Fin de la Grève Gate Gourmet dans la douleur

Vendredi 30 mai dernier, la grève de Gate Gourmet à l’Aéroport de Cointrin prenait fin de manière terrible. Après des mois de lutte difficile, parfois désespérante, mais sans conteste courageuse, le licenciement de 13 grévistes a été officialisé via la signature d’un accord entre le comité central du Syndicat des services publics (SSP), Gate Gourmet et le Conseiller d’Etat PLR Pierre Maudet. Cet accord, qui entérine une défaite sur tous les points pour le syndicat, a été signé contre l’avis de la section genevoise du SSP qui l’a dénoncé par un communiqué de presse incendiaire. Autre réaction à cette annonce, le combatif Yves Mugny a donné sa démission, sans doute pour marquer son profond désaccord face à cette décision. La situation actuelle au SSP pose de manière claire l’opposition de fond entre une vision de syndicalisme militant et combatif et celle d’une organisation bureaucratique dirigée depuis la centrale. Entretien avec David Andenmatten ancien président du SSP Genève.

Un communiqué de presse du SSP Genève est sorti aujourd’hui, dénonçant l’accord signé entre Gate Gourmet et le comité central du SSP? Pourquoi cette position et que s’est-il passé?

 

David Andenmatten: La région de Genève a appris, il y a quelques temps que le secrétaire général du SSP, Stefan Giger, sans mandat aucun des grévistes, et en parfait désaccord avec les statuts du syndicat, négociait secrètement un accord avec Pierre Maudet et Gate Gourmet pour mettre fin au mouvement de grève. Surpris et choqué, le comité directeur du SSP Genève, et le comité des mi­li­tant·e·s de l’hôpital ont interpelé Stefan Giger à plusieurs reprises pour stopper cela.

Malgré les demandes répétées et des avertissements sérieux, nous avons découvert avec stupeur, vendredi dernier, la signature de l’accord tripartite entre le comité central du SSP, le département de Pierre Maudet et l’entreprise Gate Gourmet. Cet accord scandaleux prévoit notamment le licenciement des grévistes, l’acceptation par le syndicat des péjorations des conditions de travail contre lesquels les grévistes luttaient et la validation de la « paix du travail » avec Gate Gourmet. En résumé, nous pouvons affirmer que le SSP s’est complétement couché devant le patron et l’Etat. Mais outre le grand manque de courage du secrétaire général du SSP, il s’agit d’une première en Suisse, voir dans le monde, qu’un syndicat signe un accord prévoyant le licenciement de grévistes et de militants syndicaux ! Il est tout simplement inacceptable de valider ceci alors que dans le même temps nous avons déposé une plainte à l’OIT contre la Providence pour avoir licencié des grévistes.

Mais à cela s’ajoute le caractère profondément anti-démocratique et totalement contraire au règles de fonctionnement du SSP de la démarche. Stefan Giger, en négociant en secret, a écarté les décisions régionales et les décisions des assemblées générales des grévistes qui, statutairement, sont les seules valables. De quel droit la centrale vient-elle terminer un mouvement de grève décidé par les tra­vail­leurs·euses de Gate Gourmet ! Nous avons affaire à un cas exemplaire des nuisances des appareils syndicaux.

La bureaucratie syndicale, déconnectée des réalités du terrain, a trahi les mi­li­tant·e·s de la région de Genève, provoquant par ce coup de poignard dans le dos, de forts ressentiments. Voilà pourquoi nous avons décidé, le lundi 2 juin au comité de région, de dénoncer publiquement la situation. Nous devons absolument empêcher que cela se reproduise.

 

 

Et maintenant, que pensez-vous faire? Comment pouvez-vous rebondir?

 

Nous allons tout faire pour garantir que cette situation ne se reproduise plus à l’avenir. La centrale ne doit et ne peut pas faire passer des accords en force contre l’avis de la région. Le SSP est une fédération ou chaque région est souveraine et doit le rester. Les mi­li­tant·e·s de Genève sont écœurés. De plus, cette expérience nous affaiblit terriblement face au patronat. Si nous n’obtenons pas de garantie, alors il serait extrêmement facile pour tous les employeurs en conflit avec la région de Genève, de téléphoner à Zurich pour obtenir que le mouvement cesse.

A chaque nouvelle grève ou à chaque manifestation, Pierre Maudet va-t-il appeler Stefan Giger pour empêcher le conflit ? Quoi qu’il en coûte, le SSP Genève va faire en sorte d’obtenir des garanties fortes empêchant encore la trahison des bureaucrates syndicaux. Pour ce faire, nous avons décidé collectivement de dénoncer publiquement la situation, mais aussi de saisir un tribunal arbitral interne au SSP. Le non-respect des statuts doit être combattu et nous espérons avoir gain de cause. D’autres options sont à l’étude comme des pétitions de mi­li­tant·e·s, des actions et autres. L’enjeu est de première importance car sans ces précieuses garanties, nous pourrons enterrer la ligne syndicale combattive que nous essayons de construire ici à Genève, depuis plusieurs années.

En effet, celle-ci repose principalement sur le fait que les mi­li­tant·e·s sont les décideurs et que ce n’est qu’eux qui sont compétents pour décréter la continuation ou la fin d’un mouvement de lutte. L’appareil syndical doit être au service des mi­litant·e·s et non pas l’inverse. Nous nous battrons pour que cette optique puisse continuer de vivre !

 

Propos recueillis par Pablo Cruchon