Enfin un livre complet sur les activités de Glencore Xstrata

Notre rédaction s’est entretenue avec Yvonne Zimmermann, membre de MultiWatch (multiwatch.ch), auteure et coéditeure d’un volume publié en Allemagne en mai dernier sur l’une des plus puissantes entreprises du monde, la multinationale suisse Glencore Xstrata.

Pourquoi un livre de plus sur Glencore Xstrata ? Qu’apporte-t-il de vraiment nouveau ?

 

Jusqu’alors il n’existait pas d’ouvrage consacré à cette entreprise, mais seulement des documents dispersés concernant des cas problématiques. Depuis plusieurs années, MultiWatch observe les conflits autour de l’extraction minière effectuée par Glencore et Xstrata, une entreprise qui depuis la fusion est devenue l’une des compagnies de matières premières les plus puissantes du monde. Elle contrôle l’ensemble de la chaîne de mise en valeur de l’exploitation, le stockage, le transport jusqu’au commerce des produits. Un an après la fusion, fin mai 2014, Multi­Watch a présenté un livre sur ce géant des matières premières. Pour la première fois, ce livre donne une vision d’ensemble sur les activités minières controversées de l’entreprise suisse et ses effets négatifs. Il s’agit d’une contribution à une discussion publique nécessaire sur les effets du commerce des matières premières, dans lequel la Suisse joue un rôle fondamental comme siège de toute une série de multinationales. Ce livre traite de plusieurs cas, la Colombie, le Pérou, l’Argentine, la Bolivie, l’Australie, les Philippines, l’Afrique du Sud, la Zambie et la République démocratique du Congo ; un chapitre est consacré exclusivement au commerce agricole de Glencore Xstrata.

 

Quelles activités de Glencore Xstra­ta en particulier dénoncent les auteurs de cet ouvrage collectif ?

Les axes thématiques du livre mentionnent différents types de conflits et de thèmes : conflits du travail et sociaux, contamination de l’environnement, pouvoir et influence de l’entreprise, fraude fiscale. Cette structuration met en évidence que ces cas ne sont pas des exceptions, mais qu’ils se ressemblent de manière flagrante : la population et les travailleurs se plaignent du même comportement adopté par Glencore, de la même arrogance avec laquelle l’entreprise bafoue les droits et les intérêts des gens. Le non-­respect de la population locale et le manque d’information semblent se répéter. Le comportement de Glencore Xstrata est similaire dans les différents pays, lorsque cette entreprise nie la relation entre la destruction de l’environnement et son activité minière, ou dans des conflits du travail.

Le livre met l’accent sur les personnes affectées – mineurs et communautés autour des mines – qui luttent pour leurs droits, pour la protection de leur territoire et des conditions de travail dignes.

 

 

Avez-vous subi des pressions avant de publier le livre ? Avez-vous dû modifier son contenu ?

 

Bien avant la publication du livre, Glencore a montré des signes de nervosité. Fin février 2014, l’entreprise nous a lancé un ultimatum pour exiger, dans un délai très court, que nous changions le titre du livre, que nous en retirions la publicité sur notre page web. Par ailleurs, l’entreprise nous a menacé de poursuites judiciaires et jusqu’à maintenant elle se réserve le droit d’en intenter contre le contenu du livre. Pour éviter une interdiction de celui-ci, nous en avons changé le titre, mais nous n’avons fait aucune modification de son contenu. MultiWatch vise un débat public sur les activités de Glencore Xstrata et sur le rôle de la Suisse dans le commerce des matières premières. Nous ne voulons pas une bataille juridique avec l’entreprise.

Les menaces formulées par une telle entreprise contre une association de défense des droits humains, aux ressources très limitées, laissent soupçonner que Glencore, contrairement à ses affirmations publiques, ne souhaite pas trop un débat sur ses activités et les conséquences négatives de celles-ci. Si ces pressions semblent nouvelles en Suisse, elles sont en revanche chose courante dans des pays où la multinationale opère comme le Pérou ou la Colombie.

Parallèlement aux menaces de poursuites judiciaires, l’entreprise a déclaré publiquement chercher un « dialogue constructif » avec ses critiques. A Affoltern am Albis, elle a organisé une conférence publique où elle voulait confronter « les mythes et les faits ». Au­cun·e re­pré­sen­tant·e d’une ONG suisse n’était évidemment dis­po­sé·e à participer à un événement de type publicitaire pour cette entreprise. Dernièrement, Glencore accusait MultiWatch de rejeter le dialogue. Mais, en même temps, MultiWatch attend depuis plus d’une année des réponses écrites de Glencore à ses questions sur des conflits concrets…

 

 

On attend donc avec impatience la traduction de votre livre en français…

 

Malheureusement, jusqu’ici nous n’avons pas les moyens financiers d’une traduction. Néan­moins, nous l’en­vi­sageons, ainsi qu’en espagnol et en anglais pour socialiser le contenu du livre avec des communautés et des ouvriers directement affectés par le comportement de cette entreprise et en lutte pour leurs droits.

 

Propos recueillis pour notre rédaction par Juan Tortosa

Traduction française : Hans-Peter Renk

 

MultiWatch (ed.), Milliarden mit Rohstoffen : Der Schweizer Konzern Glencore Xstrata, Edition 8, 2014