Après la mise en faillite de la Supra assurances

Dans la « Tribune de Genève » du 15 novembre, Daniel Audétat écrit que « à l’échelle suisse, la Supra a été au cœur de la dégénérescence d’un système qui, au fil d’un demi-siècle, est passé de la solidarité la plus stricte entre les générations à la destructrice sélection des bons et mauvais risques ». Ce n’est pas si mal vu. Reste à savoir ce que deviendront les « mauvais risques » au sortir de cette faillite.

 

Lorsque l’Autorité de surveillance des marchés financiers, la FINMA, a mis en faillite Supra Assurances SA, qui gère les assurances complémentaires du groupe, elle a sanctionné une caisse qui avait déjà frisé le code en 2002, sous la présidence de l’ancienne conseillère aux Etats radicale Christiane Langenberger. Pourtant, la mutuelle au logo représentant une ruche d’abeilles avait longtemps occupé la première place dans le canton de Vaud. Elle s’appelait alors la Société vaudoise et romande de secours mutuel et arborait fièrement sa date de naissance, 1846.

Un autre personnage politique, l’ancien conseiller d’Etat libéral-radical Charles-André Rochat, a joué – et continue de jouer – un rôle dans cette assurance. Il expliquait en 2010 que, comme ancien responsable de la santé publique vaudoise, «il faut savoir oublier la fonction d’hier pour assumer les responsabilités entrepreneuriales qui sont miennes aujourd’hui». (24 Heures, 2.9.10). La question qui se pose aujourd’hui est évidemment de savoir si le fait d’avoir occupé une charge gouvernementale ne confère pas du même coup un certificat de bonne conduite à l’entreprise en question, en plus de l’apport d’un intéressant carnet d’adresses.

 

A quoi sert SUPRA-1846 SA?

La gestion d’une caisse-maladie suppose une certaine capacité d’anticipation. Elle semble avoir été mise en œuvre lorsque le 27 juillet 2012 (quelle coïncidence !), la société SUPRA-1846 SA est inscrite au registre du commerce. Une inscription qui mentionne : «Reprises de bien envisagées: divers actifs et passifs, notamment des immeubles et des portefeuilles d’assurances de la fondation Supra caisse-maladie». Seraient-ce là les prémisses de ce que le populaire appelle « déménager à la cloche de bois », en faisant passer ses meubles par la fenêtre ? La présence de l’impérissable Charles-Louis Rochat dans le conseil d’administration de SUPRA-1846 SA ouvre la porte à bien des supputations.

 

Sale temps pour les «personnes à risques»

Le portefeuille de la Supra Assurances SA comptait 70 000 personnes assurées de manière complémentaire dans cette caisse. La reprise par Assura de leur assurance n’ira pas sans mal pour une partie d’entre elles qui bénéficient encore d’un système basé sur l’âge d’entrée?; le passage dans une nouvelle caisse au régime du système de l’âge réel impliquera une forte augmentation des primes?; trouver une autre caisse en conservant le même niveau des primes sera impossible aux personnes âgées ou en mauvaise santé, qui seront donc lésées. C’est ce que Charles-Louis Rochat appelle sans aucun doute «savoir oublier la fonction d’hier»

Au-delà de ce cas scandaleux, la faillite de la caisse Supra Assurances, qui succède au désastre EGK, pose la question de l’opacité de la gestion des caisses-maladie et des nombreuses possibilités de dissimulation que leur offre le mélange des genres entre assurances obligatoire et complémentaires.

On attend donc, sans illusions, mais avec intérêt, les réponses que le Conseil d’Etat fournira aux interrogations ci-dessus, soulevées par notre camarade Jean-Michel Dolivo dans une interpellation au Grand Conseil du 20 novembre.

 

Daniel Süri