Appliquer le droit international, arrêter le «sociocide» en Palestine

La 4e session du Tribunal Russell sur la Palestine les 6 et 7 octobre à New York a examiné les responsabilités de l’ONU et la complicité des USA dans les violations continuelles par Israël du droit international au dépens du peuple palestinien.


 Impossible de rendre compte de toute la richesse des thèmes traités et des personnalités ayant participé aux travaux, nous nous limiterons donc à quelques-uns.

Quelques chiffres illustrent la complicité US avec la politique israélienne de violation à grande échelle du droit international au dépens du peuple palestinien. Leur appui économique s’est traduit par une aide cumulée à Israël de 115 milliards de dollars depuis la fin de la seconde Guerre mondiale. Sur le plan militaire, Israël reçoit 60 % des financements étatsuniens militaires à l’étranger. Sur le plan diplomatique, les USA ont été 43 fois la seule puissance à poser leur veto pour empêcher des résolutions critiques d’Israël. A la session de New York, on a pu mesurer l’hostilité des Etats-Unis à l’égard des droits des Palestinien·ne·s avec les refus des visas d’entrée d’invité·e·s palestinien·ne·s connus : Leila Shahid et Raji Sourani.

Parmi les questions débattues, le concept de sociocide a occupé un volet de la session de New York. La nécessité d’ajouter ce concept à celui d’Apartheid, qui s’est imposé ces dernières années pour définir la politique israélienne, a été soutenue par l’historien et prof. de science politique palestinien Saleh Abdel Jawad. La référence à l’Apartheid renvoie à l’Afrique du Sud sous domination coloniale blanche. Or la situation en Palestine montre aussi des différences importantes avec celle d’Afrique du Sud où les Noir·e·s étaient largement majoritaires même après un siècle de colonisation, alors qu’en Palestine / Israël, les Palestinien·ne·s sont minoritaires; le régime de l’Apartheid était isolé sur la scène internationale, ce qui n’est pas encore le cas d’Israël. Mais la différence concerne surtout les objectifs des colonisateurs : les blancs en Afrique du Sud avaient besoin de la force de travail des Noir·e·s, alors que les Palestinien·ne·s ne font pas partie du projet socioéconomique israélien.

L’adoption du concept de sociocide a trouvé des oreilles attentives dans une partie du jury : Stéphane Hessel ainsi que les membres étatsunien·ne·s (trois femmes noires : Cynthia Mc Kinney, ancienne parlementaire noire de Géorgie, Angela Davis et l’écrivaine Alice Walker ainsi que Dennis Banks, leader amérindien). Par contre, les juristes comme le sudafricain John Dugard (anc. rapporteur de l’ONU sur la Palestine) et l’avocat britannique Michael Mansfield plaidaient pour ne pas élargir le champ des accusations, argumentant que la Convention pour la prévention du crime d’Apartheid traite de presque tous les crimes qu’on peut associer au sociocide. Ils craignent que si l’on abandonne la demande d’appliquer les dispositifs juridiques existants, on donne aux partisan·ne·s de la politique israélienne le prétexte pour prétendre que cette politique n’est pas attaquable avec les instruments du droit international actuel.

On reviendra sur cette session du Tribunal Russell à l’occasion d’une séance d’information à Genève à la mi-janvier 2012, avec la participation d’intervenant·e·s de la session de New York. 

Tobia Schnebli

 


 

 

Adresse de Rémy Pagani à la 4e session du Tribunal Russell sur la Palestine

 

C’est un honneur de pouvoir vous adresser quelques mots de salutations, de soutien et d’encouragement pour votre action.

Le Conseil administratif de la Ville de Genève a décidé de soutenir cette session du Tribunal Russell parce que nous sommes convaincus que cette initiative citoyenne a un rôle indispensable pour faire avancer la cause des droits universels, des Droits humains, du Droit International, du Droit international humanitaire.

Genève, siège européen de l’ONU, siège du Comité International de la Croix-Rouge et ville où ont été codifiées les Conventions de Genève, est un observatoire privilégié, d’où on peut constater de près parfois quelques avancées mais aussi les difficultés et souvent l’impossibilité même de faire appliquer le droit international, de faire appliquer les résolutions de l’ONU, de faire respecter les Conventions de Genève.

Le cas de la Palestine, le déni de droits dont souffre le peuple palestinien depuis plus de 60 ans est certainement l’un des cas les plus emblématiques des blocages et des responsabilités de la communauté internationale des États dans la violation du droit international humanitaire et la non application du droit international en général. Et le refus systématique de respecter le droit international et les résolutions de l’ONU porte atteinte non seulement aux victimes directes des violations du droit mais, surtout, remet en question l’universalité même de ces droits.

Il n’appartient bien sûr pas aux villes d’intervenir dans la politique internationale qui est du ressort des Etats. Par contre nous estimons qu’il est tout à fait légitime, et pour une ville comme Genève c’est même un devoir, que d’appuyer des mouvements et des initiatives citoyennes de la société civile engagée qui revendiquent l’application universelle du droit international et des droits humains en général.

Vous, les membres du jury qui avez résisté au péril de votre vie à la barbarie nazifasciste, vous qui avez lutté contre l’oppression raciale et sociale ici aux USA et en Afrique du Sud, vous qui avez lutté contre la guerre en Irlande du Nord, vous, avec les juristes internationaux très renommés qui ont défendu vos causes dans les tribunaux, vous êtes la meilleure garantie que le travail du Tribunal Russell sur la Palestine parviendra à éveiller les consciences au niveau mondial 

Pour que la raison citoyenne devienne un contrepoids efficace aux raisons d’Etat.

Pour qu’en Palestine comme partout ailleurs la force du droit triomphe sur le droit du plus fort.

Je vous remercie et vous souhaite de bons travaux.