Élections du 22 septembre

Élections du 22 septembre : En Allemagne, rien de nouveau

Le 22 septembre prochain, les élections fédérales allemandes vont avoir lieu. Ce scrutin est très attendu un peu partout dans les couloirs du pouvoir en Europe mais aussi outre-Atlantique, tant il est vrai que ces derniers mois toute une série de développements politiques ont été mis au congélateur le temps que le nouveau gouvernement fédéral prenne possession des lieux à la fin du mois de septembre.

Si tel est le cas, c’est que cela fait partie de la stratégie électorale des chrétiens-démocrates (CDU) et de la chancelière sortante, Angela Merkel. Leur stratégie vise à polariser la campagne électorale autour des questions de politique intérieure où la chancelière et son parti espèrent occuper le centre de l’échiquier politique en adoptant une série de revendications portées par le Parti social-démocrate (SPD). Pour ce faire, les questions de politique européenne doivent quasiment disparaître de l’agenda électoral. Et la chancelière s’y est employée en faisant suspendre le processus de réforme institutionnelle de la zone euro déclenché en juin 2012, alors même qu’il était prévu qu’une feuille de route précise soit présentée au Conseil européen (instance réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’UE) de fin juin – l’instance qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union Européenne, pour en accélérer le rythme. De même, alors qu’il est universellement admis que la Grèce aura besoin d’une aide supplémentaire – autour d’une dizaine de milliards d’euros – pour tenir son programme d’ajustement, le message a été transmis à Athènes qu’il ne fallait pas faire de vagues jusqu’à la fin septembre.

 

Les eurosceptiques en point de mire

 

L’état-major des chrétiens-démocrates craint en partie que si les questions européennes reviennent sur le devant de la scène elles n’alimentent les tendances eurosceptiques au sein de la frange la plus conservatrice de son électorat. Un tel développement pourrait affaiblir la CDU et faire descendre les libéraux du FDP – le partenaire des chrétiens-démocrates dans la coalition gouvernementale actuelle – en dessous de la barre des 5 % nécessaires pour entrer au Bundestag, le Parlement fédéral. Le nouveau parti eurosceptique, Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui prône le retour au deutschemark et la fin de la participation de l’Allemagne aux sauvetages européens, pourrait offrir une alternative à certains élec­teurs·trices conservateurs.

A l’apparence, la perte de quelques élec­teurs·trices – pour le moment l’AfD est loin du seuil des 5 % – ne devrait pas inquiéter les chrétiens-­démocrates. Ceux-ci devancent le SPD de 15 % dans les sondages et le SPD est incapable de générer une dynamique en sa faveur. Ses critiques de la politique européenne de Merkel sont inaudibles, puisque, depuis le début, il approuve toutes les lois de politique européenne du gouvernement, présentées au Bundestag. Dans la pratique, la politique européenne de l’Allemagne depuis le début de la crise est le produit d’une grande coalition officieuse. Et, alors qu’au début de sa campagne, le SPD a gauchi son discours en prônant notamment un salaire minimum, la CDU a recentré sa campagne pour capter l’électorat centriste.

Mais le problème pour la CDU est que même si elle réalise le plein des voix avec environ 40 %, elle n’aura pas la majorité requise pour gouverner toute seule. Il lui faudra donc un partenaire de coalition. Et dans la mesure où le FDP risque de faire un score faible, le scénario le plus probable, vu les tendances actuelles, est une nouvelle grande coalition CDU-SPD.

 

Quelles conséquences pour la situation européenne?

 

Dans la mesure où la spéculation contre la zone euro s’est calmée depuis un an, et d’autant plus que l’économie de la zone euro semble avoir touché le fond, la pression sur les dirigeants européens pour aller vers plus d’intégration européenne se desserre.

L’éventuelle arrivée du SPD au gouvernement n’y changera pas grand chose. Tout au plus, le SPD infléchira marginalement la position du gouvernement allemand dans le sens d’une moindre insistance sur l’austérité. Il sera aussi plus à l’aise avec l’idée que l’Allemagne doit mettre la main à la poche pour stabiliser la zone euro.

Plus que le choix du partenaire de coalition, ce qui risque d’influencer l’attitude du gouvernement allemand après les élections de septembre est le débat au sein de la CDU. La démocratie chrétienne allemande est depuis les années cinquante le grand parti euro-fédéraliste allemand, toujours prêt à soutenir toute initiative allant vers une vraie fédération européenne. Cette orientation reflète un relatif consensus au sein de la bourgeoisie allemande, selon lequel la construction d’une telle fédération est la solution définitive de la « question allemande » grâce à laquelle l’Allemagne pourra projeter sa puissance et défendre ses intérêts nationaux.

La chancelière actuelle diverge, néanmoins, en partie de cette ligne. Elle n’est certainement pas eurosceptique mais elle ne témoigne pas du même enthousiasme que son ministre des finances, Wolfgang Schaüble, par exemple pour le projet fédéraliste. Son attitude est en partie le reflet de l’impact de la réunification allemande et en partie des réticences qui s’expriment dans les autres Etats-membres historiques, avec lesquels elle doit composer, à propos d’un éventuel nouveau traité. Mais à l’approche des élections fédérales, de plus en plus de dirigeants chrétiens-démocrates expriment leur désaccord avec  l’orientation de la chancelière.

Autant les élections allemandes sont très attendues, autant donc elles ne vont pas bousculer le cours des choses en Europe. Elles marqueront par contre la fin de la pause, et les choses se remettront en marche. Entre-temps, elles auront permis, de concert avec la fin de la spéculation contre l’euro, aux dirigeants européens de passer un été calme pour la première fois depuis le début de la crise européenne en 2010.

 

Christakis Georgiou