Le salaire minimum

Le salaire minimum : Un objectif international

Les 6 et 7 mai dernier, Michel Husson, économiste auprès de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), lié aux syndicats français, était l’invité de solidaritéS pour parler de la lutte pour le salaire minimum en Europe et aux Etats-Unis.

 

Cette revendication est aujourd’hui largement appuyée par les syndicats, sauf en Italie et dans les pays scandinaves, où les conventions collectives fixant des sa­laires minimaux couvrent encore une partie significative des sa­la­rié·e·s. En Angleterre, le salaire minimum a été introduit en 1998, et le sera en Allemagne en 2015, au niveau très modeste de 8,5 € de l’heure, avec une série d’exceptions. Ce changement d’attitude des syndicats allemands, qui explique aussi le ralliement de l’Union syndicale suisse, s’explique par l’affaiblissement de leur capacité de négociation, en particulier dans les services, qui ne sont plus en mesure de résister à l’épidémie des très bas salaires imposés par le patronat.

Aux Etats-Unis aussi, le débat a rebondi vu que le salaire minimum n’a cessé de reculer, en valeur réelle, depuis la fin des années 60. Son réajustement de 7,25 $ à 10,10 $, défendu aujourd’hui par les démocrates, ne ferait ainsi que rattraper l’inflation. Selon une prise de position de 600 économistes, dont deux Prix Nobel, cette « augmentation » n’aurait aucun impact sur l’emploi. Ceci peut être démontré par des études comparant les Etats de l’Union qui pratiquent des salaires minimaux différents (ils ont en effet la compétence de relever le minimum fédéral). Des études similaires sont arrivées au même résultat en Angleterre, après l’introduction du salaire minimum, en 1998. En France, enfin, où la loi des 35 heures a provoqué une hausse globale du salaire horaire, elle a aussi permis la création de près de 2 millions d’emplois !

 

Dangereux pour l’emploi?

La théorie économique dominante explique que l’imposition d’un salaire minimum tendrait à « surpayer » des travailleurs et travailleuses dont la productivité est trop faible, ce qui conduirait à la suppression de leur emploi. Or, l’idée que le salaire de cha­cun·e correspondrait à sa productivité individuelle est une illusion que la réalité empirique contredit tous les jours : qui oserait en effet prétendre que le PDG qui reçoit un salaire 100 fois supérieur au salarié moyen de son entreprise est 100 fois plus productif que lui ?

En France, depuis les mobilisations ouvrières de 1968, le salaire minimum a été indexé, non seulement aux prix à la consommation, mais aussi au salaire moyen, ce qui fait qu’il a progressé plus vite que les prix. C’est la raison pour laquelle les amis sociaux-libéraux du gouvernement « socialiste » actuel proposent de revenir sur ce mode d’indexation mixte et de prévoir des salaires minimaux plus bas pour les régions économiquement faibles et pour les jeunes. Or paradoxalement, c’est au moment où François Hollande ne cesse de vanter les mérites de l’ex-chancelier Schröder (SPD), grand démolisseur des minimums sociaux en Allemagne, que ce pays fait un timide pas vers le salaire minimum…

 

Quel salaire minimum européen?

Aujourd’hui, au-delà de cette bataille défensive pour le salaire minimum dans chaque pays, les syndicats européens doivent avancer vers une revendication unificatrice de salaire minimum européen. Cette idée est née en marge des Marches européennes contre le chômage, à la fin des années 90. Concrètement, il s’agirait de fixer un salaire minimum équivalant par exemple à 60 % du salaire médian de l’Etat concerné. Selon les calculs qui avaient été faits, et qu’il faudrait revoir aujourd’hui, une telle mesure relèverait les salaires de 13 à 24 % des tra­vail­leurs·euses européens les plus mal payés, selon le pays.

Enfin, la bataille pour un salaire minimum décent devrait être couplée avec la revendication de la réduction du temps de travail. En effet, le chômage de longue durée, les diminutions de temps de travail et de salaire, les temps partiels imposés représentent une forme bien réelle de réduction du temps de travail, très inégalement répartie, et payée exclusivement par les sa­la­rié·e·s, en particulier par les femmes. C’est pourquoi, en dépit des rapports de forces actuels, défavorables au monde du travail, il est essentiel de continuer à défendre aussi un objectif clair de réduction du temps de travail sans réduction du salaire. JB