Salaire minimum

Salaire minimum : Contre les millions de la droite patronale, notre unité

Le 22 avril dernier, solidaritéS organisait simultanément une action dans les cantons de Genève et de Neuchâtel. Dans une campagne dominée par les moyens mis en œuvre par la droite patronale pour prédire chômage et ruine des micro-patrons, solidaritéS a décidé de marquer un grand coup : des banderoles ont ainsi été déployées dans des lieux symboliques afin de rappeler à un peu moins d’un mois de la votation du 18 mai l’importance cruciale d’introduire un salaire minimum de 4000 francs.

Le 11 avril 2014, l’institut Gfs Bern rendait public les résultats de son premier sondage quant aux objets soumis à votation populaire le 18 mai prochain. Les intentions de vote positives pour le salaire minimum à 4000 francs y affichaient un net recul avec une réalité toutefois contrastée entre les régions latines et alémaniques. Au sein des cantons romands, et dans une moindre mesure au Tessin, l’acceptation de l’initiative a en effet encore une petite longueur d’avance. Outre-Sarine la situation est cependant largement plus critique, avec une projection de 57 % d’intentions de vote défavorables et seulement 37 % de votes favorables à l’initiative.

 

Le micro-patron: rouleau compresseur de la droite patronale

Selon Gfs Bern, les arguments principalement mis en avant par les citoyen·ne·s défavorables à l’introduction d’un salaire minimum de 4000 francs tiendraient d’une part au refus d’un diktat de l’Etat dans les relations de travail privées et, d’autre part, à la crainte d’une montée du chômage consécutive à la suppression de postes de travail. Si la première réfutation semble provenir des milieux traditionnellement allergiques à toute intervention étatique, la seconde rencontre malheureusement un bien plus vaste écho populaire et fonde, avec la défense des micro-patrons qui seraient acculés à mettre la clé sous la porte dont elle est le corollaire, la « face acceptable » mise en exergue, dans les tribunes généreusement offertes par la presse bourgeoise, par les adversaires du salaire minimum.

Entre le petit épicier de quartier et l’aubergiste du village, le cadrage politique choisi par la campagne des adversaires du salaire minimum, déléguée une fois de plus à l’Union Suisse des Arts et Métiers (USAM), place en effet au front médiatique ces micro-patrons qui forment pourtant les parents pauvres du système capitaliste basé sur la concentration en grandes entités qui les fait effectivement fermer les uns après les autres. Un cache-misère tout trouvé pour les appétences de profit des entreprises qui se refusent à baisser leur marge pour payer des salaires décents. Loin de ne concerner que ces petits patrons dont les médias se plaisent à relayer l’appel au secours, il faut pourtant rappeler que 50 % des personnes gagnant actuellement moins de 22 francs de l’heure sont employées dans des sociétés qui occupent plus de 50 salarié·e·s et sortent donc du statut de « petite entreprise » selon les critères de l’Office fédéral de la statistique. Et ce, sans compter que dans la moitié des bas salaires occupés par de petites entreprises figurent en bonne place les services externalisés par de grandes sociétés, telles que les activités de nettoyage et de maintenance.

 

Replacer l’épicerie au centre du village

Face aux millions dépensés par la droite patronale pour s’ériger en défenseur de la veuve et de l’orphelin qui demain seraient prétendument privés d’emploi si on devait les payer correctement, la multiplication d’actions qui interpellent la population, à l’image des banderoles géantes du 22 avril, apparaît plus que nécessaire. Comme le rappelait solidaritéS à cette occasion, le salaire minimum doit permettre aux travailleurs et travailleuses de se rassembler et de défendre leurs intérêts contre ceux et celles qui les exploitent et les divisent pour engranger leurs profits.

Il s’agit en effet d’une première pierre dans la botte du capitalisme qui rend d’autant moins compréhensible l’adhésion aveugle de micro-commerçants à la campagne menée contre le salaire minimum. Le syndicat paysan Uniterre le relevait très justement le 7 mars dernier, la possibilité ou non de verser un salaire minimum de 4000 francs dépend bien des procédés de concurrence qui imposent des prix dérisoires à l’achat aux producteurs et se sucrent au passage en maximisant leur marge. La situation n’est pas bien différente pour les micro-­commerçants, mis au rebut des rangs patronaux dans tous les combats où leurs intérêts s’opposent à ceux des grands groupes (extension des heures d’ouverture des magasins, ouverture nocturne des shops de stations-service notamment). Des micro-­commerçants pour certains acculés par la concurrence de prix à l’achat, de loyer et d’offre que leur livrent ces mêmes groupes et qui répercutent leur absence de compétitivité sur leurs em­ployé·e·s à travers des salaires ne permettant pas de vivre, pour autant qu’ils puissent encore les payer. Petits épiciers et coiffeurs de quartier se retrouvent de fait dans une logique mortifère en plaidant contre le salaire minimum, car les seuls à profiter d’un refus le 18 mai prochain seraient ceux-là mêmes qui sont en train de les étrangler.

Au-delà de la situation des milliers de travailleurs et travailleuses qui verraient directement leur salaire augmenter de plusieurs centaines de francs, le salaire minimum représente un tournant dans un pays qui connaît un droit du travail parmi les plus libéraux, et un premier pas pour enrayer le libre-cours de la spoliation des richesses produites par les salarié·e·s. Ne le laissons pas passer ! 7

 

Audrey Schmid