La grève de la providence, une lutte riche en expérience!

Samedi 26 janvier, un millier de manifestant·e·s sont descendus à Neuchâtel de la gare au centre-ville pour clamer leur soutien aux grévistes. Tonus remarquable, émotion palpable, la manifestation, ouverte par les grévistes, était marquée par une forte présence des syndicats organisateurs, SSP et Syna, des syndicats solidaires (à noter une délégation d’EP Systems qui sortent d’une grève) et de la gauche de la gauche. Les socialistes, pourtant présents dans le comité de soutien, se sont montrés discrets, pour ne pas dire absents. 

ette grève, remarquable à plus d’un titre (sa durée, sa capacité à résister aux pressions, son organisation, etc.) démontre que la capacité de mobilisation du monde du travail est aussi une réalité en Suisse. L’unité syndicale entre Syna et le SSP, qui fournissent un gros effort pour assurer le soutien des grévistes, joue un grand rôle dans cette grève. Avec la durée – plus de 70 jours – les grévistes, femmes et hommes, ont accumulé de l’expérience, des personnalités remarquables se sont affirmées dans ce conflit. La grève à La Providence atteste une nouvelle fois qu’il n’y a pas meilleure école d’éducation syndicale que l’expérience pratique de la lutte. Nous publions ci-dessous, pour mémoire, trois extraits des prises de parole des grévistes, dont le mouvement ouvrier dans son ensemble pourra s’enrichir. HVu

 

 

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Je m’appelle Sarah…

…et cela fait plus de 17 ans que je travaille à l’Hôpital de la Providence. J’étais encore gamine lorsque j’ai commencé à travailler dans cet établissement… Pas une seule seconde je n’aurais pensé me mettre en grève, oser m’élever contre mon employeur et essayer de faire entendre raison au Conseil d’Etat. Si je le fais, si tous ensemble nous le faisons, ce n’est certainement pas par plaisir, mais bien pour arriver au bout de ce que nous réclamons depuis maintenant deux mois : maintien de la CCT21, maintien de tous les postes de travail et refus d’externalisation.

[…]Il y a autre chose que nous craignons de voir arriver, et cela s’appelle la médecine à deux vitesses. Nous aimerions que tous, pauvres, riches, jeunes, vieux, aient droit, parce que je pense que c’est un droit, à la même attention et à la même qualité de soins.

 

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Message de Catherine

 

En permettant à notre direction et à son possible repreneur de dénoncer de façon unilatérale la convention collective qui protège son personnel et lui donne des conditions de travail et de salaire tout à fait dans la moyenne suisse, le Conseil d’Etat neuchâtelois refuse d’appliquer son propre arrêté, nie la volonté de ses citoyens qui, par la voix des députés du Grand Conseil et de sa motion, lui enjoignent d’empêcher qu’un groupe privé coté en bourse et cherchant uniquement à remplir les poches de ses actionnaires puisse introduire le dumping salarial dans ce canton. Il prétend recevoir l’argent public et les missions hospitalières sans en respecter en contrepartie les règles, c’est-à-dire l’application de la CCT 21, introduite dans ce canton il y a moins de 10 ans et dont bénéficient les 4800 autres membres du personnel hospitalier neuchâtelois.

Nos élus nous traitent avec mépris (ils nous informent après la presse) et avec cynisme (assurant s’inquiéter de nos emplois et des patients), alors que leurs actions amèneront assurément une baisse de la qualité des soins pour la population neuchâteloise.

Nous nous interrogeons sur les dessous financiers et les promesses politiques cachées qui poussent notre direction à mener une campagne de presse accusatrice, menaçante et diffamatoire à l’égard des grévistes et, de cette manière, à faire régner la peur parmi nos collègues non grévistes et qui pourtant nous soutiennent dans notre lutte pour le maintien de la CCT et le respect de la loi.

Nous nous battons, non seulement pour nos conditions de travail, mais aussi pour notre dignité et pour le bien de tous les Neuchâtelois qui, un jour, potentiellement, pourraient être amenés à devenir patients dans nos hôpitaux.

 

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ÊTRE GRÉVISTE, C’EST 

 

• avoir des compétences humaines, relationnelles et professionnelles qui nous permettent de nous forger une opinion et un sens critique, 

• se décider, après refus des négociations et échec de la conciliation par l’employeur, à défendre les convictions auxquelles nous croyons, et cela malgré le temps hivernal !

• faire preuve de courage et surmonter nos peurs comme disait Nelson Mandela : «Le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre.»

• être témoin de la mauvaise foi ambiante qui nous donne l’intime conviction d’avoir mis le pied dans une fourmilière embarrassante ! 

• avoir la certitude que notre lutte et nos revendications sont justes et légitimes étant donné que notre mouvement dérange autant le politique que notre employeur.

• être toujours prêts à nous relever même si des autorités abusives délogent à deux reprises notre piquet de grève !

• avoir acquis, au fil des rencontres politiques, des actions menées, des articles lus, une connaissance fine sur les tenants et aboutissants de ce dossier.

• apprendre a faire des compromis et prendre des décisions en toute collégialité entre grévistes, les syndicats ne faisant que nous soutenir dans nos décisions et actions.

• découvrir une belle solidarité entre nous, personnel de tout bord au chevet de TOUS les malades : assistante en soins, secrétaire, assistante sociale, physio, infirmière, personnel hôtelier ou encore de l’hygiène hospitalière !

 

Christelle infirmière gréviste