Brèves de grève

Brèves de grève : Les grévistes et les institutions démocratiques

Les grévistes en Emploi de Solidarité (EdS) de Partage sont fort occupés. En délégation ou collectivement, ils·elles rencontrent des magistrat·e·s, des député·e·s, des conseillers·ères administratifs, des conseillers·ères municipaux.

 

Leur expérience du Conseil municipal de Carouge a été relatée dans le précédent numéro de solidaritéS (nº 234). Le 4 octobre 2013, ils-elles ont assisté à une séance du Grand Conseil. Pour rien.

Alors que l’agitation pré-électorale bat son plein à Genève, une motion « EdS » a été déposée au Grand-Conseil par des dé­puté·e·s de l’«?Alternative » (après l’échec de la prise en considération d’une motion au CM de la Ville de Genève et un renvoi en commission d’une motion au CM de Carouge). La demande de prise en considération de la motion urgente « EdS », ainsi que de la motion urgente « Gate Gourmet », font l’objet d’un rassemblement commun pour les deux grèves devant l’Hôtel-de-Ville le 3 octobre.

200 personnes expriment leur soutien?; discours, photos, interviews, puis les grévistes filent assister à l’ouverture de la session du Grand Conseil. Le dispositif policier est conséquent, et les deux groupes de grévistes doivent entrer au compte-gouttes afin d’éviter tout désordre. A l’entrée de la salle, deux policiers font enlever les casquettes syndicales, vérifient les téléphones portables et enjoignent les grévistes au silence. Au bout de quelques minutes, la tribune est pleine, et trois grévistes restent devant la porte. L’huissier ouvre la porte et dit «c’est bon, l’urgence pour votre motion a été acceptée»

 

Les débats tournent en rond

Le lendemain à 17 h, les grévistes s’installent à nouveau à la tribune, pour assister aux débats sur leur motion. Les députés sont très en verve, mais l’objet de leur discussion reste obscur pendant de longues minutes. Les débats sur le PL 10960-A relative à la gestion administrative et financière de l’Etat : une épreuve citoyenne. A 18 h 10, changement d’objet, on discute maintenant de l’achat d’un bâtiment. Les grévistes s’étonnent : les députés entrent, sortent, téléphonent, envoient des sms, écrivent des mails, lisent le journal, pianotent sur Facebook (oui, ça se voit depuis en haut).

Les grévistes s’étonnent : les débats tournent en rond, quel que soit l’objet?; un parti est isolé mais use son temps de parole jusqu’à la corde. Baroud d’honneur du PS. Les grévistes s’étonnent : pourquoi ils ne parlent pas de nous, alors que l’urgence a été votée ? L’heure tourne. Une pause cigarette est prise dans les escaliers. Un gréviste signale qu’il a déjà été « en bas », dans la salle du Grand Conseil, à l’occasion de sa naturalisation. Il précise : «j’étais assis du côté gauche, là où il y a le PS, c’est bien!».

Pendant ce temps-là, le parlement parle. Il ne parle pas pour influer sur un vote – les jeux sont faits – il parle à l’électeur·trice qui regarde Léman Bleu en direct. Un magistrat fait un long discours où sont convoqués la Constitution genevoise de 1847, James Fazy, et autres célébrités locales. La salle rit, l’ordre du jour se délite dans un brouhaha de fin des classes. Le président annonce : «il est 18h50, nous allons interrompre la séance, reprise à 20h30». Les grévistes ne se démontent pas : «on revient à 20h30, alors»

Un député du parti spécialisé dans le «y’en a marre» vient vers les grévistes et dit «c’est fini, là, à 20h30 on ne fait plus que les hommages, votre motion ce sera en décembre, ou en janvier, au plus tôt». Le groupe se disperse, consterné. Ils ont assisté à la dernière séance de la législature 1999–2013. Ont-ils eu envie de participer aux élections du parlement le dimanche 6 octobre ?

 

Cornelia Hummel