Shops des stations-services

Shops des stations-services : Haro sur le personnel de vente!

En décembre, les Chambres fédérales votaient une nouvelle modification de la Loi sur le travail autorisant les employeurs de stations-services se situant sur des axes routiers fortement fréquentés par les voyageurs à employer du personnel de vente non seulement 7 jours sur 7 mais aussi 24 heures sur 24.

Si le projet, proposé à l’origine par le Conseiller national PLR genevois Christian Lüscher, peut paraître très limité et circonscrit (ce ne sont pas tous le shops qui pourront ouvrir), c’est aussi qu’il n’est que le premier étage de la « fusée à libéralisation » qui se prépare au Parlement fédéral.

Derrière l’initiative Lüscher, désormais adoptée par le Parlement mais combattue ces jours par référendum par les syndicats, attendent en effet en embuscade une série d’autres projets, plus ambitieux et plus perfides.

 

Solidarité : dix vote sur onze gagnés

En clair, la droite bourgeoise, aux ordres des grands détaillants, entame une vaste offensive au plan fédéral après avoir perdu ces dernières années dix votations cantonales sur onze en matière d’extension des heures d’ouverture des commerces.

Devant le vaste rejet populaire, en grande part motivé par une solidarité vis-à-vis du personnel de vente, contre une dégradation des conditions de travail de travailleurs-euses déjà malmenés, les grands détaillants ont choisi de passer en force autrement, au niveau fédéral.

L’initiative parlementaire Lüscher sur les shops constitue la première étape de l’offensive. Elle représente la volonté d’enfoncer un premier coin, fût-il très limité. L’essentiel étant la percée idéologique de la libéralisation ainsi obtenue. C’est la tactique du salami, avancer par étapes avec un projet morcelé. Les tenants du projet d’ensemble espèrent pouvoir renouer ainsi pour leur première étape avec le très court succès qu’ils ont obtenu sur la libéralisation du dimanche dans les gares et aéroports il y a quelques années.

Une fois cette étape franchie, ils auront tout loisir d’avancer sur deux autres projets parlementaires: la motion Lombardi et la motion Abate, du nom des deux élus fédéraux les ayant déposées.

 

Projets Lombardi et Abate : ambitieux et perfide

Si le projet de Lüscher consiste à grignoter le droit du travail par petits bouts (en faisant entrer dans le débat la possibilité de travailler de manière toujours plus flexible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24), la motion Lombardi est bien plus ambitieuse et perfide. Intégrant les nombreuses défaites lors des référendums cantonaux, le projet prévoit de contourner ces volontés démocratiques en obligeant les cantons, au travers d’une loi fédérale, à revoir leurs législations en matière d’heures d’ouverture des commerces pour les contraindre à garantir des ouvertures au moins jusqu’à 20 h en semaine et 19 h les samedis.

Toujours dans la veine antidémocratique, craignant un rejet populaire, le parlementaire Abate a, quant à lui, déposé une autre motion, plus redoutable encore que celle de Lombardi. En effet, cette dernière restera soumise à la possibilité pour les syndicats de lancer un référendum national. Avec la motion Abate, il n’est plus question de changer la Loi sur le travail mais d’en réécrire l’ordonnance d’application (qui est de la compétence du Conseil fédéral et non soumise à référendum). Le parlementaire suggère ainsi de modifier dans l’ordonnance la définition des zones touristiques (où sont autorisées le travail dominical dans le commerce de détail) en y incluant tous les grands centres urbains.

Après avoir vu autoriser il y a quelques années l’emploi du personnel de vente jusqu’à 4 dimanches par année, on est donc à présent devant un projet de libéralisation complète du travail du dimanche dans les villes. Le tout peut-être sans aucune possibilité de s’y opposer par référendum dans un parfait contournement des droits démocratiques.

 

Un référendum à ne pas manquer

Les syndicats qui ont lancé ces dernières semaines un référendum contre la libéralisation du travail de nuit dans les shops des stations-service ont compris les enjeux autour de ce projet. Ils tablent essentiellement sur un rejet du projet lors de la prochaine votation populaire pour empêcher les projets de Lombardi et Abate de voir le jour.

Or, si une victoire référendaire aura certes un effet, il serait naïf de croire que les grands détaillants lâcheront leur os si facilement en cas de défaite en votation populaire. L’histoire des dernières années le montre: jamais les syndicats n’ont autant gagné de référendums, mais jamais les attaques contre les droits des salarié-e-s en général et du personnel de vente en particulier n’ont été si nombreuses.

 

Mais une stratégie d’ensemble à élaborer

Il est donc grand temps de songer à une contre-offensive syndicale en matière de conditions de travail pour le personnel de vente. Pourquoi ne pas mener une réflexion autour d’un moratoire sur les heures d’ouverture des magasins, parallèlement à une offensive sur les conditions de travail du personnel de vente ?

Car, finalement, ce qui importe dans ces votations, ce ne sont ni les intérêts fictifs des client-e-s, ni les pertes liées au cours de change de l’euro (argument principal de Lombardi et Abate), mais bien les conditions de travail du personnel de vente. Qui voudrait obliger un vendeur à travailler de nuit pour un salaire de moins de 4000 francs par mois ? Qui voudrait placer une vendeuse seule dans une station-service toute la nuit alors que depuis le début de l’année il y a déjà eu trois braquages de stations-services pour le seul canton de Genève ?

 

Joël Varone