Sous-enchère salariale honteuse aux HUG: stop!

Mercredi 24 avril, le syndicat UNIA, avec l’appui du SSP, organisait un piquet de protestation devant l’entrée principale de l’Hôpital de Genève (HUG) pour dénoncer, avec les employé·e·s licenciés concernés, une scandaleuse affaire de sous-enchère salariale sur le site des HUG.

Dans le collimateur, les pratiques douteuses, en tant qu’employeur, d’une fondation de droit privé, à but non lucratif, «?Health on the Net», qui répond au doux sobriquet de HON. HON entretient des liens étroits avec l’Hôpital et avec la collectivité publique genevoise, hébergée dans les locaux des HUG à Belle-Idée. Portée sur les fonts baptismaux au siècle dernier par le Conseiller d’Etat Guy-Olivier Segond, subventionnée par le Canton de Genève (à hauteur de 80 000 francs dans le budget 2013), la fondation compte en outre parmi les membres de son comité plusieurs professeurs des HUG.

L’activité de cette fondation se déploie à l’intersection de la médecine et d’Internet, à travers l’accréditation de sites web qui fournissent des infos médicales, le développement d’applications ad hoc dans le domaine, etc. Parmi ses clients, des entités publiques diverses, dont l’Union européenne. HON emploie une vingtaine de salarié·e·s, un personnel hautement qualifié et recruté aux quatre coins de l’Europe.

 

Master en droit et 3500 francs par mois

Mais là où le bât blesse, c’est que malgré leurs diplômes et masters, le personnel employé par la fondation doit se contenter de salaires honteux, pour une bonne part en dessous de 3500 francs par mois pour un plein temps. Expatrié pour une bonne part, le personnel est le plus souvent engagé en qualité de « stagiaire », statut bidon, car lesdits « stages » ne correspondent à aucune espèce de programme de formation, mais se résument à faire un travail particulièrement sous-payé. En effet, lesdits « stages » sont rémunérés par des salaires inférieurs à 1700 francs par mois pour un plein temps, ceci en faisant miroiter, au bout du tunnel, des contrats fixes pour des salaires souvent bien inférieurs à 4000 francs par mois. Il semble en outre que nombre d’irrégularités connexes ont été commises par HON en matière de couverture sociale : non-affiliation ou affiliation partielle de personnes à la CEH (caisse de pensions du personnel des HUG), déclarations fantaisistes, etc. Ce ne serait que la moitié du personnel environ qui aurait été régulièrement affilié à la CEH.

En outre, les statuts de cette caisse de pensions exigent que les entités affiliées aient des salaires conformes à la grille salariale de l’Etat de Genève. Or pour les employé·e·s de HON, même les non-stagiaires, les niveaux de salaires n’ont aucune espèce de rapport avec ceux du Canton ou des HUG. Il s’agit d’un exemple manifeste de dumping salarial particulièrement abusif et agressif… Une sous-enchère aggravée par la pratique systématique des inégalités salariales entre salarié·e·s « importés » et suisses, même si ces derniers ne bénéficient quand même pas des salaires en usage à Genève ou dans la fonction publique genevoise.

 

 

Des licenciements abusifs et antisyndicaux

Ce qui vient aggraver cette situation inacceptable et la rendre encore plus scandaleuse, c’est que lorsqu’un certain nombre d’em­ployé·e·s de HON n’arrivant à rien par leurs seuls moyens, ont pris contact avec UNIA, se sont syndiqué·e·s et que leurs doléances ont été appuyées par ledit syndicat, sous forme d’un courrier, la réponse de l’employeur a été le licenciement immédiat de cinq employé·e·s.

Ces licenciements sont tous abusivement présentés dans les lettres de congé comme relevant de motifs économiques, alors que – sur le Net – HON se vante du fait que «?Health on the Net se porte bien » !

Ce qui rend toute cette affaire fort incongrue, comme l’a relevé UNIA, c’est que la présidente du Conseil de fondation de «?Health on the Net» n’est autre, depuis quatre ans, qu’Edith Graf-Litscher, conseillère nationale thurgovienne du PSS, qui – à la ville – est secrétaire syndicale du SEV, le syndicat des transports. Elle est également candidate à la présidence de l’Union syndicale thurgovienne et fait de la défense de salaires décents dans son canton l’un de ses chevaux de bataille. Informée de la situation, elle tombait des nues et devait recevoir, au moment où nous bouclons ce journal, une délégation des sa­la­rié·e·s licenciés pour entendre leurs doléances et revendications. Affaire à suivre donc du point de vue des li­cen­cié·e·s de HON et de celles et ceux qui travaillent encore pour cette entreprise.

 

Une gangrène à éradiquer aux HUG

Mais affaire à suivre aussi du point de vue des HUG et par le SSP en particulier, puisqu’il y a lieu de vérifier de manière systématique que la gangrène de la sous-enchère salariale est éradiquée aux HUG, qu’elle soit présente sous forme d’implantation d’entités « externes » comme HON, de privatisation rampante ou de sous-traitance de telle ou telle activité.

De ce point de vue, le piquet syndical UNIA-SSP et la lutte pour leurs droits engagée par les sa­la­rié·e·s de HON ont été un signal plus que bienvenu. Par contre, la réaction hypocrite du directeur des HUG, Bernard Gruson, prétendant que les HUG n’auraient «rien à voir avec cette histoire» parce qu’ils ne feraient «que» louer des locaux à HON, est parfaitement inacceptable. L’hôpital n’a en effet pas vocation à accueillir des exploiteurs ! Inacceptable aussi la menace brandie par ledit Gruson de sanctions envers un délégué syndical du SSP employé à l’hôpital, David Andenmatten, coprésident du SSP Genève, qui a eu pour seul tort de s’engager en solidarité avec ses collègues et de distribuer devant l’Hôpital un tract syndical qui a eu le malheur de déplaire au directeur. 

 

Pierre Vanek