Accidents de travail: impunité des employeurs?

Accidents de travail: impunité des employeurs?


Un récent procès devant le Tribunal de police à Nyon a posé la question de la responsabilité pénale des employeurs lors d’un accident de travail.



Un travailleur portugais de 24 ans, engagé au noir par l’intermédiaire d’une entreprise temporaire, avait été très grièvement blessé suite au fait que la machine de chantier qu’il conduisait, un dumper, a basculé sur une forte rampe, le projetant contre le plafond. La rampe avait, selon une expertise effectuée, une déclivité de 25 à 30% et l’engin, chargé de bitume, était conduit en marche avant et non en marche arrière, contrairement aux prescriptions de sécurité en vigueur. Six mois d’hôpital, ablation de la rate, perte d’un rein, fortes douleurs lombaires permanentes, l’ouvrier restera invalide jusqu’à la fin de ses jours.



Parmi les cinq accusés, deux administrateurs de la plus importante entreprise de construction de la région, également administrateurs de l’entreprise temporaire. Cette dernière est utilisée par l’entreprise de construction pour lui permettre de disposer d’un volant de travailleurs flexibles, échappant en partie aussi aux obligations fixées parla Convention collective nationale du secteur. Le verdict, trois condamnations pour lésions corporelles graves par négligence à des amendes de 1000 à 2000 Frs et deux acquittements. Ce n’est pas cher payé pour des atteintes aussi graves et irrémédiables à la santé et à l’avenir personnel et professionnel d’un jeune ouvrier!



Ce procès a mis en lumière l’impunité pénale, certes relative, des employeurs lors d’ accidents du travail. L’employeur a l’obligation de protéger la vie et la santé du travailleur. Pour ce faire, il doit prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en matière de formation, d’instruction et de surveillance. Il doit choisir des travailleurs qui soient qualifiés, pour les tâches qui leur sont confiées, en fonction notamment de dangers accrus. L’ordonnance sur la prévention des accidents (OPA) précise en outre que l’entreprise qui occupe dans les faits un travailleur, engagé par l’intermédiaire d’une entreprise temporaire, a les mêmes responsabilités à son égard que s’il était directement engagé par elle.



Lors du procès les accusés ont invoqué la fatalité et surtout cherché, pour se disculper pénalement, à mettre en cause la victime, lui reprochant une faute qui aurait rompu le lien de causalité adéquate entre leur comportement et le résultat dommageable. Ils n’ont certes pas été suivis par le juge, qui a toutefois prononcé l’acquittement d’un des deux employeurs. Ils avaient pourtant admis que l’entreprise de construction ne disposant d’aucun concept adéquat de sécurité et de prévention des accidents, violant ainsi des prescriptions figurant dans la Loi sur l’assurance-accidents et ses ordonnances d’application.



Les manquements aux obligations de sécurité et de prévention des accidents sur les chantiers doivent être punis plus sévèrement sur le plan pénal. Une simple amende n’a guère d’effet dissuasif et surtout ne met pas en évidence, sur un plan social, la gravité de leurs conséquences pour les salarié-e-s qui en sont victimes. Rappelons ici qu’une étude, publiée par l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail de Genève en mars 2000 sous le titre «Mortalité prématurée et invalidité selon la profession et la classe sociale à Genève», fait le constat que 40% des travailleurs du bâtiment deviennent invalides entre 45 et 65 ans.



Jean-Michel Dolivo