Les «moral mondays»

Les «moral mondays» : Vers un nouveau mouvement des droits civiques aux États-Unis?

Au long de l’année 2013, les « Moral Mondays » ont dominé l’actualité en Caroline du Nord. Ces manifestations de masse, accompagnées de certaines formes de désobéissance civile, ont commencé en avril, en réponse à une série de lois passées par les deux chambres de cet Etat à dominante républicaine, promulguées par le gouverneur Pat McCrory, élu en 2012

Les républicains, profitant de la majorité dont ils disposent au Sénat et à la Chambre des représentants de Caroline du Nord, ont fait adopter des lois visant à limiter les droits de vote de l’électorat présumé démocrate, à couper des programmes sociaux, à éliminer la sécurité de l’emploi des en­seignant·e·s et à réduire leurs salaires, à créer de nouvelles taxes antisociales, à abroger la loi pour la justice raciale, qui avait permis aux condamnés à mort de faire appel en invoquant leur discrimination, et à limiter le droit à l’avortement. Cet Etat a aussi supprimé les allocations chômage fédérales pour 70 000 personnes.

 

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Art Pope, le richissime président d’une chaîne de grands magasins (Variety Wholesalers Corporation) et directeur du budget de l’Etat de Caroline du Nord, a financé les campagnes des républicains en les aidant à développer leur programme ultra-conservateur. Il a soutenu plusieurs think tanks réactionnaires et les can­di­dat·e·s du Tea Party, si bien qu’il a fini par incarner, aux yeux du public, la connexion entre les riches républicains et leurs attaques contre les pauvres. On peut ainsi considérer que Pope et McCrory ont provoqué le mouvement des Moral Mondays.

Le 29 avril 2013, le révérend William J. Barber II, président de l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur (NAACP), a initié ce mouvement avec d’autres Afro-­Américain·e·s et pasteurs blancs, en se rassemblant devant le parlement à Raleigh, certains ma­ni­festant·e·s pénétrant dans le bâtiment, l’occupant et refusant d’en sortir, provoquant l’arrestation de dizaines d’entre eux. Certains syndicats de travailleurs et leurs membres ont été impliqués très tôt dans cette lutte. L’AFL-CIO de Caroline du Nord et le syndicat indépendant des électriciens (United Electrical Workers) ont appelé tous les deux leurs membres à participer à ces mobilisations.

Ces manifestations, appelées le lundi, ont été suivies en moyenne par 2500 par­ti­cipant·e·s?; parmi eux, un total de 900 ont été arrêtés pour avoir occupé le parlement au cours de l’année 2013. D’autres rassemblements ont été convoqués dans d’autres villes de Caroline du Nord, la plupart d’entre eux attirant des milliers de personnes, dont un record de 10 000 à Ashville.

 

Un mouvement social de masse

Les Moral Mondays ont contribué à mobiliser le discours religieux et progressiste contre les conservateurs et l’arrogance des riches pour appeler à améliorer la vie des tra­vail­leurs·euses et du peuple.

En Caroline du Nord, depuis 2007, le mouvement avait adopté un programme de revendications en 14 points comprenant : une éducation de qualité pour tous les enfants, un salaire décent et un soutien économique pour les personnes à bas revenus, des soins médicaux pour tous, une rupture avec l’histoire et les pratiques racistes de l’Etat, la facilitation du vote et le financement public des élections, le soutien aux universités historiquement noires, une politique d’embauche et de contrats égale pour toutes et tous, des contrats collectifs pour les sa­la­rié·e·s du secteur public, des logements à des prix abordables, la fin des pratiques racistes de la justice pénale, la promotion de la justice environnementale, la défense des droits des im­mi­gré·e·s, le renforcement des lois et des agences de protection des droits civils, ainsi que le rapatriement de toutes les troupes d’Irak.

La première grande marche du Moral Monday de 2014, le 1er février, a rassemblé entre 80 000 et 100 000 personnes à Raleigh, tandis que le mouvement commence à essaimer en Caroline du Sud et en Géorgie. Ce mouvement a suscité parmi les plus importantes manifestations sociales du Sud des Etats-Unis depuis le mouvement afro-américain des droits civils des années 50 et 60. Il a aussi représenté la mobilisation sociale le plus importante et la plus durable de l’année 2013 dans tout le pays. 

 

Dan La Botz

Traduction de notre rédaction