Un regard critique sur la vie politique neuchâteloise (II)

Francis Berthoud est pasteur. Il a dirigé le Centre social protestant de Neuchâtel pendant 24 ans et a également occupé le poste de député socialiste au Grand Conseil pendant 14 ans. Très engagé dans le tissu social et politique du canton, il a bien voulu répondre à nos questions sur la vie politique neuchâteloise. Suite de l’entretien paru dans ces pages du numéro 248.

Lors du vote sur le budget 2014, le Grand Conseil a accepté une réduction de 4 millions dans le domaine de l’aide sociale. Le Conseil d’Etat s’est engagé à parallèlement augmenter les efforts dans le domaine de l’insertion professionnelle. Les baisses sont intervenues dès le mois de mars et ont en particulier touchés des familles avec des baisses se chiffrant à plusieurs centaines de francs. C’est pour l’instant l’effet très direct de la décision qui a été prise. Que penses-tu de cette décision et de manière plus générale quel est ton avis sur la situation de l’aide sociale dans le canton de Neuchâtel?

 

 

FB: C’est la nouvelle politique de « gauche » de notre Conseil d’Etat, qui s’est bien gardé d’énumérer clairement les mesures concrètes qu’il entendait prendre pour réinsérer professionnellement des bénéficiaires de l’aide sociale qui sont depuis longtemps sans travail. C’est compliqué et difficile. Cela nécessite un coaching important avec la collaboration patiente des employeurs.

Quant à la situation de l’aide sociale, il convient de rappeler qu’elle a explosé dès le début des années 90 alors qu’elle n’était que de 4 millions. Nous avons été plusieurs à demander des mesures pour éviter le dérapage vers l’aide sociale des personnes fragilisées en recourant aux mesures mentionnées ci-dessus. On n’a pas fait grand-chose ou pour le moins pas assez. La bombe à retardement que l’on craignait  est devenue réalité.

La situation est catastrophique et elle risque de s’aggraver. En situation normale, avant les années 90, il était de notoriété publique que les enfants des personnes bénéficiant de l’aide sociale étaient gravement menacés de devenir eux aussi de futurs bénéficiaires de l’aide sociale. Je ne vois pas de raison qu’il en soit autrement pour les enfants des personnes qui sont devenues nouveaux bénéficiaires depuis le début des années 90.

 

 

Un article paru le 25 avril dans l’Express-Impartial, annonçait le projet d’un député PLR d’imposer un mois de travail à chaque bénéficiaire de l’aide sociale avec pour objectif de débusquer les fraudeurs et de réduire de manière conséquente ladite aide. Qu’en penses-tu?

 

C’est une ânerie. Toutes les études montrent que les fraudeurs sont très peu nombreux. Les personnes qui seraient ainsi mises temporairement au travail vont probablement remplacer des travailleurs modestes qui risqueront de perdre leur emploi peu qualifié. Ils seront d’abord au chômage puis à l’aide sociale. Il est envisagé de demander aux candidats députés de déclarer qu’ils sont fiscalement en ordre. Il serait peut-être encore plus utile de les astreindre à un stage de travail social.

Pour terminer j’ajouterai que l’évolution du monde politique me fait souci. J’ai l’impression que trop nombreuses sont les personnes qui ne s’engagent plus pour servir mais pour faire carrière.

Adolescent j’ai milité 2 ans au POP et j’ai été impressionné par André Corsvant qui ne conservait de son traitement de Conseiller communal que le revenu disponible qu’il aurait eu dans l’exercice de la profession pour laquelle il s’était formé. J’invite les Conseillers communaux et Conseillers d’Etat à faire de même.

 

Propos recueillis par François Konrad