l’écologie, de l’emploi et des consommateurs

 

Les spécificités de l’électricité, comme fluide vital pour la vie quotidienne, sociale et économique, comme bien non stockable, comme enjeu possible d’une spéculation dramatique et comme objet nécessaire, a contrario, d’une planification et d’une volonté démocratique qui tourne le dos au nucléaire et aux non-­renouvelables ne sont pas abordé dans le message gouvernemental.

On y trouve seulement trois paragraphes sur les «points de contact» de la libéralisation avec la « Stratégie énergétique 2050 » comprenant l’affirmation que l’ouverture du marché aura «des effets positifs sur l’intégration de la Suisse sur le marché intérieur de l’UE» et que celle-ci aura «un effet généralement positif» (p.25).

L’argumentaire souligne que l’opération vise avant tout à rendre le marché électrique suisse « eurocompatible » et loin de développer une mythique « concurrence », à livrer le marché continental aux transnationales qui le mettront en coupe réglée au dépens de l’écologie, de l’emploi et des con­som­ma­teurs·trices, le soustrayant au passage à tout contrôle démocratique.

 

 

Donner une perspective écosocialiste au référendum : indispensable

 

Sur ce chapitre, c’est le moment d’affirmer qu’un référendum n’est pas seulement possible mais indispensable, pour enrayer la machine du tout-au-marché. Ce ne sont pas les op­po­sant·e·s qui manquent. L’USS, par exemple, appelle déjà le gouvernement à «renoncer à l’ouverture totale du marché de l’électricité» pour nombre de raisons pragmatiques.

Encore faudra-t-il, pour qu’elle ait du sens, travailler à inscrire cette bataille, gagnable dans les urnes, dans une perspective de reconquête et d’élargissement du service public, de contrôle démocratique maintenu et renforcé et d’avancée écologique. Bref, avec un horizon écosocialiste. Nous y reviendrons. 

 

Pierre Vanek