Gros bénéfices, grandes fortunes: un vote populaire qui en impose

Gros bénéfices, grandes fortunes: un vote populaire qui en impose


L’initiative populaire cantonale «pour une contribution de solidarité des grandes fortunes et des gros bénéfices» a été approuvée par une majorité des électeurs-trices genevois le 2 juin! Un événement assez unique en Suisse depuis des années, qui montre qu’on peut gagner des batailles contre la droite patronale sur l’un de ses terrains privilégiés: la démagogie antifiscale mise au service de la réduction des prestations publiques et des privatisations à tous-crins.



L’initiative adoptée vise à faire rentrer environ 265 millions par an dans les caisses de la collectivité. Avec deux volets: Une contribution supplémentaire pour les fortunes imposables supérieures à 1,5 million selon un barème progressif, ce qui devrait rapporter environ 130 millions par an. Et une contribution supplémentaire sur les entreprises réalisant des bénéfices dépassant un million, contribution qui pèsera environ 135 millions par an.

Un petit pas fiscal…


Des montants modestes certes, en regard de la progression des fortunes imposables supérieures à un million, dont le montant cumulé à atteint 35,7 milliards en 2000 contre 24,3 milliards en 1994 (+47%), ou en regard du nombre d’entreprises ayant un bénéfice imposé supérieur au million dont les bénéfices cumulés ont atteint 3,9 milliards en 1999 contre 2 milliards en 1994 (+95%) selon les chiffres officiels du Conseil d’Etat. Des montants si modestes, qu’on ne peut qu’approuver la réaction à chaud d’un journaliste lucide, datée du lendemain de la votation qui titre «Genève taxe timidement les riches»1, on est bien loin de l’hystérie des opposants de droite à l’initiative qui ont pleurniché en chœur que l’impôt en question était «confiscatoire».



L’initiative a passé la rampe, de justesse certes, avec 700 voix d’avance sur tout le canton, mais le résultat porte un rude coup au fatalisme répandu à gauche en matière fiscale, engendré par une série de défaites sur ce terrain qui alimentent la démobilisation.

Mais pas en avant politique significatif


Malgré le résultat serré, nos 50,33 % de OUI, soit plus de 53000 voix, avec une participation moyenne de 52% environ, marquent un tournant En 1996 en effet, nos deux initiatives fiscales d’inspiration semblable faisaient 33,6 % de OUI avec une participation moyenne de 32,8 % et une participation de 22,5% dans le quartier populaire des Acacias contre 45% – soit 100% de plus ! – chez les bourgeois de Cologny.



Le 2 juin, un différentiel de participation subsiste, mais il n’est plus du simple au double. Les électeurs-trices aux Acacias se sont prononcés à hauteur de 45%, à Cologny on a voté à 61%, soit un gros tiers de plus «seulement»!



En Ville de Genève l’initiative a près de 4000 voix d’avance et on atteint plus de 55% de OUI sur l’ensemble de la commune. Sur les 17 arrondissements de la Ville, les 10 quartiers les plus populaires plébiscitent notre initiative à plus de 60%, avec une pointe à Mail-Jonction à plus de deux-tiers de OUI ! Le vote est en outre très polarisé selon des clivages sociaux nets. En témoignent les résultats des trois quartiers les plus bourgeois: à Florissant-Malagnou, on frise le 70% de rejet de l’initiative, à Champel on est à 66% de NON et à Cité-Rive on atteint 62% de rejet.



Dans les cinq grandes communes de la périphérie urbaine l’initiative passe également haut la main: 60%de OUI à Vernier, 59% à Carouge, 57% à Onex, 56% à Lancy et à Meyrin.



Hors l’agglomération, par contre, quatre communes seulement acceptent l’initiative, Avully, Chancy, Chêne-Bourg …et Céligny, qui abrite le château des Schmidheiny et où l’on sait ce que veulent dire grosse fortune et gros bénéfices!

Seuls au front…


Ce résultat est d’autant plus remarquable que seule l’Alliance de Gauche a en fait mené campagne en sa faveur, avec des moyens d’ailleurs modestes: pas de pub dans les journaux et outre l’argumentaire dans la brochure officielle, une affiche mondiale sur les emplacements mis à disposition par le canton et une page de défense de l’initiative dans un tous-ménages distribué dans l’agglomération urbaine. Sur ses stands de récolte de signature en faveur du référendum contre le démantèlement de l’assurance-chômage (LACI), solidaritéS diffusait également un argumentaire en faveur de l’initiative…



Du côté du PS – sauf erreur – on n’a rien vu d’autre qu’une mention discrète de l’initiative sur une affiche portant sur l’ensemble des objets de vote, l’initiative n’a pas eu l’honneur d’être évoquée dans les semaines précédant la votation, ne serait-ce que dans leur bulletin cantonal. Chez les Verts c’était pire, au motif du refus de taxer les bénéfices des entreprises servant «à dégager les investissements du futur»2 selon leur porte-parole au Grand Conseil David Hiler, ils ont voté contre l’initiative au parlement, pour se rallier à un contre-projet qui ne verra jamais le jour… Au moment du vote populaire, leur mot d’ordre a été …de ne pas en avoir!



Pierre VANEK

  1. V. le site de la radio suisse (commentaire du 3.6.02)
  2. David Hiler porte-parole des Verts lors du débat au Grand Conseil du 16.11.00