Un escroc pour combattre Le Pen...

Un escroc pour combattre Le Pen…


Il ne fait aucun doute que la présence d’un néo-fasciste notoire au second tour des élections présidentielles françaises constitue un coup de tonnerre.


Elle justifie les manifestations en cours dans la rue, dans les écoles, sur les lieux de travail, pour faire front dans la lutte contre le Front. Deux jours après le 1er tour, elles avaient déjà fait descendre un million de jeunes dans la rue… et ça continue.



Si Le Pen triomphe aujourd’hui, c’est parce que les jeunes et les salarié-e-s ne font plus la différence entre la politique de la «gauche plurielle» et celle de la droite, toutes deux dictées par les intérêts capitalistes. En réalité, il faut changer de politique! Le poids acquis par la gauche anticapitaliste est un atout dans ce sens.



Aujourd’hui, il importe avant tout de poursuivre les mobilisations afin de combattre la xénophobie et le racisme du FN, sans pour autant cautionner, comme un «moindre mal», la politique patronale agressive que se prépare à mener Chirac, au lendemain du 2e tour. On sait en effet qu’elle nourrira à nouveau le désarroi, la xénophobie et le racisme…



«Escroc plutôt que facho!» crient aujourd’hui les manifestant-e-s, non sans dérision. C’est un constat, non un choix! Pour cela, nous devons convaincre le plus d’électeurs/trices français de résister à la déferlante réactionnaire en refusant de voter Le Pen.


L’examen des résultats permet de mieux caractériser le séisme politique dont la presse se gargarise. En bref, il se résume à trois tendances…

L’extrême-droite regroupée autour de Jean-Marie Le Pen


Le succès de Le Pen résulte essentiellement d’une évolution au sein de l’extrême-droite: cette fois-ci, le pôle fascisant a réussi à gagner l’hégémonie totale sur ce fond de commerce. En réalité, le trio actuel Le Pen – Megret – Boutin (5,8 millions de voix, 20,57%) pèse à peu près le même poids que le duo Le Pen – De Villiers (6,0 millions de voix, 19,74 %), il y a 7 ans. Les analyses territoriales montrent d’ailleurs que Le Pen a progressé, en particulier, dans les régions où De Villiers avait fait de bons résultats.



En revanche, il semble que Le Pen n’ait pas marqué des points dans l’électorat ouvrier, qu’il avait déjà conquis de façon inquiétante en 1995, et qu’il ait même reculé sensiblement parmi les moins de 35 ans. En revanche, il aurait gagné de nouvelles forces au sein de la petite bourgeoisie traditionnelle. L’extrême droite fascisante doit donc avant tout son succès actuel à la mobilisation de la droite ultra, des petits indépendants excédés, plus qu’à de nouveaux progrès parmi les salarié-e-s désabusés.

Un effondrement du vote PS-PC


Les deux «grands» partis de gauche perdent ensemble 4,2 millions de voix (-12,5 %). Cette faillite ne touche pas les Verts gouvernementaux de Noël Mamère (1,48 millions de voix, 5,3%); elle profite (un peu) au candidat «républicain» Jean-Pierre Chevènement (1,51 millions de voix, 5,4%), et surtout à l’abstention (plus 1,9 million de voix, 6,8%). La «gauche social-libérale», à laquelle le PCF s’est progressivement ralliée, est au tapis.



Il y a 7 ans, la droite tenait tous les leviers du pouvoir. Après le grand mouvement gréviste de l’hiver 1995-1996, en dissolvant l’Assemblée, Chirac avait pourtant ouvert la porte à la «gauche plurielle» en 1997… Pilotée par le PS, elle a mené le PCF et les Verts sur le terrain de la gestion néolibérale (privatisations, mise en cause des retraites, développement des inégalités sociales, etc.). L’insécurité généralisée – sociale, de l’emploi, écologique – a ainsi nourri l’insécurité tout court! Ce n’est donc pas la pluralité qui a détruit la «gauche», mais le reniement complet de sa raison d’être: la défense des intérêts des exploité-e-s et des opprimé-e-s.

Un bond en avant de la gauche anticapitaliste


Le fait le plus marquant ici, c’est la percée d’Olivier Besancenot, le jeune facteur, candidat de la LCR. Il est apparu pleinement en phase avec les mobilisations de la jeunesse contre la mondialisation capitaliste et ses conséquences sur les lieux de travail, au détriment des services publics, des écoles et de la santé. Il talonne ainsi Arlette Laguiller, avec 4,3% des voix. Parmi les 18 à 24 ans, il recueillerait même14% des suffrages, soit plus que Jospin, Mamère ou Le Pen!



Au total, la gauche anticapitaliste rassemble 10,5% des suffrages et double son audience. Pour être juste, il faut cependant rappeler, qu’il y a 7 ans, la candidature Voynet n’était pas celle d’un parti de gouvernement. Elle se situait clairement à gauche et avait reçu le soutien explicite de la LCR (qui ne présentait personne). Ses 1 million de voix d’alors (3,3%) ne peuvent donc être comparées aux 1,48 million de Noël Mamère, en dépit de la continuité des étiquettes.



Cependant, les 10,5% réalisés par la gauche anticapitaliste, avec des pointes à 20 ou 30% dans certains quartiers ou agglomérations populaires, représentent un atout de taille pour construire une véritable alternative de gauche et refonder une politique anticapitaliste tournant le dos au sectarisme et aux intérêts de boutique. Il n’y a pas de temps à perdre!


Jean BATOU