La grande blanchisseuse Clearstream

La grande blanchisseuse Clearstream


Devant un public mélangé venu en grand nombre, la conférence-débat du 25 avril avec Denis Robert, organisée par le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM) et la CUAE aura tenu toutes ses promesses. Il faut dire que le sujet était de taille: «Clearstream, boîte noire de la finance mondiale».



Ce nom qui est pour le commun des mortels totalement inconnu, assimilé certaines fois à un produit de nettoyage (!), est en réalité l’une des deux plus grosses sociétés de clearing1 au niveau international qui voit passer chaque année dans son système 5000000000000 (cinq mille milliards) euros.

La banque des banques


Nous voici arrivés dans «l’arrière cuisine du village financier». Cette visite guidée nous donne froid dans le dos. Créé dans les années septante pour et par des banquiers (les plus grandes banques du monde siègent dans son conseil d’administration), cet outil va, petit à petit, en partie déraper. Deux hommes, suite à une longue enquête, sont à la base de ces «Révélation$»2 : Denis Robert (écrivain et ex-journaliste à Libération, à la base de l’appel de Genève3) et Ernest Backes (ex-N°3 de Clearstream, licencié en 1983 et co-fondateur du système informatique avec M. Soisson, ex-N°2 de l’entreprise, décédé dans des conditions mystérieuses à la même période). Selon eux, le système informatique mis en place permettrait de dissimuler des transactions qui veulent rester secrètes ou carrément illicites («La plus grande lessiveuse d’argent sale» selon un ancien vice-président de la firme et responsable de l’informatique). En effet, il existe des comptes non-publiés à l’intérieur de cette «banque des banques» utilisés par ces «criminels en col blanc» à des fins de blanchiment. Parallèlement, il convient de dire que tous les flux sont tracés, donc retraçables! Un juge qui mettrait son nez dans les archives aurait, avec quelques conseils d’experts, la possibilité de remonter bon nombre d’affaires…



Cependant, la justice luxembourgeoise, seule habilitée à mener une enquête, n’affiche guère la volonté de faire toute la lumière sur cette affaire et tenterait même d’étouffer celle-ci, bien que les thèses de Denis Robert et d’Ernest Backes aient été complètement accréditées par une mission d’information parlementaire française et que les preuves (microfilms et listes de comptes non-publiés) soient disponibles… Rappelons enfin le renvoi d’André Lussi, PDG de Clearstream et de sept cadres, peu après la sortie du livre Révélation$. Ces faits nous laissent donc penser que quelque chose d’anormal se cache là-derrière.

Le silence est d’or


Mais ce qui frappe peut-être le plus dans cette affaire reste peut-être la presse. En effet, il est facile de comprendre que les bénéficiaires de ce système ne souhaitent pas s’exprimer sur la question. Mais que la presse n’en parle pas plus est pour le moins intrigant et inquiétant. Bref retour en arrière… Avant la sortie du livre, Le Monde avait convenu avec l’auteur de publier trois doubles pages en avant-première. Or, les jours précédents la sortie du livre, le quotidien se rétracte subitement et va même jusqu’à fustiger le livre durant les quatre jours qui suivent sa parution. Il faudra attendre deux mois pour que Le Monde publie enfin une tribune signée par des magistrats européens, dont M.Bertossa pour le réhabiliter. Malheureusement, le mal est fait!



En réponse à toute cette désinformation, Denis Robert publie, en février 2002, «La Boîte Noire»4 qui relate les suites de cette affaire, un an après la parution de Révélation$. (Rappelons que Révélation$ a été retiré de la vente en Suisse, sans aucune décision judiciaire, suite aux pressions d’une banque russe sur les distributeurs helvétiques.

Big Brother


A la lecture de ses livres et à discuter avec Denis Robert, nous nous rendons bien compte de la place inquiétante que la sphère financière prend actuellement sur les autres pouvoirs et du contrôle efficace et surtout réel qu’il serait tant de (r)établir. Car, à en croire le conférencier, peu de personnes, qui plus est parmi les magistrats, sont aujourd’hui aptes à comprendre le fonctionnement de ces organismes.



Face à cela, écrire et écrire encore. C’est en effet, la seule arme pour Denis Robert afin que la vérité sur cette gigantesque arnaque (ou dissimulation, cf. les tractations pour la libération des otages américains en Iran) planétaire éclate enfin au grand jour.



Malheureusement, l’homme semble quelques fois un peu seul et fatigué. 40 visites d’huissiers à son domicile, depuis un peu plus d’un an y sont sûrement pour quelque chose. Le harcèlement est utilisé comme arme par ses détracteurs afin de le faire taire.



Heureusement, les preuves sont là et elles attendent, avec les autres témoins, de pouvoir enfin sortir au grand jour lors d’un procès. Curieusement, rien ne semble se passer pour le moment…



L’espoir viendra donc peut-être d’avantage des livres et des lecteurs/trices qui, à force d’en parler, réveillent les consciences et font bouger des montagnes…



Nicolas Maystre
Pour toute information supplémentaire: cadtm_suisse@yahoo.com

  1. Ou « Chambre de compensation internationale ». Son activité consiste à effectuer des transferts de titres et des valeurs entre les banques du monde entier.
  2. Révélations, Denis Robert et Ernest Backes, Editions des Arènes, 2001
  3. A Genève, en 1996, sept grands magistrats européens, dont M. Bertossa et M. Garzon, se sont réunis pour promouvoir la lutte contre la criminalité financière.
  4. La Boîte Noire, Denis Robert, Editions des Arènes, 2002