Pétition pour les migrants: soutien actif - soutien critique
Pétition pour les migrants: soutien actif – soutien critique
Le Syndicat industrie et bâtiment (SIB) et le Syndicat de lindustrie, de la construction et des services (FTMH) ont pris linitiative dune pétition aux chambres fédérale pour légalité des droits de tous les migrants et migrantes qui vivent et travaillent en Suisse et contre la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr). ACOR SOS Racisme soutient cette action.
En décembre 1999, ACOR SOS Racisme a impulsé la mobilisation contre la LEtr en prévision de la votation de linitiative 18%. Il était alors prioritaire dengager cette campagne contre le «droit des étrangers» et son aggiornamento.
Prioritaire? Pour ACOR SOS Racisme léchec de linitiative 18% ne faisait aucun doute. Patrons, syndicats, églises, partis gouvernementaux suniraient contre ce texte et ce large front permettrait au Conseil fédéral de proposer la légalisation de la politique des cercles quil mitonnait depuis deux ans.
En effet, en juin 2000, il présentait la LEtr comme contre-projet à linitiative 18%. Cette mise en scène semblait lopposer à la xénophobie alors que la LEtr est pire que linitiative 18%. Mais la «politique des étrangers» est un vieil acquis de la cuisine gouvernementale suisse et sa gestion paritaire conforte sa légitimité. La ficelle était grosse mais elle passa.
«Quand on aime on ne compte pas»
Tout au long des années 2000 et 2001 ACOR SOS Racisme et un mince réseau de militants et dassociations se sont efforcés dinterpeller la société: il faut renvoyer la LEtr à son expéditeur!
Le collectif «Quand on aime on ne compte pas» anima la campagne en Suisse romande. Il collabora avec le collectif alémanique «Pour une Suisse tolérante». Mais une organisation antiraciste radicale manque en Suisse alémanique, et cette absence inhibe la volonté den finir avec lÜberfremdungsdiskurs, avec lidéologie chauvine qui oppose lillusion dune patrie idéale aux besoins sociaux de la population, qui oppose la défense dune prétendue identité nationale à la solidarité.
Linsécurité se développe lorsque lavenir des enfants et la vieillesse des parents semblent menacés, lorsque les services publics sont privatisés, lorsque le travail se précarise, devient plus douloureux, plus dangereux. Lorsque la société se délite et quune idéologie de compétitivité exacerbée valorise la brutalité individuelle. La prétendue «délinquance étrangère» est un écran pour masquer cette évolution. La recette est classique. «Lenjuivement» menaçait hier la Suisse. Aujourdhui, «lenchevêtrement culturel» est la cause des désordres.
Renforcer la mobilisation contre la LEtr
La «politique des étrangers» fut imaginée en 1917 pour diviser le mouvement ouvrier. Conservée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale elle permit la ségrégation des travailleurs immigrés et leur surexploitation. Elle fut conservée par consensus: PSS et USS y adhérèrent. Peut-on sétonner que 55 ans plus tard ces formations lapprouvent ou peinent à la combattre?
ACOR SOS Racisme soutient la pétition syndicale contre la LEtr qui revendique légalité de traitement pour tous les migrants et les migrantes qui travaillent en Suisse
Cette pétition constitue une avancée. Mais quelle action politique laccompagnera et la relaiera? Comment sappuyer sur elle pour améliorer le rapport de forces? La question est urgente. Le parlement entamera prochainement la discussion de la LEtr.
La LEtr doit être combattue clairement
La pétition rappelle que la LEtr légalise linégalité de traitement. Mais elle nexplique pas comment. La LEtr émancipe les Européens du statut détrangers et les libère du contrôle de la police des étrangers. Seuls les non Européens seront désormais «étrangers».
La Loi sur le séjour et létablissement des étrangers (LSEE, 1931) avait institué une «politique des étrangers» différente. Cette première mouture conférait une très large délégation de compétence au Conseil fédéral pour définir les «étrangers», pour leur attribuer une autorisation de séjour ou la renouveler, pour les expulser. Tout cela supposait le fichage systématique des «étrangers» détenteurs dune telle autorisation. Dès lors que les «étrangers» ne doivent plus pouvoir bénéficier dune autorisation ce pouvoir na plus de sens.
Lapplication de la nouvelle politique appelle un changement. La police ne peut pas gérer le dossier de contrôle dune personne dont elle est censée ignorer la présence. Larbitraire de ladministration ne suffit plus à appliquer la discrimination. Celle-ci doit désormais dépendre de la législation. La police des étrangers conservera le pouvoir de faire des exceptions.
