Vous avez dit «islamophobie»? un débat nécessaire

Dans notre dernier numéro nous avons publié une lettre de Rina Nissim et de Jacqueline Heinen, qui réagissait à la publication d’un article de Zahra Ali sur les « Féminismes islamiques » (cahier émancipationS, nº 220).

Le chapeau introduisant ce courrier signalait les réserves de notre rédaction quant à son contenu. Ce faisant, nous avons imputé à ses auteures le «rejet de l’existence même de l’islamophobie comme forme importante de racisme…».

C’était un peu rapide. En effet, la lettre en question évoquait bien «le racisme à l’endroit des musulmans», même si elle se distanciait fortement de l’utilisation du concept d’« islamophobie ». Pour ses auteures, l’«invention»de ce terme «vient des islamistes radicaux» et s’inscrit dans leur effort de construction identitaire. Notre propos méritait donc d’être précisé. En effet, pour nous, la notion d’islamophobie, qui a été utilisée depuis le début du siècle par plusieurs auteurs français, et pour la première fois, en anglais, semble-t-il, par Edward Saïd (qui n’a rien d’un « islamiste radical »), caractérise une forme de racisme très moderne, qui désigne les musulmans comme porteurs d’une culture intrinsèquement barbare. Notre mouvement utilise depuis des années le terme d’islamophobie et estime indispensable la dénonciation spécifique de la réalité du racisme anti­musulmans qu’il recouvre, ainsi que le combat contre celui-ci. Si nos critiques proposent simplement de remplacer le terme d’« islamophobie » par celui de « musulmanophobie », nous n’y voyons aucun inconvénient. Mais cette querelle sémantique dissimule sans doute d’autres désaccords.

SP