La Providence

La Providence : Une future clinique privée?

Mardi 18 septembre, une majorité des 350 employé·e·s de l’hôpital de la Providence (Neuchâtel) ont débrayé. Pris dans la tourmente, entre intérêts privés et mission d’État, l’Hôpital de la Providence s’apprête à vivre ses dernières heures comme institution indépendante…avant de passer aux mains du groupe Genolier (GSMN), fossoyeur des conventions collectives.

 

Les employé·e·s de l’Hôpital de la Providence, (fondation privée avec mission de service publique, ne faisant pas partie de hôpitaux neuchâtelois (HNe)) viennent de l’apprendre : la signature aura lieu le 25 septembre à 15 h. Alors que s’ouvraient, après un premier débrayage, des négociations tripartites (syndicats, direction et Conseil d’État) les jeux semblent déjà faits. Nous avons rencontré le personnel en lutte. Quand on leur demande comment ils vivent la situation de crise, la réponse ne fait pas de doute : « mal, très mal. Oui, il y a une menace sur nos emplois et les pressions exercées par les chefs sur les em­ployé·e·s sont agressives. Certains membres des services non-soignants, cuisine, hôtellerie, secrétariat ou accueil des patients ont été menacés par leurs chefs, certains même punis, comme en cuisine où les grévistes devront faire trois semaines de vaisselle ». L’annonce d’une grève organisée a fait son effet. Le climat à la Providence est devenu délétère depuis que le personnel a été averti de la fin prochaine de la CCT santé 21 (qui régit HNe à qui la Providence est liée par partenariat) et de la cession prochaine des activités au groupe privé Genolier, amputées de certains services. Ce dernier a averti : la CCT ne sera pas reconduite et l’hôpital sera « autonomisé », doux euphémisme de privatisation à marche forcée, pour en faire une clinique privée.

 

Le personnel, dernier souci des employeurs

Le Conseil d’État a retiré à la Providence les missions hospitalières à charge de l’assurance maladie comme l’orthopédie, la dialyse (centre cantonal) ou l’ophtalmologie, soit le cadre qui lui était jusqu’ici dévolu, au profit d’une centralisation des services dans HNe. L’État a laissé trois possibilités à la Providence : 1. L’autonomie, soit l’adoption d’un statut de clinique privée (donc hors-CCT et subventionnée ad minima)?; 2. L’intégration sans conditions dans HNe?; 3. L’attribution d’une autre mission (hôpital de jour, unité d’accueil temporaire ou foyer pour handicapés). La Direction a fait le choix de l’autonomie. Mais dans cette affaire, le personnel est perdant sur tous les tableaux puisque des suppressions de postes seront effectives.

 

La grève, dernier recours pour se faire entendre

Depuis quelque temps, les menaces sur l’emploi et les conditions de travail étaient bien présentes : « Il y avait des signes avant-coureurs. On aurait déjà dû protester quand ils nous ont baissé notre pourcentage de travail de 5 % le 1er juillet. C’est resté secret à l’hôpital parce que ce n’était pas le personnel soignant. La CCT 21 a été dénoncée au mois de juin, puis tout s’est enchaîné, et on vient de l’apprendre, la CCT finira peut-être à fin 2012, à l’inverse de tout ce qui nous a été dit ». Réunis en assemblée le 12 septembre 2012, le personnel soignant et non-soignant, conscient du risque que représentent notamment la perte de certains services pas suffisamment rentables, l’introduction du salaire au mérite et la perte de la CCT, a décidé de débrayer une première fois le mardi 18 septembre. Largement suivie, bien comprise des patients et de la population, cette journée de grève a permis de rouvrir la discussion avec le Conseil d’État même si « la signature avec le groupe Genolier prend en otage l’ensemble du personnel?; [que] la direction a outrepassé ses droits et nous a menti sur la date de la signature prochaine ».

 

Appel à la solidarité : résistance !

La direction, partiellement soutenue par ses cadres (voir les remontrances faites à un médecin qui avait osé s’exprimer dans les médias) a exercé des pressions sur le personnel, allant même jusqu’à menacer de mesures de rétorsion ultérieures : « la direction a fait des menaces ouvertes au personnel qui distribuait des tracts explicatifs et a publié elle-même un bulletin de désinformation destiné aux patients ». Entre interdictions parfaitement illégales de manifester et culture du silence, voilà bien l’image qui préfigure l’imminent rachat en mains privées et engage le personnel dans une lutte nécessaire. « Mais nos moyens sont limités. Notre seule possibilité : reconduire une grève encore plus massive ». Restons solidaires avec ce personnel militant pour ses droits et l’intérêt primordial de leur mission  non-lucrative !

CJP