Allemagne, élections régionales

Allemagne, élections régionales : Le prix de la participation gouvernementale

Après la Saxe à fin août, ce sont le Brandebourg et la Thuringe qui ont élu leurs autorités régionales. Deux tendances se sont confirmées lors de ces élections régionales : l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) continue de percer et Die Linke poursuit son déclin en dent-de-scie, sur fond de participation électorale en baisse.

La poussée de l’AfD, parti assez similaire à l’UDC, illustre le tournant à droite que connaît la vie politique allemande. Pour mieux s’enraciner dans les Länder de l’ancienne Allemagne de l’Est (RDA), l’AfD n’a pas hésité à vanter certaines réalisations de la RDA, comme une criminalité plus faible et une sécurité de l’existence plus forte… La manœuvre visait l’électorat traditionnel de Die Linke et a partiellement réussi. En Saxe, Die Linke recule à 18,9 % en perdant 60 000 voix environ. Mais là où le recul est le plus fort, dans le Land du Brandebourg (région pauvre entourant la ville-Etat de Berlin), où le parti de gauche perd la moitié de ses voix, le résultat est clairement lié à sa participation gouvernementale. Partenaire minoritaire d’un gouvernement social-­démocrate, Die Linke y a perdu sa capacité à capter le vote protestataire, tout en se montrant incapable de satisfaire la partie de son électorat qui attend des mesures concrètes et des réalisations correspondant au programme avancé. Cette sanction électorale s’était déjà produite lors des élections à Berlin et dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale (région la plus pauvre du pays, avec les villes de Rostock et Schwerin, au bord de la Baltique). Dans le Brandebourg, Die Linke a aggravé son cas en n’arrivant pas à imposer sa mesure phare, la création d’un secteur d’emplois publics de 15 000 postes, tout en soutenant l’extraction du lignite (houille brune), aux conséquences climatiques désastreuses.

 

 

A la tête du gouvernement en Thuringe ?

 

Bien qu’en recul de 23 500 voix, Die Linke, grâce à la participation en baisse, gagne un siège. Le parti dominant de la bourgeoisie allemande, la CDU, refusant actuellement de faire alliance avec l’AfD, l’alternative gouvernementale réside soit dans une grande coalition (SPD social-­démocrate avec la CDU), soit dans un gouvernement rouge, rose, vert, qui serait alors dominé par Die Linke (28 sièges, contre 12 au SPD et 6 aux Verts). Même si l’issue la plus probable est celle de la grande coalition (comme au gouvernement fédéral), la discussion est ouverte dans Die Linke sur les perspectives d’un tel gouvernement. La donne serait en effet nouvelle, la gauche radicale n’étant plus le partenaire minoritaire, mais bien le chef de file du gouvernement. Deux courants de Die Linke critiquent le bilan de sa participation gouvernementale. L’un, la Gauche socialiste (Sozialistiche Linke, réformiste de gauche) de manière nuancée et l’autre, la Gauche anti­capitaliste (Antikapitalistiche Linke, AKL), plus radicalement. Le langage des chiffres parle en leur faveur.

Toutefois, les partisan·e·s de la participation gouvernementale peuvent évoquer de leur côté le respect du mandat sorti des urnes (une très courte majorité de gauche). Membre de l’ISL (Internationale sozialistische Linke), dont les adhé­rent·e·s font partie de l’AKL, Manuel Kellner propose de mener le débat sur ce que pourrait être un gouvernement au service des sa­la­rié·e·s et prêt à se dresser contre les intérêts du capital, s’appuyant sur une large mobilisation populaire mettant son nez dans tout ce qui la concerne. Comme il le reconnaît lui-même, «c’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est dans cette direction qu’il faut mener la discussion»

 

Daniel Süri 

 

Pour en savoir plus : Manuel Kellner, « Die Linke à Thüringen (Allemagne) : Payer cher pour co-gouverner », Viento Sur, 2 septembre 2014, ainsi que Manuel Kellner, « Les élections régionales en Allemagne, les perspectives à gauche », Viento Sur, 9 septembre 2014.

vientosur.info et europe-solidaire.org pour les traductions françaises