Le temps de vivre...

Georges Moustaki est mort le 23 mai dernier. Depuis des décennies, sa voix douce et tendre a accompagné les luttes de celles et ceux qui voulaient « rêver leur rêve » en déclarant l’« état de bonheur permanent ». 

Né à Alexandrie en 1934, de parents juifs italo-grecs, Giuseppe Mustacchi s’installe à Paris au début des années 1950?; il y rencontre Georges Brassens. Artiste multiforme, Moustaki hésite encore entre la peinture, art majeur par excellence pour Serge Gainsbourg, et la musique. A la fin des années 1950, l’auteur-compositeur, qui se fait désormais appeler Georges Moustaki (en hommage à Brassens) n’est pas encore interprète, mais il a déjà composé l’une de ses chansons les plus célèbres, Milord, pour Edith Piaf. L’interprète, peu à l’aise dans les grandes salles, se contente des petits cabarets de Saint-Germain. 

A partir des années 1960, il compose parmi les plus belles chansons du répertoire que compte le patrimoine de la chanson française, pour Serge Reggiani (Ma solitude, Ma liberté, Sarah, Madame Nostagie, Votre fille a vingt ans), Yves Montand (De Shangai à Bangkok) ou Barbara (La longue dame brune).

 

Sans jamais assouvir sa faim

Lui qui prétendait n’avoir pas su « se battre » sera en mai 1968 de ces artistes qui chanteront et accompagneront les luttes ouvrières et étudiantes. Sa voix paisible, dont Léo Ferré dira qu’elle murmurait ce qu’il hurlait, sera de tous les combats : avec les Grec·que·s contre la dictature des colonels, avec les Chilien·ne·s contre Pinochet, avec les Vietnamien·ne·s oubliés de tous et avec les Portugais·e·s luttant pour leur liberté. Sa chanson Portugal en 1974 sera l’hymne d’un espoir qui semblait perdu au crépuscule des années 1968 : «?A ceux qui ne croient plus/Voir s’accomplir leur idéal/Dis-leur qu’un œillet rouge a fleuri au Portugal».  

Profondément internationaliste, il se disait dans la «mouvance de gens libertaires, de gens utopistes» et prônait la révolution permanente?; «Sans la nommer» restera et pour longtemps la chanson fétiche de la IVe Internationale. Alors qu’une grande majorité de la gauche anti­libérale s’enthousiasmait pour Jean-Luc Mélanchon, Georges Moustaki soutiendra la candidature, présentée par le NPA, de Philippe Poutou, «la voix la plus douce et attendrissante» des élections présidentielles de 2012. Il se dira prêt à voter pour lui «au premier tour et même au second tour».

Dans l’une des ses dernières interviews, il dira : «?Je ne sais pas si je voyage pour chanter ou si je chante pour voyager, mais les deux sont très liés…» Et aspirera au grand âge, dans lequel il savait déceler «cette soif de liberté, présente dans l’enfance et la vieillesse». Cette liberté qu’il ne cessera jamais de chanter. 

 

Je voudrais, sans la nommer,

Vous parlez d’elle.

Bien-aimée ou mal aimée,

Elle est fidèle

Et si vous voulez

Que je vous la présente,

On l’appelle

Révolution Permanente ! 

 

Stéfanie Prezioso