Rues piétonnes

Rues piétonnes : Touché, pas coulé!

Dimanche, plus de 56% des habitant·e·s de la Ville de Genève se sont prononcés contre le projet de 50 rues piétonnes. Ce qui devait être la première étape de la mise en œuvre de l’initiative «200 rues sont à vous» a donc durement échoué. Ce résultat consternant a au moins le mérite de la netteté et ne peut donc être attribué à unique facteur.

Le score peut d’abord être mis au crédit de la campagne des opposants qui, avec d’importants moyens financiers (affiches commerciales, pubs sur les trams, dans la presse, etc.), ont pu arroser la République de leur propagande de mauvaise foi. 

            Ainsi l’argument du coût des « plus de 5 millions pour 50 rues » a-t-il été répété à l’envi, alors que ce sont les mêmes milieux qui ont soutenu la tranchée couverte de Vésenaz, qui a déjà coûté 60 millions et pour laquelle un dépassement de 10 millions (le double du projet total pour 50 rues) vient d’être voté par le Conseil d’Etat ! On voit ici la disproportion flagrante entre les moyens accordés aux infrastructures routières et aux aménagements pour la mobilité douce…

 

Besoin de stabilité

En plus de cette campagne hargneuse, le contexte nous était défavorable. La fin des travaux du tram, le début des chantiers du CEVA et la gabegie récente du nouveau réseau TPG ont certainement encouragé un vote protestataire sur une mobilité globalement tourmentée.

            Ensuite, le projet présenté n’était sans doute pas parfait, et le choix de certaines rues était peut-être discutable, mais il avait surtout le double inconvénient de l’ambition et de la nouveauté. Ambitieux, car même si 50 tronçons de rues sont assez dérisoires (par rapport aux 800 que compte la ville), ce n’était qu’une étape vers 200 rues…

            Un peu trop visionnaire enfin : dans la plupart des villes, les rues piétonnes sont généralement des centres commerciaux à ciel ouvert où c’est l’enchaînement de boutiques et la déambulation des consommateurs qui génère la vie et l’activité. Le projet proposé ici était tout autre puisqu’il s’agissait de piétonniser des rues de quartier, que les habitants doivent ensuite se réapproprier. Une excellente idée, un peu expérimentale… et peut-être un peu en avance sur son temps !

 

Les quartiers sinistrés disent OUI

Malgré tout, plusieurs locaux de vote (Pâquis, Cluse-Roseraie, Mail-Jonction et Saint-Gervais) ont dit OUI. Mais la participation est restée trop faible dans ces quartiers populaires (32,4 % aux Pâquis où on a dit OUI à 53,4 %), contrairement aux plus huppés (Champel, etc.), qui se sont massivement mobilisés contre (45,1 % de participation à Florissant-Malagnou pour un NON à 69,5 %!) Evidemment, les zones les plus sinistrées par un trafic intense et une forte densité d’habitation et d’activités ont eu plus tendance à accepter le projet que les quartiers préservés.

            Autre facteur : la qualité de la desserte en transports publics, inégale selon les secteurs (ceux bénéficiant d’un tram étant de ce point de vue favorisés), qui joue sur la nécessité ou non d’utiliser, voire de posséder une voiture. Enfin, il est intéressant de noter que les quartiers ayant dit OUI sont souvent ceux où l’on trouve déjà quelques rues piétonnes, signe que l’expérience est plutôt perçue comme positive.

 

Et maintenant ?

La création de rues piétonnes et globalement la diminution de la place accordée à la voiture en ville, reste un objectif, qui continuera d’être poursuivi. Les opposants n’ont d’ailleurs jamais contesté la nécessité de créer des rues piétonnes, mais bien tel ou tel détail ou modalité du projet. Il faudra donc aller de l’avant.

            Plusieurs options, avec leurs inconvénients : multiplier les zones « de rencontre » à 20 km/h (qui ne permettent pas la même réappropriation de l’espace public), aller de l’avant sur la piétonisation de l’hyper-centre (où se pose l’épineux problème du chantage avec le parking Clés-de-Rive) ou encore créer quelques tronçons piétons dans les quartiers ayant accepté l’initiative. Rappelons que celle-ci a été acceptée par le Conseil municipal et reste donc en vigueur. Ce n’est qu’un début…

 

Thibault Schneeberger