Les servitudes de la participation à un exécutif communal

Marc Vuilleumier, élu du POP en mars 2011 sur la liste commune « rose / verte / rouge » à l’exécutif de la ville de Lausanne, vient d’annoncer son retrait de la Direction de la police. solidaritéS avait à l’époque refusé de soutenir cette liste, considérant qu’elle n’était nullement porteuse d’une quelconque perspective anticapitaliste.

Comme nous l’avions expliqué, «bien que très largement majoritaire (6 postes sur 7) à l’exécutif et au législatif, le pouvoir en place s’est évertué à ne rien bousculer au niveau institutionnel et économique, inscrivant son action dans le respect des contraintes de toute nature. On chercherait en vain une quelconque rupture avec l’ordre établi dans cette gestion moderniste et ce sur la base du bilan de la gestion de la ville depuis plusieurs décennies par une «majorité de gauche».

solidaritéS avait dès lors présenté deux candidat·e·s à l’exécutif de la ville, Isabelle Paccaud et Hadrien Buclin, actuellement élu·e·s de La Gauche au législatif, sur une liste indépendante de la majorité dite « de gauche », une liste qui entendait «à la fois s’opposer de manière déterminée à la politique de la droite et se situer de manière critique par rapport à la politique de Municipalité sortante et de son bilan.» En matière de sécurité publique, ces derniers mois, la politique de la droite et celle de « la gauche » ont fini par se confondre… la majorité socialiste-verte reprenant entièrement à son compte la surenchère du « tout sécuritaire », critiquant de manière implicite l’action, trop timide, du popiste Marc Vuilleumier.

 

Après Sarkozy et Manuel Valls, avec le syndic Daniel Brélaz, la répression tous azimuts et sa politique-spectacle prennent le dessus!

En mai 2012, socialistes et verts lausannois acceptaient dans leur majorité un postulat du parti libéral-radical pour la création de zones d’éloignement au centre-ville. Les personnes ciblées sont celles qui «créent un trouble public en raison de leur comportement»… Une majorité socialiste-verte avait également admis en 2011, peu ou prou, la mise en place, moyennant de prétendues garanties, d’un système de vidéo-surveillance.

Le contre-projet déposé par l’exécutif lausannois en juin 2012 à une initiative libérale-radicale, visant à interdire la mendicité «dans les endroits où elle est de nature à troubler l’ordre et la tranquillité publics ou à entraver la circulation sur la voie publique», stigmatise la population rom. Sur cette question, le syndic vert Daniel Brélaz est d’ailleurs un récidiviste: en 2010, ce politicien n’avait-il pas osé parler d’un «trait de caractère profond» des Gitans, après une déprédation et des salissures ? «Avec les Gitans, c’est inévitable. C’est dans leurs mœurs. Un trait de caractère profond.»…Il avait dû faire marche arrière devant les protestations suscitées par de tels propos à connotation raciste. Enfin, mi-juillet 2012, Daniel Brélaz, bombant le torse, déclarait que «dès l’entrée en vigueur de notre plan, les dealers auront disparu des rues lausannoises d’ici 2013, au plus 2014».Une petite phrase qui ressemble à celle prononcée pas Nicolas Sarkozy en juin 2005 : «Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé»…

 

Les illusions d’une politique «sécuritaire» de gauche

Les campagnes systématiques de l’UDC sur l’insécurité à propos des «nuits lausannoises», reprises par toutes les forces politiques institutionnelles, relayées par les grands médias, accréditent l’idée que la répression pourrait à elle seule résoudre les problèmes de la drogue, celui de l’abus de consommation d’alcool ou celui de la violence, des «incivilités», attribuées aux jeunes. Derrière la vente de drogue, il y a des consommateurs-trices. Il y a aussi des gros trafiquants, ceux qui blanchissent leur argent dans les banques helvétiques. Derrière la surconsommation d’alcool, il y a les profits des grands distributeurs et des publicitaires. Derrière la violence ou les «incivilités», il y a la précarité et l’absence de perspective professionnelle.

Pour la gauche radicale, les réponses à ces problèmes ne résident ni dans le tout sécuritaire, ni dans le renforcement de l’action d’une police dite de proximité, mais dans des politiques publiques répondant aux besoins de la majorité, en matière notamment de logement, de santé, d’emploi, de formation. Elles résident aussi dans la construction d’une société solidaire, bannissant toutes les formes de discriminations. Il n’y a pas de raccourci: Marc Vuilleumier vient d’en faire cruellement l’expérience.

 

Jean-Michel Dolivo