Légaliser le droit dexception
La police des étrangers attribuera évidemment des autorisations à des «étrangers» (à des non Européens). Ils seront présentés comme des exceptions dont lintérêt économique compense leur dangerosité raciale «prouvée» par limpossibilité pour eux dobtenir une autorisation de séjour. Cette politique, faut-il le préciser, poursuit les buts définis depuis 1917 par lÜberfremdungsdiskurs.
La police des étrangers maintiendra dans la peur, au moyen dune répression sélective, les dizaines, les centaines de milliers de travailleurs immigrés plongés dans le statut de sans-papiers. Elle aura le pouvoir de procéder à des expulsions en masse si la situation lexigeait.
Légaliser la discrimination ne réduira pas mais aggravera larbitraire de la police des étrangers. Elle se verra officiellement conférer un mandat officieux: ouvrir ou entrouvrir les yeux sur les sans-papiers. Différentes variables économiques, politiques et médiatiques détermineront son action. Il y a lieu de craindre que cette situation ne renforce une dérive mafieuse.
La droite, et peut-être même tous les partis gouvernementaux, justifieront la nécessité de cette nouvelle politique en affirmant que la population suisse la souhaite.
La pétition est ambiguë
Son contenu et sa présentation ne clarifient ni la politique que nous combattons ni celle que nous préconisons.
Cet éclairage est indispensable. Appliquée depuis des décennies la «politique des étrangers» sest fondue dans le paysage. Elle fonctionne comme une routine. Pour la combattre, il faut la nommer.
La nouvelle politique des étrangers propose de légaliser le refoulement des «étrangers», «inassimilables». Elle les cantonne dans le statut de sans-papiers et les rive aux pelles, aux claviers, aux aspirateurs et aux tabliers. LÜberfremdungsdiskurs nourrit les Suisses dans la peur des étrangers, et cette peur occulte la perception de la négation de leurs droits. Labsence de droits les maintient dans la peur et la précarité matérielle et existentielle.
Contre la nouvelle politique, refuser la discrimination à ladmission fondée sur les qualifications est insuffisant. Pourquoi cette limite? La discrimination que dissimule la LEtr derrière déventuelles exceptions fondées sur la qualification est celle des non Européens. Cette mesure définit la discrimination: lexception confirme la règle. Dans le lexique officiel, «non-qualifiés» est un euphémisme pour «ressortissants du troisième cercle».
La formulation syndicale atténue la brutalité de cette discrimination. La pétition rappelle que le «droit des étrangers» discrimine les migrants selon leur origine et demande légalité des droits de tous les migrants et migrantes qui vivent et travaillent en Suisse. Cest insuffisant.
Il est prioritaire de revendiquer légalité des droits de tous, Suisses et immigrés, qui vivent et travaillent en Suisse.
Son argumentaire révèle ses limites. Contrairement à ce quil affirme, le projet de LEtr est discriminatoire parce quil légalise un droit dexception et non parce quil le crée.
Ce droit dexception a été créé le 21 novembre 1917. Il a fallu provoquer une révision constitutionnelle, en 1925, pour que les autorités fédérales obtiennent le droit de lui assurer une base légale minimale qui fut adoptée le 26 mars 1931 (LSEE).
Largumentaire suggère que le nouveau statut dautorisations de courte durée favoriserait la multiplication des sans-papiers. Mais la création de sans-papiers nest pas limitée aux non départs consécutifs à léchéance dun permis de courte durée. Elle découle dune conception densemble qui prive de droits les ressortissants des 9/10e de la planète.
Largumentaire présente comme inutile la discrimination des ressortissants ne provenant pas de lUnion européenne. Ce texte est inquiétant. Pendant environ cinquante ans, lUnion syndicale suisse a effectivement considéré quil existait des discriminations utiles. Quen est-il aujourdhui?
Largumentaire minimise les nouvelles discriminations introduites par la LEtr. Elles commencent avec les restrictions des conditions doctroi de visa, et sétendent avec laggravation des mesures policières et pénales pesant sur le trafic aérien. Elles comportent le renforcement des douaniers et des garde-frontières contre limmigration des «étrangers» (des non Européens), les mesures prises contre le regroupement familial et la modification du Code civil autorisant les officiers détat-civil à refuser de célébrer des mariages.
La LEtr aggrave la répression et ignore la condition difficile imposée à de nombreuses femmes. Mais la gravité de ces mesures doit être comprise dans le cadre dans lequel elles sont imaginées: le recours systématique à tous les expédients pour réduire limmigration de non Européens («détrangers»).
Tous citoyens tous solidaires. Un seul cercle, la planète entière.
Karl Grünberg
Secrétaire général dAcor Sos Racisme
Pétition : aux chambres fédérales, parlement fédéral, 3003 BerneContre la nouvelle loi sur les étrangers,
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