Genève 2 ou comment on tente de mettre fin au processus révolutionnaire syrien

Le processus révolutionnaire syrien continue à être source de débats et de questions, en particulier à gauche, alors que la « conférence de paix » de Genève 2 prévue entre les 22 et 24 janvier va finalement avoir lieu, après le retrait de l’invitation à la Conférence adressée par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon aux dirigeants iraniens, ceci suite aux pressions de la Coalition nationale syrienne. 

La Coalition nationale syrienne avait d’abord voté sa participation à la conférence de Genève malgré de grandes dissensions internes et le refus d’une de ses principales composantes, le Conseil national syrien, de s’y rendre, du fait que les conditions d’une réelle transition sans Assad n’étaient pas présentes. De nombreuses autres forces ont également refusé de participer à la Conférence pour des raisons similaires, notamment le Comité de coordination nationale pour les forces de changement démocratique dirigé par Haytham Manna.

Le président de la Coalition nationale syrienne, Ahmad Jarba, avait annoncé que ces négociations avaient «comme unique but de satisfaire les demandes de la révolution […] et avant tout de retirer au boucher (Assad) tous ses pouvoirs». Le régime syrien, qui a accepté de participer à la Conférence, ne l’entend pas de cette oreille et déclarait de son côté que la première priorité de celle-ci devait être «la lutte contre le terrorisme». Bachar al-Assad n’a cessé pour sa part d’affirmer sa détermination à rester au pouvoir en déclarant récemment qu’il y avait de « fortes chances » qu’il soit candidat cette année à sa succession et en prédisant une guerre longue contre les rebelles. Le régime syrien bénéficie encore de soutiens politiques, militaires et économiques très importants, particulièrement de la Russie et l’Iran, tandis que le Hezbollah et de nombreux groupes sectaires chiites combattent aux côtés de l’armée du régime contre les révolutionnaires.

Cette conférence de Genève 2 a les mêmes objectifs que la précédente et les autres conférences dites de « paix » pour la Syrie : parvenir à un accord entre le régime Assad et une section de l’opposition bourgeoise et opportuniste liée à l’Occident et aux monarchies réactionnaires du Golfe. La solution « yéménite », c’est à dire un accord sur une transition politique négociée qui maintienne la structure du régime telle quelle, reste d’actualité comme on peut le constater avec la prise de position des ministres européens des affaires étrangères selon lesquels l’objectif de la conférence serait «la formation d’un organe de gouvernement de transition avec les pleins pouvoirs exécutifs, notamment en matière de sécurité, militaire et du renseignement.?»

Cette fois, la différence notable est que la conférence se prépare sur fond de rapprochement entre les USA et la République islamique d’Iran sur la question nucléaire, renforçant encore davantage la volonté des deux régimes de mettre fin au processus révolutionnaire syrien en prenant en compte leurs intérêts respectifs. Le rapprochement entre l’Iran et les Etats Unis démontre, à nouveau, la futilité de secteurs à gauche qui considèrent la Russie et l’Iran comme un bloc anti-impérialiste. Les différentes puissances impérialistes mondiales et les puissances régionales bourgeoises, en dépit de leur rivalité, ont un intérêt commun à la défaite des révolutions populaires de la région, y compris en Syrie.

Nous ne devons en effet pas imaginer les rivalités impérialistes à l’échelle mondiale entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie comme impossibles à surmonter lorsque leurs intérêts sont en jeu et que les relations d’interdépendances sont en fait très présentes. Tous ces régimes sont des pouvoirs bourgeois qui sont ennemis des révolutions populaires, uniquement intéressés par un contexte politique stable qui leur permette d’accumuler et de développer leur capital politique et économique au mépris des classes populaires.

Le mouvement populaire, qui continue à s’activer malgré la guerre perpétuelle et criminelle du régime contre celui-ci et la menace contre-révolutionnaire des jihadistes et islamistes réactionnaires qui s’attaquent aussi à des op­po­sant·e·s et activistes pro-révolution dans les zones « libérées », n’est pas dupe des objectifs des grandes puissances et de leur volonté de liquider la révolution syrienne pour la liberté et la dignité.

Le mouvement populaire a exprimé à de nombreuses reprises son opposition à Genève 2 par des slogans tel que «ce n’est pas à Genève mais à La Haye» que l’avenir se décide, exprimant sa volonté de traduire les dirigeants syriens devant un tribunal. Même la population des zones assiégées a affirmé dans ses manifestations que «mieux vaut mourir de faim que capituler». Le mouvement populaire confirme donc qu’il veut renverser le régime, pour bâtir la liberté, l’égalité et la justice sociale. Les nombreuses manifestations continues contre le régime et les jihadistes de l’Etat d’Islamique d’Iraq et du Levant le prouvent.

La révolution populaire en Syrie continue, elle a besoin de toute notre solidarité.

 

Joe Daher