Europe

Europe : La stabilisation sur les marchés financiers se renforce

Dans mon dernier article sur la crise dans la zone euro, je parlais d’une amorce d’accalmie sur les marchés financiers et d’une stabilisation de la situation politique. Cette amorce est devenue, un mois et demi plus tard, une tendance nette.

Regardons d’abord le premier paramètre de la situation, à savoir la situation sur les marchés financiers. Une série d’éléments viennent accréditer l’analyse d’un retour au calme. 

D’abord, la crise bancaire en Europe semble en voie de résolution. Depuis le début de la crise des dettes souveraines, les banques dans les pays du sud de l’Europe voyaient progressivement leurs dépôts diminuer. Comme le doute planait sur la solvabilité des Etats du Sud, le doute s’est aussi porté sur la santé des banques domestiques, principales détentrices de la dette publique dans ces pays. Les épargnants retiraient leur argent des banques, craignant d’éventuelles faillites bancaires qui auraient décimé leurs économies. Une partie de cet argent a trouvé refuge sous les matelas, une autre a migré vers les pays du Nord. Mais depuis le mois de septembre et les annonces de la BCE, cette situation s’est renversée. Même en Grèce, l’argent retiré commence à revenir dans les banques. Autre signe d’un retour de la confiance, les banques européennes peuvent à nouveau emprunter à des taux convenables sur les marchés monétaires, signe que les investisseurs financiers ne craignent plus de perdre l’argent prêté.

Le retour de la confiance dans les banques européennes va de pair avec un retour de la confiance dans les Etats du sud de l’Europe. Les taux auxquels empruntent les Etats espagnol et italien ont fortement chuté, et l’Irlande et le Portugal ont pu à nouveau, pour la première fois depuis leur recours aux plans de sauvetages, emprunter sur les marchés. Même les taux sur la dette publique grecque ont fortement diminué, tout en se situant toujours à des niveaux prohibitifs.

L’espoir des dirigeants européens – le gouvernement français l’évoque ouvertement depuis quelques mois d’ailleurs – est que cette stabilisation restaurera la confiance des capitalistes et permettra de faire repartir l’investissement et le crédit pour financer une reprise de l’activité économique. Le premier volet de cet espoir se confirme. L’indicateur de confiance des dirigeants d’entreprises de la Commission européenne s’est significativement amélioré depuis le mois de novembre, et cela augure d’une reprise dans les services et le bâtiment. Et les économistes s’accordent pour prévoir une reprise de l’activité à la deuxième moitié de 2013. D’ici là, cependant, il y a encore des mois de morosité et pour certains pays comme la France – où les entreprises mènent une grande purge de leurs effectifs depuis les élections – d’augmentation du chômage.

 

La crise politique se tasse aussi

Les projecteurs s’étaient braqués sur la France ces derniers mois, avec toute une série de gens expliquant qu’elle était devenue le nouvel « homme malade » de l’Europe en raison de l’incapacité de ses gouvernements à imposer des réformes. Le gouvernement et François Hollande étaient de plus en plus fragilisés, jusqu’au début janvier, lorsque la CFDT a volé à son secours. Cette centrale syndicale et le Medef, la principale organisation patronale française, ont concocté un accord qui réforme le marché du travail dans le sens de la facilitation des licenciements et de l’ajustement des salaires en fonction des besoins des entreprises. Le gouvernement a tiré profit de cet accord, puisqu’il valide l’approche prônée par Hollande par opposition à Sarkozy : il faut impliquer les bureaucraties syndicales dans les réformes et leur faire endosser une partie de la responsabilité pour y parvenir sans provoquer des mouvements de masse comme celui du printemps 2010 contre la réforme des retraites. Même le gouvernement allemand a exprimé publiquement sa satisfaction et sa confiance dans le zèle réformateur du nouveau président social-démocrate.

Entretemps, en Grèce, la coalition gouvernementale voit sa position confortée. La Nouvelle Démocratie est repassée devant Syriza dans les sondages et dit à qui veut l’entendre que le bout du tunnel est tout près. Le gouvernement s’est même senti suffisamment fort pour réprimer une grève dans le métro athénien qui durait depuis huit jours en réquisitionnant les grévistes et en les menaçant de licenciements. 

 

Une fenêtre d’opportunité perdue pour les travailleurs européens?

Si ces tendances continuent, voire se renforcent durant les mois suivants, elles risquent bien de confirmer qu’une fenêtre d’opportunité se referme pour le mouvement ouvrier européen. Le 14 novembre dernier, avec la journée d’action européenne, nous avons entrevu ce à quoi aurait pu ressembler une réelle stratégie audacieuse de la part des dirigeants syndicaux européens.

Mais seulement entrevu. Car le bilan de ces deux dernières années devra bien être que la solidarité ouvrière par delà les frontières nationales ne l’a pas emporté sur les stratégies timides et circonscrites dans les cadres nationaux. Les syndicats allemands portent ici la principale responsabilité. Alors qu’ils s’apprêtent à récolter des hausses de salaire importantes en cette année d’élections fédérales en Allemagne, on a du mal à ne pas penser que ces hausses seront une sorte de récompense du gouvernement d’Angela Merkel pour la sagesse dont ils ont fait preuve durant ces années de crise et d’austérité imposée aux travailleurs du sud de l’Europe. Autrefois, il y a eu des brigades internationales pour aider les travailleurs espagnols en pleine guerre civile. Certes, nous sommes loin d’une telle situation. Mais la violence qui s’abat toujours sur les peuples grec, espagnol et autres est bien réelle. Il faut donc poser la question aux dirigeants des syndicats des pays du nord de l’Europe (et ceci vaut aussi pour la Suisse) : n’avez-vous pas laissé vos camarades se battre tous seuls pendant tout ce temps ? 

 

Christakis Georgiou