Conférence de Doha

Conférence de Doha : Le plus grand pollueur du monde préside le sommet sur le climat

Nous publions ci-dessous quelques extraits d’une analyse fouillée de la situation en matière de politique climatique réalisée par Daniel Tanuro et que l’on trouvera dans son entier sur lcr-lagauche.be. Après avoir rappelé comment, de conférence internationale en conférence internationale, la dégradation du climat s’est poursuivie, Daniel Tanuro en vient à Doha et à ses « pétrocheiks ».

 

Il va sans dire que la conférence de Doha n’apportera aucun changement de cap à cette politique désastreuse. Le lieu même de son déroulement est emblématique. Assis sur ses réserves d’hydrocarbures et de pétrodollars, le Qatar a le triste privilège d’être le pays du monde qui émet le plus de gaz à effet de serre par habitant. Le régime est un des plus rétrogrades de la région : aux dernières élections municipales, en 2011, une seule femme a pu conquérir un siège de conseillère municipale. Les droits humains sont piétinés et le pays, bien qu’ayant aboli l’esclavage en 1952, applique une loi scélérate dite de « parrainage » qui stipule que les travailleurs étrangers peuvent entrer, séjourner et travailler dans l’émirat, mais ne peuvent pas le quitter sans autorisation de leur « parrain ». Considéré comme le 51e état des USA, le Qatar soutient toutes les dictatures de la région : c’est par son entremise que Washington et Tel-Aviv tentent de saboter les révolutions arabes, il appuie sans compter les nouveaux régimes obscurantistes islamistes (il vient de livrer un important matériel de répression au ministère tunisien de l’Intérieur) et il est soupçonné d’avoir trempé dans le financement de projets de colonisation israéliens à Jérusalem-Est. Ajoutons que les émirs ne sont pas plus respectueux de la nature que des êtres humains : braconniers sans scrupules et de père en fils, ils se rendent régulièrement en Afrique du Nord pour chasser l’outarde et la gazelle de Thomson, deux espèces protégées qu’ils massacrent impunément, malgré les cris de rage des associations tunisiennes et algériennes de défense de l’environnement. Voilà les personnages qui président les débats de la 18e conférence des Nations Unies sur le climat… Croire que celle-ci pourrait tracer un chemin permettant à l’humanité d’éviter la catastrophe relève plus que jamais de l’illusion.

 

La catastrophe est en marche

Vingt ans après l’adoption de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’incurie capitaliste déroule ses effets sous nos yeux : le réchauffement de la planète continue de s’accélérer, au point qu’on risque vraiment un emballement irréversible. Depuis le début du 21e siècle, les émissions de gaz à effet de serre augmentent de 3 à 4 % par an, contre 2 % environ dans les années 90. Cet accroissement s’explique notamment par l’explosion des transports et l’usage accru du charbon dans l’atelier chinois du monde, mais aussi en Inde, aux Etats-Unis et en Australie. Il est donc directement lié à la mondialisation néolibérale. Du coup, les phénomènes météorologiques extrêmes (pluies violentes, sécheresses anormales, canicules ou vagues de froid sévères, tempêtes, cyclones…) se multiplient et gagnent en intensité. La fonte estivale de la glace de mer arctique a atteint un record absolu en 2012, au point que la banquise pourrait disparaître totalement dans un avenir rapproché. Surtout, on note une accélération inquiétante de la dislocation des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique Ouest – un phénomène qui fait courir à l’humanité le risque majeur d’une hausse du niveau des mers de deux mètres ou plus d’ici la fin du siècle. […]

Chaque fois que s’ouvre une conférence onusienne sur le climat, les médias nous répètent le même refrain : les gouvernements cherchent un accord pour que la hausse de température ne dépasse pas 2°C par rapport à la période préindustrielle. En vérité, il est plus que probable que ce but soit désormais hors d’atteinte. Si l’Union européenne a fait mieux que l’objectif rikiki assigné par Kyoto, c’est en grande partie grâce à la récession économique, à l’importation d’agrocarburants, à l’achat massif de crédits de carbone (souvent bidon) et à la délocalisation de la production en Chine. Les Etats-Unis, on le sait, n’ont jamais ratifié Kyoto et leurs émissions actuelles dépassent de plus de 30 % le niveau de 1990. Le Canada s’est retiré du Protocole et le Japon, ainsi que la Russie, n’en veulent plus. Pourtant, le texte adopté dans l’ex-capitale impériale n’imposait que des objectifs dérisoires, insignifiants au regard de ce qui est nécessaire pour sauver le climat. Par conséquent, il est tout simplement impensable que l’économie capitaliste mondiale, basée sur la croissance, la concurrence et le profit parvienne à mettre en œuvre les réductions drastiques qu’évoquait […] la feuille de route de Bali. Il suffit de jeter un œil sur les tendances de la politique capitaliste pour s’en convaincre : les sources renouvelables restent globalement marginales, leur développement ne couvre qu’une partie de l’accroissement de la demande; le gros des besoins reste assuré par les fossiles, avec un recours croissant au charbon, une ruée sur les ressources pétrolières de l’Arctique, l’exploitation délirante des sables bitumineux de l’Alberta, sans compter celle des gaz de schiste, nouveau joker des multinationales de l’énergie. L’impasse capitaliste est totale.

 

Daniel Tanuro

Coupures et adaptation de la rédaction.