Changement de majorité

Changement de majorité : Quelles conséquences pour la politique sociale?

Le canton vient de se doter de nouvelles autorités avec des majorités inversées par rapport à la législature précédente : une majorité PLR, UDC, Verts libéraux, UDC au Grand Conseil et une majorité PS au Conseil d’Etat. Quelles vont en être les conséquences sur les décisions aussi bien sociales qu’écologiques?

 

Deux gros dossiers sociaux sont en chantier depuis longtemps :

— la politique d’emploi et d’insertion professionnelle que solidaritéS a tenté de promouvoir durant les huit ans où la gauche était majoritaire au Grand Conseil

— le salaire minimum cantonal, dont le principe a été accepté en votation populaire en 2011 à la suite d’une proposition faite par solidaritéS en 2006.

 

De plus en plus de rejeté·e·s du marché du travail

C’était vrai déjà en 2005. C’est pourquoi, au moment où le Grand Conseil et le Conseil d’Etat passaient à une majorité de gauche, solidaritéS a déposé à cette date, comme convenu avec le reste de la gauche durant la campagne électorale, un projet de loi donnant droit à un emploi, une formation ou un stage rémunéré aux conditions usuelles du marché à toute personne soucieuse de sortir de l’aide sociale ou de na pas y tomber. Malgré la double majorité à gauche, ce projet n’a pas été soutenu par le Conseil d’Etat?; pour éviter un échec en commission et au parlement, les auteurs l’ont retiré, décidés à le déposer de nouveau plus tard. Chose faite en 2009 par la députée de solidaritéS et son suppléant. Ce projet, connu dès lors comme projet Ebel-Helle, précise que les entreprises et les collectivités publiques offrant des places ou des stages aux personnes visées par la loi et aux conditions nommées bénéficieront de compensations financières.

Le Conseil d’Etat et la droite n’ont cessé de dénaturer notre proposition pour l’orienter vers un fonds qui soutiendrait diverses mesures en faveur de personnes ciblées (au mieux quelques centaines) alors qu’il y a plus de 6000 demandeurs et demandeuses d’emploi inscrits à l’assurance-­chômage et plus de 10 000 personnes qui relèvent de l’aide sociale, dont de plus en plus de jeunes. Cela ne signifie pas que toute petite mesure soit inutile, que le développement d’entreprises sociales soit à rejeter, mais l’ampleur du phénomène de dés­insertion du monde du travail fait qu’on ne peut pas se contenter de bricoler des bouts de solution : il faut inscrire des droits dans la loi. C’est pourquoi solidaritéS a fait de nouvelles propositions pour amender une loi déjà existante de façon à s’approcher de notre texte initial, bloqué au sein d’une commission parlementaire. Cette nouvelle version sera discutée lors du prochain Grand Conseil, en juin. Avec un préavis défavorable de l’ancien Conseil d’Etat qui propose un nouveau renvoi en commission ! 

Huit ans de tergiversations. Huit ans durant lesquels de nombreuses personnes, femmes, hommes de tout âge auraient pu être aidées à sortir du stress propre à celles et ceux qui cherchent à s’insérer, mais échouent pour toutes sortes de raisons (âge, manque de formation).

Jean-Nathanaël Karakash, nouvellement élu conseiller d’Etat socialiste en charge de l’économie et de l’action sociale, saura-t-il se souvenir qu’en 2005 il était président du Parti socialiste neuchâtelois et qu’à ce titre il s’était engagé, au nom de son parti, à soutenir cinq propositions dont ce projet d’insertion professionnelle ? 

 

Salaire minimum cantonal à 4000 francs

Le principe du salaire minimum est inscrit dans la Constitution neuchâteloise. Pour transformer ce principe en loi, une commission regroupant le Conseil d’Etat, les partenaires sociaux (associations patronales et syndicats) et les partis représentés au Grand Conseil était à l’œuvre depuis 2012?; elle achoppait sur un dernier point, évidemment le plus sensible, le montant du salaire minimum. Pour le Conseil d’Etat, c’est Thierry Grosjean (PLR) qui dirigeait les débats. Il n’a pas été réélu et c’est Jean-Nathanaël Karakash qui devra dorénavant mener ce projet. Dans la commission, la gauche était majoritaire et n’a pas cédé sur l’exigence d’un salaire minimum de 4000 francs?; aujourd’hui, elle est minoritaire et les PLR et autres UDC vont vouloir baisser la barre. Que va faire le Conseiller d’Etat, que vont faire la gauche et les syndicats ?

Entre-temps, des études précises ont pu mettre en évidence que, dans le canton de Neuchâtel comme ailleurs en Suisse, 4000 francs est un montant proche des assurances sociales et de l’aide sociale. Au vu de ces données, nous tenons plus que jamais à 4000 francs minimum. Les travaux de la commission montrent à l’évidence que les défenseurs de ce montant ont des arguments forts, puisque c’est là une somme qui permettrait à un salarié (sans enfant) de vivre de son salaire sans avoir recours à l’aide de l’Etat, mais qu’aujourd’hui déjà une famille monoparentale (un enfant) touche un montant supérieur à 4000 francs si elle travaille (prise en compte des frais incompressibles, tels que loyer, frais de garde, assurance maladie, etc.)

Cela dit, compte tenu des nouveaux rapports de forces suite aux élections de ce printemps, ce n’est sans doute pas au parlement que se dégagera une majorité pour un salaire minimum à 4000 francs. Nous n’échapperons donc probablement pas à une nouvelle votation populaire cantonale. L’art de tourner en rond. Mais nous ne lâcherons pas.

 

Marianne Ebel