Ecriture épicène: la visibilité des femmes

Ecriture épicène: la visibilité des femmes



Sous le prétexte de sauver la langue française, une quinzaine de député-e-s de droite au Grand-Conseil genevois veulent s’attaquer aux acquis des femmes en matière de visibilité.



Ils et elles proposent une motion pour supprimer l’usage de la forme féminine des noms de métier, de fonction, de grade ou de titre dans les actes officiels, en prenant appui sur un vieux texte de l’antique et très patriarcale Académie française. (Rappelons qu’elle est composée d’une quarantaine de vieux Messieurs, dont un certain nombre de militaires, et de deux femmes, l’une portant même le titre de «le directeur» en exercice).



Or cette rédaction non discriminatoire, prônée dès 1988 par les autorités genevoises, est entrée dans les mœurs. Tant les journalistes que les documentalistes d’information professionnelle de Suisse romande et même les fonctionnaires de l’administration fédérale ont accepté d’adapter leur rédaction aux nouveaux critères.



Cet usage est tout à fait accepté au Canada et la France suit la même évolution, acceptée par l’Assemblée nationale en 1998, malgré les indignations des Académiciens.



Les féministes genevoises se sont immédiatement opposées par courrier au Président du Grand-Conseil, et par une pétition qui circule actuellement.



Elle a été rédigée par Thérèse Moreau, experte en la matière, autrice du premier «Dictionnaire féminin masculin des professions, des titres et des fonctions».1



MBu



  1. Thérèse Moreau «Dictionnaire féminin masculin des professions, des titres et des fonctions»(1988) Ed. Métropolis et de sa nouvelle version de 1999, ainsi que le «Guide romand à la rédaction administrative et législative épicène» Genève, SPPE, 2001.


Pétition adressée au Grand Conseil genevois

Pour une rédaction épicène des textes administratifs et législatifs

Mesdames les députées, Messieurs les députés,

Les personnes soussignées s´opposent à la proposition de Mesdames les députées Janine Berberat, Caroline Bartl, Janine Hagmann, Stéphanie Ruegsegger, Marie-Françoise de Tassigny, et Messieurs les députés Claude Blanc, Gilbert Catelain, Renaud Gautier, Jean-Michel Gros, Michel Halpérin, René Koechlin, Pierre Kunz, Patrice Plojaux, Pascal Pétroz et Pierre Weiss demandant la suppression de l´inclusion des femmes dans les textes officiels. Et ce au nom de la protection de la langue écrite et parlée en France et sous le prétexte que le masculin y serait un genre universel ou neutre. Les associations demandent, au contraire, que soit continué et systématisé l´effort fait par le Canton de Genève pour parvenir à une rédaction épicène des textes administratifs et législatifs.

De nombreuses études en sociolinguistique, en orientation professionnelle, en politique comme en sociologie ont montré que ce qui n´est pas nommé-e n´existe pas. Affirmer que les femmes sont inclues dans un discours au masculin revient à refuser d´admettre l´occultation séculaire des femmes en tant qu´actrices sociales. Les règles de grammaire dominantes et l´énumération systématique des substantifs au seul masculin contribuent à donner à l´infériorité du féminin une force d´évidence. Dès l´enfance, les femmes apprennent ainsi à être les autres, les oubliées d´une société qui les a longtemps laissées en marge. Les textes au seul masculin rappelleraient aux femmes leur peu de légitimité et pourraient être en vigueur là où elles n´ont aucun droit. En effet, si nous avons, tous et toutes, une carte d´électeur, c´est que les hommes furent pendant des siècles les seuls à pouvoir voter et que les législateurs n´avaient pas pensé que les citoyens genevois ou suisses puissent un jour être des femmes.

C´était parce que le genre masculin était, au XVIIe siècle, « le genre le plus noble » qu´il prévalait « tout seul contre deux féminins », mais nous ne sommes plus sous l´aristocratie du Roi Soleil. Et la démocratie, l´inscription de l´égalité de droits entre femmes et hommes dans la Constitution exigent que la langue prenne en compte ces avancées sociales. Nous demandons donc que le gouvernement genevois continue son oeuvre pionnière afin que femmes et hommes se sentent concernés par la vie de la République et rejette la motion M 1453.

On peut retrouver cette pétition sur notre site.

A renvoyer à EFI, 2 rue de la Tannerie – 1227 Carouge