Entretien avec Christine Poupin, porte-parole du NPA

Entretien avec Christine Poupin, porte-parole du NPA : Vers une remobilisation du mouvement social en France?

Christine Poupin a participé avec d’autres camarades du NPA, mais aussi du Front de gauche, à notre Université de printemps des 3–5 mai dernier. Nous lui avons demandé de répondre à quelques questions au lendemain de la manifestation du 5 mai à Paris.

Comment expliques-tu le succès de la mobilisation du 5 mai, qui a rassemblé quelque 100000 personnes dans les rues de Paris?

 

Au delà des chiffres annoncés, cette manifestation joyeuse et déterminée a incontestablement été un succès et un fait politique très positif. Se mêlent sans doute plusieurs raisons. Mais la première, c’est le rejet de la politique d’austérité menée par le gouvernement, la colère contre Hollande, élu pour se débarrasser de Sarkozy, qui continue la même politique en pire, parce que la crise et ses effets sur les classes populaires empirent. S’ajoute le dégoût provoqué par l’affaire Cahu­zac, ministre sensé lutter contre la fraude fiscale qui s’y vautre, et par les nombreuses autres affaires financières impliquant des personnalités politiques de gauche, de droite et d’extrême droite. Enfin, il y a aussi la volonté de reprendre la rue, de ne pas la laisser aux réactionnaires et aux homophobes qui, au cours des derniers mois, se sont déchaînés contre l’égalité des droits et l’accès au mariage pour tous les couples.

 

 

Qu’est-ce que Jean-Luc Mélenchon a voulu montrer en prenant cette initiative sans l’aval des autres composantes du Front de gauche, en particulier du Parti communiste?

 

Difficile de se mettre dans la tête de Mélenchon ! Il y a toujours chez lui une dimension un peu mégalo, genre «homme providentiel», une vision de sa place comme recours et la préparation de la prochaine élection présidentielle. Il y aussi entre le PCF et le PG une course à qui prendra la main. C’est Mélenchon qui a pris l’initiative, mais c’est le PCF qui a fait le gros des ma­ni­festant·e·s. La crise politique déclenchée par l’affaire Cahuzac appelait une riposte rapide du mouvement social et de la gauche politique indépendante du gouvernement. Le NPA a immédiatement proposé une réunion unitaire pour préparer une telle riposte, mais elle a été rendue inaudible par l’initiative de Mélenchon. C’est dommage, car la forme a aussi découragé des forces militantes qui auraient pu se joindre à une initiative réellement unitaire.

 

 

Sur quelle base le NPA a-t-il appelé à participer à cette mobilisation?

 

Le NPA a fait une déclaration publique appelant aux manifestations de 1er et du 5 mai, car pour nous il n’y avait pas de séparation des tâches entre un mercredi revendicatif et social et un dimanche politique. Ces deux dates étaient plutôt l’occasion de passer deux couches d’une même peinture afin qu’elle tienne mieux !

Dans une tribune publique, Ollivier Besancenot, Philippe Poutou et moi-même avons expliqué, par rapport à l’appel unilatéral de Mélenchon à manifester le 5 mai pour une VIe République, que nous n’en partagions ni la façon de faire, ni les appels cocardiers, souverainistes, voire nationalistes, car notre drapeau est celui de l’internationalisme, mais que nous voulions contribuer au plus large rassemblement possible pour mettre en échec la politique du gouvernement.

Le NPA a donc appelé à manifester contre le gouvernement et sa politique d’austérité, contre la droite et l’extrême droite, en défendant des réponses anticapitalistes à la crise : la réduction massive du temps de travail et un plan d’embauche dans les services publics, l’interdiction des licenciements?; l’annulation de la dette illégitime et l’augmentation des salaires et retraites à 1700 € minimum?; la socialisation sous le contrôle des tra­vail­leurs·euses et de la population du système bancaire et financier?; le refus de l’intervention militaire au Mali?; une transition écologique qui sorte du nucléaire et en finisse avec les projets productivistes comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes?; la rupture avec les institutions de la Ve République et le régime présidentiel, la fin de la concentration des pouvoirs et de la professionnalisation de la politique?; des élu·e·s contrôlés et révocables, ne gagnant pas plus que le salaire moyen, la proportionnelle intégrale… Une démocratie réelle qui donne les moyens de contrôler la marche de l’économie et de l’État aux salarié·e·s, à la population.

 

 

Le PCF se revendique de la majorité PS-Verts, qu’il veut tirer vers la gauche. Mélenchon appelle à une cohabitation entre gauche gouvernementale et Front de gauche en se posant lui-même en premier-­ministrable. Comment le NPA envisage-t-il de son côté le rassemblement de la gauche anticapitaliste sur le terrain social et politique dans la période à venir?

 

Quand la gauche libérale fait le sale boulot, il est indispensable de proposer une alternative à gauche qui s’oppose pied à pied à cette gauche gouvernementale en encourageant les mobilisations, leur convergence pour changer le rapport de force. Nous sommes dans une situation assez inédite où une manifestation d’opposition « de fait » à un gouvernement de gauche est organisée à l’initiative de partis ayant porté cette gauche au pouvoir et se considérant comme partie prenante, « ayant droit » de cette majorité. Il nous faut donc partir de cette situation : être au coude à coude avec celles et ceux qui veulent dire leur mécontentement dans la rue, construire ces mobilisations et en même temps dire nos désaccords avec le Front de gauche, comme avec la direction de la CGT, sur leur stratégie de pression sur le gouvernement, dire nos critiques sur le fond, sur le nationalisme, sur le productivisme et défendre nos propres propositions et perspectives.

Dans cet esprit, nous participerons à la Marche des Femmes contre l’Austérité le 9 juin. Nous irons aussi à la réunion initiée par le PCF (sorte de réponse à l’initiative solitaire de Mélenchon pour le 5 mai) pour définir le cadre d’assises nationales contre l’austérité, le 16 juin, en espérant qu’elle débouchera sur une initiative réellement unitaire. Le NPA est aussi fortement impliqué dans d’autres cadres militants unitaires comme ceux construits pour soutenir et dépasser, dans les villes et régions, le combat mené à Notre Dame des Landes contre les grands projets inutiles et destructeurs.

 

Entretien réalisé par Jean Batou ?le 12 mai 2013