Défense des droits syndicaux en Tunisie

Défense des droits syndicaux en Tunisie : La Sotubi doit réintégrer Zied Nalufy!

Zied Nalufy. C’est le nom d’un syndicaliste tunisien, retenez-le bien, on en reparlera ! Salarié de l’industrie alimentaire, militant, dirigeant des salarié·e·s dans son entreprise… il a été licencié avec effet immédiat en été 2012 au mépris de toutes les normes internationales en matière de droits humains et de droit du travail.

Sa seule « faute » en effet a été son activité syndicale au service de ses collègues, de leurs revendications et de leur mobilisation, dont il était selon les termes de l’un d’eux une véritable « locomotive ». La campagne pour sa réintégration a une valeur symbolique qui dépasse son cas personnel, et qui doit se développer, notamment en Suisse. solidaritéS entend s’y engager sérieusement dans le cadre de notre soutien à la révolution tunisienne, qui exige le respect plein et entier des droits sociaux et notamment des libertés syndicales.

Zied Nalufy, la délégation de solidaritéS l’a rencontré à Tunis, dans les locaux de l’UGTT, avec des collègues et responsables de son syndicat, en même temps que d’autres syndicalistes européens, dont – en particulier – une délégation de nos camarades d’UNIA-Genève.

 

Mabrouk s’en va-t-en guerre

Comme Zied Nalufy nous l’a expliqué, après la révolution s’est ouverte pour les sa­la­rié·e·s de la Société tunisienne de biscuits (Sotubi) où il travaillait une « période de rêve ». Ils·Elles ont pu s’organiser et arracher un certain nombre de concessions de leur employeur.

Et on imagine sans peine que l’actionnaire majoritaire de la Sotubi, le puissant groupe Mabrouk, actif dans la grande distribution, le secteur bancaire, les concessions automobiles et les télécoms, qui est aux mains de trois frère dont l’un était beau-fils du dictateur déchu Ben Ali, ait eu des raisons de faire (un peu) le dos rond après la révolution.

Mais, forts de leurs bonnes relations avec le nouveau gouvernement islamiste, dont les principes néolibéraux sont solides, les Mabrouk ont apparemment décidé de « remettre les pendules à l’heure » par une épreuve de force avec les tra­vail­leurs·euses de la Sotubi et leur syndicat.

Cette bataille ils l’ont engagée avec la bénédiction de l’autre actionnaire (minoritaire à 49 %) de la Sotubi, la société transnationale Mondelez, créée en 2012 lorsque l’ancien Kraft Foods s’est séparé de sa branche de snacks.

 

Mondelez-Kraft complice

Mondelez est le groupe qui fabrique en Suisse… notre chocolat Toblerone « national ». La société dit d’elle-même, sur son site, qu’elle veut : « Offrir des moments délicieux de bonheur aux consommateurs, à nos employés et aux communautés du monde entier.?» Pourtant, la société n’apporte aucun bonheur à ses employé·e·s de l’usine de Tunis de la Sotubi, qui fabrique nombre de produits Mondelez comme les TUC, ainsi que les biscuits Saida.

En effet, l’usine en question, où travaillait Zied Nalufy, emploie 1600 salarié·e·s, dont une écrasante majorité de 80 % sont des femmes. Or durant l’été 2012, lorsque les négociations en vue d’un accord collectif entre la Sotubi et le syndicat FGAT-UGTT se sont trouvées dans l’impasse, l’entreprise a accru la pression sur les négociateurs syndicaux.

Ainsi, lorsqu’un représentant syndical a été suspendu pendant trois jours, le syndicat local a organisé une réunion de ses membres. C’est suite à celle-ci que Zied Nalufy, le secrétaire général du syndicat, a fait l’objet de mesures disciplinaires et a été licencié sans autre forme de procès le 10 juillet. Un cas flagrant de répression anti­syndicale inacceptable !

Le renvoi du secrétaire général du syndicat a été suivi de la suspension, le 13 août, du secrétaire général adjoint Karim Amdoumi et, suite à d’énormes pressions de  la direction, les autres dirigeants syndicaux ont été amenés à démissionner du conseil syndical de l’entreprise…

 

En grève pour leurs droits

La lutte contre cette répression antisyndicale a passé par trois jours de grève dans l’usine, représentant un lourd sacrifice et des risques importants pour les travailleurs·euses qui se sont engagés dans cette épreuve de force. Or si la réintégration du secrétaire général adjoint du syndicat a été obtenue, Zied Nalufy quant à lui n’a toujours pas été réintégré et la direction refuse d’engager de vraies négociations.

Pendant ce temps, la transnationale Mondelez joue les Ponce Pilate et prétend n’avoir « aucune responsabilité »… du fait de sa participation minoritaire à la Sotubi et oppose une fin de non-­recevoir, assorties de dérobades et de mensonges, aux protestations du mouvement syndical international à travers l’Union Internationale des Travailleurs de l’Alimentation (UITA) qui met en cause le groupe pour sa politique antisyndicale et contraire aux normes internationales à la Sotubi en Tunisie, mais aussi en Egypte dans leur usine Cadbury à Alexandrie.

 

Que faire ?

Nous sommes sortis de la discussion avec nos camarades et collègues tunisiens avec une ferme résolution de contribuer à la lutte pour la réintégration de Zied Nalufy. Chacun·e de nos lecteurs·trices peut, pour commencer et de suite, se rendre sur le site de campagne screamdelez.org et via celui-ci adresser un message aux dirigeants de Mondelez pour protester contre ces violations des droits des tra­vail­leurs·euses, on peut aussi faire parvenir par ce biais des messages de soutien aux dits tra­vail­leurs·euses.

Mais cela ne suffira pas, charge à nous, de profiter de notre présence à Genève – quartier général de l’OIT notamment – pour alimenter la campagne internationale, tout en développant une mobilisation en Suisse. On pourrait aussi – pourquoi pas – pour faire entendre raison à Mondelez, faire le lien entre sa politique antisyndicale et l’un des produits phares du groupe : « notre » Toblerone helvétique. A suivre donc…

 

Pierre Vanek