Porto Alegre: la cité de la jeunesse, une utopie en construction

Porto Alegre: la cité de la jeunesse, une utopie en construction


Au coeur du 2e Forum Social Mondial de Porto Alegre, le Comité de la jeunesse avait organisé sa Cité alternative dans le «Parque da Harmonia». Cette année, le Campement Inter-continental de la jeunesse a réuni plus de 15000 jeunes, issus de quarante pays des cinq continents.



Parmi les 15000 participant-e-s, les organisateurs/trices ont dénombré 45 % de femmes, 87% de Brésilien-nes et 13% d’étrangers, dont 70% de Latino-Américains, 22% d’Européens, 6% de Nord-Américains et 2% d’autres continents. En réalité, une grande partie des jeunes Européens et Nord-Américains qui ont pris part au FSM, n’étaient pas inscrits au Campement de la jeunesse. Leur participation réelle au 2e FSM paraît donc sensiblement sous-évaluée par ces chiffres. A noter que 2e le Campement intercontinental de la jeunesse a rassemblé un certain nombre de protagonistes européens des mouvements contre la mondialisation néolibérale qui, de Seattle à Gênes, ont dynamisé les grandes journées de résistance et lancé un débat international sur les revendications du mouvement, ainsi que sur ses formes de lutte et d’organisation.



Cette année, le Campement Intercontinental de la Jeunesse avait décidé d’expérimenter directement des alternatives concrètes, sur le terrain: bio-construction, autogestion, démocratisation des moyens de communication et des ressources culturelles, alimentation non industrielle, etc.



Nous reproduisons ici un extrait du document de bilan provisoire, que vient d’élaborer le Comité de la jeunesse du FSM.

Réd.

Au milieu des décombres d’un monde en décomposition, nous avons trouvé un espace pour rêver, créer, danser, penser, apprendre la nécessité de globaliser la résistance et l’espérance. Nous avons trouvé à Porto Alegre une ville libre, où les générations, les genres, les ethnies, les religions et les nationalités ont formé une mosaïque humaine démocratique, exprimant des aspirations collectives, respectant l’ensemble des différences et construisant des alternatives.


Nous avons vécu une rencontre de générations. De celles qui ont contesté les expériences du communisme bureaucratique et des totalitarismes, de celles qui ont vu tomber le Mur de Berlin et ont grandi sur ses ruines, voyant triompher le capitalisme néolibéral et ses valeurs individualisantes, qui ont transformé la vie en marchandise et l’être humain en objet. Une période qui s’est présentée comme la «fin de l’histoire», alors qu’elle n’annonce que la fin du capitalisme.

Auto-émancipation

Des séquelles du passé demeurent encore, parmi celles et ceux qui accréditent encore les vieilles formules comme le culte de la personnalité ou la croyance que le despotisme éclairé peut sauver l’humanité, mais aussi parmi celles et ceux qui veulent réformer le capitalisme ou ses armatures (FMI, Banque Mondiale, OMC, etc.). Mais, portant notre regard au-delà, nous avons élevé la voix pour dire que nous voulions un monde libre, sans maîtres, que nous voulions une véritable émancipation, une auto-émancipation. Nous poursuivons une utopie, un lieu dans lequel l’exploitation des travailleurs/euses, l’oppression des femmes, des noirs, des immigrant-e-s, l’aliénation, la réification, l’Etat et le capital soient tous abolis.



A Porto Alegre, nous avons tenté de construire une Cité selon tous les principes dont nous rêvons pour une nouvelle société. Nous l’avons appelée «Cité de la jeunesse: Carlo Giuliani».1 Une cité construite par de nombreuses mains, faisant appel aux techniques de bio-construction, qui ont un impact réduit sur l’environnement, tablant sur le travail solidaire et la coopération des jeunes, des travailleurs/euses, des chômeurs/euses (MTD), des Sans Terre (MST). Une cité dans laquelle les moyens de communication seraient accessibles à toutes et tous, et non le monopole de quelques uns; où la culture serait l’essence de la contestation, produite par nous-mêmes et non mercantilisée et aliénée. Une cité sans pouvoir institué, sans Etat, mais autogérée, auto-organisée. Une cité qui ne réprimerait pas l’usage des drogues, mais informerait et avertirait sur ses risques. Une cité où les seules limites seraient la subordination de la liberté de chacun-e à la bonne intelligence collective.

Vers une grande transformation


Nous avons respiré et créé une nouvelle façon de faire de la politique, une nouvelle manière de traiter nos divergences. Notre objectif: réinventer le monde, former les bases et les valeurs nécessaires aux nouveaux sujets d’une grande transformation. C’est dans cette perspective, que nous avons conçu le 2e Campement Intercontinental de la Jeunesse. Nous n’avons pas cherché à diluer tout dans un sujet unique, mais à créer un front de résistance globale au néolibéralisme, qui puisse articuler nos actions au plan international. Nous nous sommes efforcés d’innover en tentant de construire cette cité en mettant nos théories en pratique. L’organisation de ce 2e Campement a ouvert la possibilité d’un débat interne sur la construction d’alternatives testées dans la pratique, dans l’action et sous la pression des événements.

Continuer à rêver et à lutter


En 2002, nous nous sommes sentis petits face à ce gigantesque chantier. Dans la Cité de la Jeunesse, pendant sept jours, nous avons cohabité à plus de 15000 jeunes de plus de 40 pays, de tous les continents, cultures, langues et religions. Nous avons souhaité une gestion participative de tous les habitant-e-s. Nous avons voulu discuter ensemble des lois, des règles, des actions, de la résolution des conflits, de la sécurité, du nettoyage, de la vie en commun, de l’utilisation des espaces, des moyens de communication – que l’ensemble de la gestion soit discutée et décidée collectivement.



Que ce soit en raison du caractère très neuf de notre mouvement, des déformations d’une gauche bureaucratisée et sectaire, ou encore de l’absence de propositions concrètes et des limites de nos échanges, nous n’avons de loin pas atteint un tel objectif. Il est extrêmement difficile pour les participant-e-s de dépasser la passivité du spectateur/trice. Mais ce qui est sûr, c’est que nous continuons à rêver, à lutter et à travailler à la préparation pratique de tels objectifs.»



Comité de la Jeunesse du FSM 2002

  1. Du nom du jeune manifestant tué par les carabiniers au cours de la manifestation contre le G8 à Gênes, en juillet 2001.